Lors des 100 ans du HC Davos, Daniel Derungs a édité un livre retraçant la vie du club grison: «HCD 1921-2021». Et forcément, le HCD et la Coupe Spengler ont une histoire qui s'entremêle de manière quasi inévitable. Dans l'ouvrage, de nombreuses anecdotes sur le tournoi sont à retrouver. Avec l'aide des agences photos, il est possible de revivre certains moments marquants grâce à des archives délicieuses. Voici dix histoires à déguster durant cette période festive.
La publicité valait... 2500 francs
Jusqu'à l'apparition du toit à la fin des années 70 sur la patinoire, les premières éditions de la Coupe Spengler ont régulièrement été perturbées par les aléas de la météo. Et la Coupe Spengler 1925 n'a pas dérogé à la règle. Comme compilé dans le livre de Daniel Derungs, les médias locaux de l'époque ont fait état de ces problèmes. «Malgré une bonne organisation, malgré une bonne participation d'équipes extérieures et malgré un grand intérêt du public étranger, toujours très intéressé par les compétitions de hockey, l'événement n'a pas eu autant de succès que les deux dernières années. Il y a d'abord eu de fortes chutes de neige, puis tout d'un coup, le dégel a remis en cause la compétition dès le début et a rendu impossible la tenue de certains matchs finaux.»
Pourtant, cette troisième édition a également vu la manifestation générer ses premiers revenus par l'intermédiaire de la publicité. Les bandes situées derrière les deux buts ont même été vendues à des sponsors. Coût de l'opération marketing? 2500 francs pour la totalité de la manifestation. Les archives ne disent pas si d'autres contreparties étaient prévues pour les donateurs.
Finales houleuses
Si le tournoi est aujourd'hui un lieu de célébration du hockey sur glace et de l'amitié entre les fans, cela n'a pas toujours été le cas, notamment dans les années 1930. La finale de 1935 entre Davos et les Diavoli Rossoneri de Milan n'a pas pu aller à son terme. L'égalisation italienne a longtemps été contestée pour une faute sur le gardien grison, Hugo Müller. Des bagarres ont éclaté dans les gardiens et les joueurs locaux ont refusé de reprendre le match. L'équipe italienne a été déclarée gagnante.
Vainqueurs des premières éditions, l'Université d'Oxford a vécu un tournoi désastreux avec 88 buts encaissés et 0 marqué. Prague (30-0) et Davos (20-0) ont infligé deux gifles aux Anglais et se sont retrouvés en finale de la compétition le 31 décembre 1938. Problème? La rencontre n'a pas pu aller à son terme en raison d'une bagarre générale sur la glace. Le score était de 1-0 pour le HCD. Le match sera rejoué le 15 février 1939 avec le même résultat.
Place à la Coupe de Davos
L'éclatement de la deuxième Guerre Mondiale a forcé les organisateurs de la Coupe Spengler a renoncé à l'invitation de clubs étrangers. Entre Noël et Nouvel-an, ce sont Bâle, Zurich, Arosa/Berne et Davos qui s'affrontent sur les hauteurs de Landquart. La manifestation se déroule sous une autre dénomination: La Coupe de Davos.
Berlin présent en pleine Guerre
Après deux années de pause, le tournoi a repris ses droits avec un invité qui, avec du recul, a de quoi étonner: le Berliner SC. Pourtant, le livre «HCD 1921-2021» ne fait état d'aucun remous particulier à la présence de l'équipe berlinoise à Davos en cette période de guerre mondiale. Davos a remporté son match face aux Allemands 9-0 (photo ci-dessus) et s'est adjugé le tournoi.
Cette édition a également marqué la première apparition du Lausanne HC à Davos. À cette époque, la formation de la capitale olympique patine sous le nom du Montchoisi HC. Les Vaudois ont été des participants réguliers à la manifestation dans les années 40 et 50.
La TV présente au rendez-vous
Si le tournoi est commenté à la radio depuis les années 30 déjà, la télévision s'invite, logiquement, plus tard à la fête. En 1955 a eu lieu la première retransmission en direct d'une rencontre de la Coupe Spengler. Six ans plus tard, la manifestation sera déjà diffusée dans six pays différents. Cette tradition de fin d'année s'est doucement installée et pérennisée grâce à la présence médiatique qui a participé au rayonnement du tournoi en Suisse et à l'étranger.
