Si vous voulez savoir quelle est la différence entre avoir froid et avoir très froid, rendez-vous à Rimouski. Située sur les bords du fleuve Saint-Laurent, la bourgade propose un climat rude, surtout au cœur de l’hiver. La preuve: les pêcheurs peuvent se promener sur le fleuve pour y taquiner l'éperlan arc-en-ciel tant la couche de glace est épaisse. «Bien me sécher les cheveux en sortant est la première chose que j’ai apprise en arrivant ici.» La confidence vient de Basile Sansonnens, défenseur suisse qui dispute sa première saison au Québec.
Âgé de 18 ans, l’arrière gruérien a quitté la Suisse cette saison pour poursuivre son développement à l’autre bout du monde. Attablé dans le Café le Moussonneur, le jeune espoir raconte sa nouvelle vie sans une once d'accent québécois dans la voix. «Non, non je n'ai pas pris le pli», rigole-t-il. Tout juste lâche-t-il furtivement un «une game» pour parler d'un match de son équipe.
La vie en pension
«Jusqu'à mon départ, j'étais encore chez mes parents, nous a-t-il confié. C’est un dépaysement tant au niveau géographique que simplement dans la vie de tous les jours. Mais je dois dire que j'ai l'impression que cela passe vite. On est déjà en février et c'est comme si je suis arrivé avant-hier (rires)». À l’instar de David Bosson, un autre jeune fribourgeois engagé au Québec, Basile Sansonnens vit en pension dans une famille. «Il y a trois filles dans la mienne, contrairement à David qui est seul, remarque-t-il. C’est agréable de vivre cette expérience. Je pense vraiment que je grandis humainement.»
Il faut dire que l’ancien junior de Fribourg vient de vivre douze derniers particulièrement riches en émotions. Entre son premier match avec Gottéron, son transfert retentissant à Lausanne et sa draft en NHL (Vancouver, 7e ronde), le jeune défenseur a de quoi être chamboulé. «C'est vrai que cela fait beaucoup», rigole-t-il.
Les températures négatives avoisinant les -20 degrés (voire plus), il y était un peu moins préparé. Sur les bords du Saint-Laurent, il semble dans le dur. Et il n’est pas le seul. «Habituellement, c’est froid. Mais là… C’est encore à un autre niveau.» Mais il avoue aimer ce climat particulier. «Ce n’est pas quelque chose qui me fait peur», détaille-t-il. Encore heureux, parce que le fleuve ne devrait pas dégeler très prochainement. «Je n’ai par contre pas vu si des patinoires étaient préparées sur le Saint-Laurent, concède-t-il. Mais je ne serais pas surpris. Ici, tout le monde patine.»
Il est vrai que Rimouski vit pour le hockey sur glace. Les mauvaises langues diront probablement qu’il n’y a que ça à faire. Possible. Mais toujours est-il que la petite ville de 50’000 habitants héberge une équipe de ligue junior canadienne depuis 1995. Et ce n’est pas non plus un hasard si de nombreuses gloires y ont transité. Il y a eu Sidney Crosby, Vincent Lecavalier, Brad Richards… ou Jan Cadieux. L’ancien coach de Genève-Servette y a en effet remporté une Coupe Mémorial, le plus prestigieux trophée junior canadien.
«Lorsque tu portes ce maillot, tu sens cette histoire sur les épaules», précise Basile Sansonnens. Cette année, le tournoi final aura d’ailleurs lieu à Rimouski. «Mais dans le vestiaire, nous nous concentrons sur ce que nous avons à faire, précise-t-il. Aujourd’hui, ces échéances paraissent tellement lointaines.» Moins loin que la NHL, toutefois, même si celle-ci se rapproche de manière perceptible. «Quand tu es gamin, tu en rêves, détaille le Sorensois. Mais peu à peu, cela devient quelque chose de possible. Je ne dirais pas encore que c'est proche, mais ce n'est pas irréaliste d'y penser.»
Retour à Lausanne
Au lendemain de cette interview, il a inscrit son premier but dans la ligue junior québécoise face aux Remparts de Québec. «Je connais mon rôle et je sais que je peux aider l'équipe de différentes manières sans forcément marquer beaucoup de buts ou distribuer de nombreuses passes décisives, avance-t-il. J'ai toujours été plus utile par mon jeu défensif et ma capacité à bien fermer l'espace et effectuer une relance propre.»
Au contraire de David Bosson qui avait paraphé un contrat de deux ans avec Drummondville, Basile Sansonnens, lui, ne restera qu'une année à Rimouski. Dès l'an prochain, sa place sera à Lausanne, club avec lequel il aura encore trois ans de contrat. Une progression logique dans son esprit: «Après avoir joué en Suisse dans le championnat juniors, cela me paraissait bien de franchir un palier en allant au Canada. Et dans le même ordre idée, je pense que c'est une bonne chose pour moi de revenir en Europe pour découvrir le hockey professionnel avec le Lausanne HC. Je pense que c'était le bon choix. C'est ce que j'avais besoin à ce moment-là. Avoir une année où j'ai un bon temps de jeu, où j'ai un rôle qui me correspond.»
Car oui, c'est bien avec un Lion sur le ventre que Basile Sansonnens va jouer dès la saison prochaine et non Fribourg, son club formateur. Un départ qui avait fait grand bruit au printemps dernier. «Je m'étais préparé à ce que cela fasse parler, remarque-t-il. Mais cela ne m'a pas affecté du tout. Je n'avais pas envie de partir absolument. J'étais content de découvrir autre chose et le projet qui m'a été présenté m'a convaincu. J'ai senti que l'on comptait sur moi.» Depuis Rimouski, il se tient évidemment informé de l'évolution de la National League. «Je regarde surtout ce qui se passe à Lausanne», rigole-t-il.
Mais en attendant de se faire sa place du côté de la Vaudoise aréna, il va surtout poursuivre son aventure à plus de cinq heures de Montréal du côté de Rimouski, une ville qui vit pour le hockey. En ce sens, il n'est pas dépaysé, lui qui a grandi près de Fribourg et va rejoindre Lausanne, deux cités dont les patinoires sont toujours bien garnies, tout comme la ville située sur les bords du Saint-Laurent.