Valentin Stocker se confie
«Notre équipe est une plante fragile»

Avant d'affronter le Lausanne-Sport ce dimanche (14h15), le capitaine du FC Bâle et ancien joueur de la Nati (36 sélections) est revenu sur sa carrière avec Blick.
Publié: 05.12.2021 à 11:50 heures
|
Dernière mise à jour: 05.12.2021 à 11:51 heures
Valentin Stocker: «Les Bâlois m'ont adopté.»
Photo: TOTO MARTI
Steffi Buchli et Stefan Kreis

Combien pèse votre chien?
Valentin Stocker: Environ dix kilos. Pourquoi cette question?

Parce que, grâce à David Degen, vous pouvez le prendre avec vous en cabine chez Swiss et ce, bien qu’il dépasse le poids autorisé. Comment a-t-il fait?
David Degen est connu pour connaître beaucoup de gens influents. Il a réglé cela pour moi, car je n’étais pas à l’aise à l’idée que notre chien doive voyager en soute. Désormais, il peut venir en cabine.

Quelles sont vos relations avec David Degen? Vous avez longtemps été coéquipiers, aujourd’hui il est propriétaire du club et vous êtes son joueur.
Lorsqu’il a repris le club, nous nous sommes dit que chacun devait se concentrer sur ses propres tâches. