Le SCB a longtemps été synonyme de victoires, de titres et d’émotions. Le club a remporté le championnat à cinq reprises au cours de la dernière décennie. Mais aujourd’hui, les Bernois sont en crise. Depuis trois saisons, ils ne parviennent plus à décoller.
Beat Brechbühl, qui dirige le conseil d’administration depuis l’été 2017, ne fait que peu parler de lui. Le visage du club, c’est le directeur général Marc Lüthi, en fonction depuis 23 ans.
Le Bernois était copropriétaire de la société de marketing IMS lorsque le SCB a été mis en liquidation judiciaire en 1998 avec des dettes de près de dix millions de francs. Marc Lüthi avait alors obtenu le poste de manager. Sa société IMS était devenue dans un même temps le principal créancier privé du club et avait effacé ses dettes. Marc Lüthi est ensuite devenu copropriétaire du SCB et délégué du conseil d’administration.
Décision unilatérale
Grâce à un projet de restauration ingénieux, le sexagénaire a fait du club un acteur puissant. Sur les 60 millions de chiffre d’affaires du club avant la pandémie, un peu plus de la moitié est attribuable à la filiale Sportgastro et sa vingtaine d’établissements.
Marc Lüthi a permis au club de remonter la pente. Au cours de ses premières années, il a également fait office de directeur sportif, malgré son manque de connaissance en Hockey. Il a étroitement collaboré avec Gérald Métroz, l’agent de joueurs. Par la suite, il a engagé d’autres individus pour ce rôle, sans jamais hésité à s’immiscer dans les décisions.
En 2011, il a renvoyé l’entraîneur Larry Huras derrière le dos de son directeur sportif Sven Leuenberger. La raison: il manquait de panache. En conséquence, 5000 détenteurs de billets de saison sont restés loin des matches et les ventes de saucisses et de bière se sont effondrées. Seul le président de l’époque, Walter Born, aurait été impliqué dans cette décision.
Marc Lüthi tente de passer outre cet épisode: «En principe, je n’ai jamais rien fait sans l’approbation du conseil d’administration. Dans 99,9% des cas, la majorité a donné sa bénédiction.»
Possible licenciement
L’actuel président réfute l’affirmation selon laquelle le conseil d’administration approuve simplement tout ce que décide Marc Lüthi: «Cela ne se passe pas comme ça. Il doit toujours y avoir une discussion – même sur les questions de personnel comme le licenciement d’un entraîneur. Parfois le processus peut être long, parfois il est court.»
Beat Brechbühl déplore: «En tant que CEO, Marc cultive un style de gestion plutôt condescendant. Cela fait partie de sa personnalité – je ne peux pas et ne veux pas changer cela. Je considère que mon rôle de président est avant tout celui d’un sparring-partner et d’un facilitateur pour le CEO pour atteindre ensemble la réussite entrepreneuriale et sportive. Accessoirement, j’ai le rôle de chien de garde et de contrôleur. Je ne veux pas attendre que quelqu’un fasse une erreur pour pouvoir la corriger.»
Cependant, l’ensemble du conseil d’administration tient le destin de Marc Lüthi dans les mains. «Nous l’engageons et le renvoyons. Comme pour toute PME organisée de manière professionnelle, nous disposons d’un règlement d’organisation qui régit clairement les compétences du CEO.», souligne Beat Brechbühl. Pourrait-on retirer la copropriété à Marc Lüthi? Le président est direct: «oui, c’est possible».
Les ventes ont chuté
Le directeur de l’exploitation, Rolf Bachmann, a toujours été le bras droit de Marc Lüthi. Au cours des cinq dernières années, l’homme de 58 ans était également responsable du département des sports. En 2016, le CEO a justifié cette mesure en déclarant que l’entreprise souhaitait renforcer ses compétences sportives, mais qu’elle devait réduire ses activités commerciales. Rolf Bachmann est désormais à nouveau exclusivement responsable des activités commerciales. «C’est une tâche qui ne peut être réalisée à temps partiel et certainement pas avec la moitié du personnel.», déclare Marc Lüthi aujourd’hui.
