La scène s'est déroulée le jour de la Saint-Valentin, mais il n'est pas du tout question d'amour. Le 14 février 2021, Fabrice Herzog jouait avec Davos lorsqu'il a mis au tapis Eric Blum. Le défenseur de Berne, ancien international, a souffert d'une commotion cérébrale, d'une fracture du nez et de blessures à l'épaule.
Le verdict du juge unique de la National League a pris quatre jour pour arriver: Fabrice Herzog écope de huit matches de suspension et d'une amende de 11'150 francs. Le caractère récidiviste de l'attaquant est relevé par les autorités sportives. Le joueur de 27 ans ne fait pas appel.
«L'accusé a été condamné à plusieurs reprises et est considéré comme un récidiviste. Il fait preuve d'un manque d'égard généralisé envers ses adversaires et ne semble pas avoir retenu les leçons de ses condamnations précédentes», justifie le juge unique dans son jugement.
Le contrat de Blum expire fin avril
Eric Blum, 35 ans, n'a plus disputé de match officiel depuis cet incident. Son contrat avec le CP Berne expire à la fin du mois en cours. En septembre dernier, à l'aube de la saison actuelle, le double national Suisso-Japonais déclarait à Blick: «Lorsque je dépasse un certain seuil d'effort, les maux de tête reviennent et des bruits résonnent dans ma tête. Comme après un concert trop bruyant.»
Bien qu'il puisse désormais tenir 45 minutes sur un vélo d'appartement, il en est autrement pour reprendre la compétition professionnelle. «Si mon pouls atteint 180 battements par minute lors d'un exercice d'intervalles, expliquait Eric Blum, les symptômes reprennent. Je dois alors interrompre l'effort et ma journée est terminée. Il me faut dormir beaucoup pour récupérer, ce qui n'est pas drôle pour ma femme et mon fils.»
Heureusement, l'international suisse ne ressent aucun symptôme dans la vie de tous les jours. «On pourrait sans doute prétendre que je suis guéri si je n'étais pas un sportif professionnel», analyse-t-il.
La procédure peut durer des années
Pour autant, l'affaire n'est pas close. En décembre dernier, Fabrice Herzog a reçu un courrier à son domicile: Eric Blum a déposé une plainte civile dans le canton de Berne.
Dans une procédure civile, les parties sont invitées à présenter leur point de vue par écrit. À partir d'un litige de 100'000 francs, il est possible de renoncer à une conciliation éventuelle et déposer directement plainte. Contrairement à une procédure pénale, aucune enquête n'est menée d'office: l'Etat met un tribunal à la disposition des parties.
Après réception de la plainte, la défense doit prendre position sur les éléments. Un ping-pong qui peut durer des mois. Survient alors une audience au cours de laquelle les différents protagonistes présentent leur version des faits. Le tribunal entend des témoins et des experts.
Si le jugement (écrit) du tribunal n'est pas accepté, une procédure de recours est engagée devant l'instance suivante, généralement un tribunal cantonal ou supérieur. Si aucun accord n'est trouvé non plus devant cette instance, il reste le recours devant le Tribunal fédéral. Selon le volume du dossier, une telle procédure peut durer des années.
Quelle frontière entre justice sportive et civile?
La justice doit déterminer à partir de quel moment la frontière entre le droit sportif et le droit civil est franchie. Une question difficile à trancher, a fortiori dans un sport qui autorise explicitement le contact physique et le sanctionne par ses propres règles.
Que risque Fabrice Herzog? S'il devait être condamné dans cette procédure civile, il devrait assumer le montant du litige. On peut partir du principe qu'il pourrait s'agir d'une facture très salée, jusqu'à plusieurs millions de francs.
Même s'il est «guéri», Eric Blum ne peut plus pratiquer son métier. L'ancien défenseur de Berne a donc un manque à gagner très important. De plus, son dossier médical est fourni, avec plusieurs commotions cérébrales. Il lui reste à prouver que celles-ci sont consécutives à la violente action de Fabrice Herzog ce soir de février 2021.
Les parties impliquées ne souhaitent pas s'exprimer sur la plainte et renvoient à la procédure en cours.
De nombreux précédents
Eric Blum n'est pas le premier à faire appel à la justice civile à la suite d'un fait de match. Le dossier Misko Antisin contre Petr Malkov a même été porté devant le Tribunal fédéral. Sous les couleurs de Zoug, Misko Antisin avait asséné un coup de genou à son adversaire en janvier 1993.
Le Tribunal cantonal tessinois l'avait condamné à une amende de 3000 francs pour coups et blessures avec dol éventuel. Un jugement qui a été confirmé en 1995 par le Tribunal fédéral après une série d'appels. L'ex-arbitre et actuel fonctionnaire de la ligue Willi Vögtlin avait estimé devant la cour que le coup de genou «représentait une douzaine de fautes» à lui tout seul.
Quelques années plus tard, en octobre 2000, une mise en échec sur l'attaquant de Zurich Andrew McKim par le Davosien Kevin Miller avait fait grand bruit.
Condamnation 14 ans après!
Kevin Miller a frappé son adversaire à la tête avec son coude, par-derrière qui plus est. Souffrant d'un traumatisme crânien, Andrew McKim avait été contraint de mettre un terme à sa carrière. Kevin Miller a été condamné par le tribunal de district de Zurich à trois mois de prison avec sursis pour lésions corporelles légères et graves par négligence.
Après son retour aux États-Unis, Kevin Miller a toutefois refusé de reconnaître la décision du tribunal suisse. Un tribunal américain l'a condamné à verser 1,6 million de dollars de dommages et intérêts pour préjudice moral — en 2014, quatorze ans après l'action litigieuse!
Mais il y a également eu des acquittements. Deux sont restés célèbres. Le premier est intervenu après une collision entre Edgar Salis (alors joueur d'Ambri) et le Zougois Kevin Todd, en 1999. L'action en question n'avait été repérée ni par l'arbitre, ni par le juge unique.
Deux paralysés à vie
Et pourtant, le Canadien Kevin Todd avait dû tirer un trait sur sa carrière quelques matches plus tard. Il s'est battu sur tous les fronts et a obtenu 5,5 millions de francs de dédommagements par l'assurance de son club. Mais sa plainte pour lésions corporelles a été rejetée par le tribunal pénal de Zoug. Edgar Salis a été acquitté.
Les deux incidents les plus célèbres du hockey suisse, ou du moins les plus tragiques, concernent Pat Schaffhauser et Ronny Keller. Les deux joueurs ont été paralysés à vie à la suite d'actions de jeu, mais n'ont pas voulu porter plainte.
Dans le cas du défenseur d'Olten Ronny Keller, «victime» de l'attaquant de Langenthal Stefan Schnyder, le parquet de Soleure a certes ouvert d'office une procédure pénale en 2013. Mais celle-ci a été close après l'acquittement par le juge unique. Attention, les images ci-dessous sont particulièrement violentes.