Pétition contre la venue du Spartak Prague
On l'a déjà vu par le passé (1941), la politique et le tournoi grison ont souvent été liés. Ce fut à nouveau le cas en 1962 avec la venue du Spartak Prague Sokolovo qui deviendra plus tard le Sparta Prague. Un auteur anonyme œuvrant sous le nom de «Comité davosien pour le sport libre» a diffusé un tract rédigé en allemand, français et anglais. Son intitulé? «Lettre ouverte aux joueurs et officiels du Spartak Prague». Le fond du message était que les équipes tchécoslovaques participant à la Coupe Spengler ne le faisaient pas pour la gloire sportive, mais comme un outil de propagande politique.
Le dépliant se terminait ainsi: «Néanmoins, nous vous souhaitons, comme à tous les autres participants, bonne chance dans le tournoi. Les applaudissements seront aussi nombreux pour vos exploits sportifs que pour les autres. Mais il ne faut pas oublier que les applaudissements ne sont jamais dirigés contre l’homme communiste ou le système communiste, sur lesquels nous avons nos propres opinions très claires. Les victimes quotidiennes du mur de Berlin le confirment. En gardant à l’esprit cette distinction très nette, nous transmettons nos salutations sportives.»
Cela n'a pas empêché Prague de s'imposer dans le tournoi avec une victoire 11-1 lors de la finale face à l'équipe de Füssen qui n'est pas arrivé à la cheville des Tchécoslovaques.
Première participation d'une équipe soviétique
Cinq ans après les remous liés au tract diffusé par le «Comité davosien pour le sport libre», une équipe issue de l'Union soviétique débarque à Davos: le Lokomotiv Moscou. Cette présence a suffi à doper l'intérêt autour du tournoi grison puisque la manifestation a connu son record de fréquentation avec un total de 26'088 spectateurs. Cela représente 6000 de plus que l'année précédente et 9000 de plus que l'année suivante. La formation moscovite s'est imposée pour sa première participation au tournoi.
Le Grand HC Chaux-de-Fonds monte à Davos
Champion de Suisse de 1967 à 1973, le HCC a été honoré d'une invitation pour la Coupe Spengler en 1971 en raison de la relégation de l'équipe locale en LNB. Sur la glace grisonne, le mythique gardien Gérald Rigolet ou Gaston Pelletier défient notamment une sélection japonaise ou les Suédois de Modo. Dominateurs en LNA, les Neuchâtelois sont rentrés les mains vides de Davos avec quatre défaites en autant de matches. Cette édition a vu un nouveau record de spectateurs avec 27'738 entrées payantes.
La patinoire se dote d'un toit
Enfin! Après plusieurs années de négociations, la patinoire de Davos est recouverte, permettant ainsi à la compétition de se dérouler de manière largement moins aléatoire. Le 3 novembre 1979, les travaux ont été terminés, ce qui a permis une plus grande capacité à l'enceinte, mais également un plus grand confort pour les joueurs et les spectateurs.
De quoi éviter des éditions enneigées comme celle de 1977.
Première apparition - et première victoire - du Team Canada
L'année 1984 a marqué un tournant majeur dans l'histoire de la manifestation avec la création, pour la première fois, d'une équipe composée de professionnels évoluant en Europe. Une majorité des joueurs provient des formations de LNB à l'instar de Kelly Glowa (Dübendorf) ou Daniel Métivier (Sierre). Les organisateurs ont reçu l'accord de la Fédération canadienne de hockey sur glace en juin 1984. Depuis, le Team Canada a participé chaque année à la Coupe Spengler.
Bykov et Khomutov à Davos
D'abord avec Fribourg Gottéron (1992) puis avec le HC Davos (1993 et 1994), Slava Bykov et Andrei Khomutov ont disputé la Coupe Spengler. Ils avaient terminé derniers du tournoi avec leur club fribourgeois et se sont inclinés à deux reprises en finale avec l'équipe grisonne. Pascal Schaller, leur fidèle compère de Saint-Léonard les avait également rejoints dans les montagnes grisonnes comme renfort.
Genève réalise le doublé
Outre Lausanne, Chaux-de-Fonds et Fribourg, Genève-Servette a aussi été invité à plusieurs reprises à Davos lors de la Coupe Spengler durant l'ère Chris McSorley. Comme il sait si bien le faire, l'Ontarien a fait le show à Davos en amenant notamment l'Aigle Sherkan avec lui dans ses bagages. Les Grenat ont réalisé un superbe doublé en battant à chaque fois un club de KHL en finale. Tout d'abord le Salavat Yulaev Ufa en 2013 puis le CSKA Moscou en 2014. Après ces deux succès, le GSHC a renoncé à défendre une nouvelle fois son titre et n'a plus participé au tournoi depuis. Il s'agit d'ailleurs de la dernière formation romande à avoir disputé la compétition grisonne.