La pandémie a frappé deux fois les Bernois, qui avaient depuis longtemps atteint les limites de leur modèle de restauration. Les entreprises de sport et de gastronomie se sont effondrées. Le chiffre d’affaires est passé de 26 à un peu moins de 12 millions de francs. Malgré des subventions à fonds perdu de 5,7 millions de francs, le SCB a terminé le dernier exercice avec un déficit de 1,5 million de francs.
Le veto de Raeto Raffainer
Raeto Raffainer est désormais chargé de veiller à ce que le SCB redevienne compétitif sur la glace. L’Engadinois est responsable de l’ensemble du secteur sport depuis février. Il est également impliqué dans le développement d’un centre de performance et du Hockey Lab, qui a pour but de fournir un soutien plus ciblé et plus efficace aux jeunes joueurs pour planifier leur carrière. Mark Streit, copropriétaire et membre du conseil d’administration du SCB, est le chef de projet. Le quarantenaire, également chargé de la formation au développement, reste discret dans les affaires courantes.
Raeto Raffainer rend compte à Marc Lüthi. Il se félicite de cette coopération: «Nous échangeons des idées tous les jours. Peu importe où je suis.» L’ancien directeur de la Nati a été élu au Conseil de l’IIHF en septembre et se trouve actuellement à Moscou, d’où il travaille à temps partiel pour le SCB.
Au printemps, Raeto Raffainer a veillé au renvoi de la directrice sportive Florence Schelling et l’a remplacée par Andrew Ebbett. Il explique: «Depuis qu’Ebbett est là, je n’ai jamais eu de conversation seul avec un joueur ou avec un entraîneur.» Raeto Raffainer a un droit de veto sur la question des étrangers dans les premiers mois. Il s’agit de protéger le directeur sportif encore inexpérimenté contre les erreurs. L’Engadinois nous assure qu’il n’a jamais fait usage de ce droit. «Je ne veux pas être un directeur sportif fantôme», précise-t-il.
Raeto Raffainer guide le directeur sportif, pose des questions et donne des conseils. Lorsque l’entraîneur et directeur sportif de Lausanne, John Fust, a proposé Joël Genazzi sur le marché pour un éventuel échange, il a demandé à Andrew Ebbett de ne mentionner aucun nom de joueur pour ne pas s’attirer d’ennuis.
Qui peut renvoyer l’entraîneur?
Pendant des années, le directeur sportif n’a pu faire que des suggestions sur la question de l’entraîneur. La décision finale revenait au conseil d’administration. Même dans le cas d’un licenciement. Cela a changé au cours des deux dernières années. La direction générale prend maintenant la décision finale. Outre Marc Lüthi, Raeto Raffainer et Rolf Bachmann, cet organe est également constitué du directeur financier Richard Schwander et du responsable de l’accueil Sven Rindlisbacher. Pourquoi ce changement?
«Parce que cela nous permet de regarder au-delà de notre propre nez», explique Marc Lüthi. Beat Brechbühl complète: «Cela dépend de qui a le meilleur argument. Si le patron de la gastro a de meilleurs arguments que le directeur sportif, il pourra alors convaincre la direction. Mais la probabilité que cela se produise est probablement faible.»
Beat Brechbühl en est convaincu: «Chacun doit faire ce qu’il sait mieux faire. La compétence du conseil d’administration réside dans la stratégie globale et la sélection de la direction. Cette-dernière est plus proche du sport, c’est pourquoi la sélection des entraîneurs est entre de meilleures mains. C’est précisément cette délégation qui permet d’éviter les décisions unilatérales.»
À Berne, on espère que l’entraîneur Johan Lundskog ne rencontrera pas de difficultés. Le système du Suédois est orienté vers l’avenir. Dans la capitale, ils sont convaincus qu’il faut pratiquer un hockey ludique afin de redevenir des champions. Il faudra toutefois attendre encore un peu avant que le SCB ne joue pour son 17e titre. «Comme je l’ai toujours dit, il nous faut au moins trois ans», souligne Raeto Raffainer.
(Adaptation: Jessica Chautems)