Doug Boulanger représente la prochaine génération de spécialistes en développement de joueurs. Il est créatif, avant-gardiste et possède de solides connaissances dans tous les domaines du jeu. Ces dix dernières années, il est devenu un skill coach très courtisé, développant des programmes de compétences personnalisés pour les joueurs d’élite européens. Vous pouvez en savoir plus sur ses activités en le suivant sur son compte Instagram.
«Bonjour à tous.
Cette semaine, j'ai décidé de vous parler du sens du jeu ou de l'intelligence de jeu. Contrairement à ce que l'on peut croire, je ne pense pas qu'un Dieu accorde cette qualité à certains et pas à d'autres. Les entraîneurs ont d'ailleurs trop souvent tendance à cataloguer les joueurs en deux catégories: ceux qui l'ont et ceux qui ne l'ont pas. C'est une erreur. En tant que technicien, on doit être capable de comprendre ce que les joueurs comprennent. De voir ce qu'ils voient. C'est ainsi qu'on sera capable de les faire progresser.
Mais cette communication doit aller dans les deux sens. C'est également aux joueurs de faire part de leur ressenti. Les entraîneurs ne sont pas dans leur tête et ne peuvent pas tout deviner. C'est également la qualité de cet échange qui va faire la différence sur la progression ou non.
Dans la relation joueur - coach, il y a un biais très important. Tout au long de sa carrière, un gars ne va évoluer qu'à une ou deux positons et aura donc énormément de restrictions dans son développement qui seront liées à ce fait. Ces limitations vont également être induites par le système de son coach et les restrictions qui en découlent. La volonté de progresser doit être des deux côtés.
Pour qu'il ne stagne pas, il doit toujours être capable d'ajouter quelque chose à son jeu. Faites l'exercice en regardant un gars évoluer et demandez-vous ce qu'il pourrait avoir de plus pour être meilleur. Lui-même se posera la question. J'aime bien utiliser l'exemple de la fourchette pour imager cela. Le manche représente le skill pur. Son aptitude naturelle. Les dents représentent la capacité à utiliser cette force de différente manière pour arriver à un résultat probant. Pourquoi certains arrivent toujours à marquer le même tir au but? Ils sont capables d'imposer leur jeu au gardien et non l'inverse.
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Selon moi, c'est au niveau de l'intelligence de jeu - le QI de hockey - qu'il y a le plus à faire. Lorsque je travaille avec un joueur professionnel, il faut toujours que je parvienne à trouver quelle est cette couche supplémentaire qui va lui faire passer un palier par rapport à la saison précédente. Mais concrètement, que peut-on faire, en tant que coach, pour leur amener ce petit plus?
Il faut être capable de comprendre quelles sont ces forces et ce qu'on peut ajouter. Certains joueurs ont un bon sens du jeu et sont capables de gagner des duels dans de petits espaces. D'autres sont très bons dans la transition en ayant la capacité de toujours trouver l'espace libre pour partir en contre. Il n'y a rien de pire qu'une aptitude qu'un joueur n'est pas capable d'utiliser en match, car, sous pression, il perd sa fluidité dans le geste.
J'ai entendu des centaines de techniciens dire que le hockey est avant tout un jeu de lecture et de réaction (read and react). Mais je ne suis absolument pas d'accord avec cette approche. Dès que tu te mets à réagir à un événement qui a déjà eu lieu, tu as déjà un temps de retard.
Regardez les sorties de zone en National League. Toutes les équipes savent le faire parfaitement. Ce qui fait la différence, c'est la capacité de s'ajuster en situation après la prise d'informations sur le pressing adverse. Mais es-tu capable de voir en temps réel si en face l'adversaire est un gaucher ou un droitier? Le pressing vient-il de l'intérieur ou de l'extérieur? Cela a un immense impact sur le bon jeu à faire. C'est justement ce genre de choses qu'il faut être capable de travailler pour développer ce sens du hockey et cette intelligence de jeu.
Penchons-nous sur Fribourg qui joue le match phare du week-end contre Lugano. Ils sortent d'un week-end à 6 points. Du côté de Gottéron, il y a deux joueurs qui marquent des buts similaires depuis plusieurs années: Julien Sprunger et Killian Mottet. Je vous ai sorti une séquence typique de ces deux joueurs. Et à la fin, on est en droit de se demander comment cela fonctionne toujours malgré les analyses vidéos et la préparation adverse.
Regardons cela.
Mais c'est tout simple, au final. Les bons joueurs sont capables de profiter des espaces qui peuvent se créer et de les utiliser à leur avantage. Mottet a marqué quatre buts en power-play du même endroit. Sprunger a inscrit trois de ses cinq buts dans la même zone devant le but. Tout monde sait ce qu'ils vont faire et pourtant cela fonctionne match après match.
Et justement, lorsque je parlais de cette capacité à imposer ses forces sur son adversaire, c'est un exemple parfait. La prochaine fois que vous regarderez votre joueur préféré, demandez-vous où et pourquoi il a du succès et comment il fait pour influencer le jeu pour que le jeu vienne à lui et non l'inverse.
En NHL, le meilleur exemple, c'est Alexander Ovechkin. Cela fait des années qu'il marque le même but en power-play et personne n'arrive à l'arrêter malgré le fait que tout le monde est au courant de sa préférence. C'est précisément cela, avoir le sens du jeu.»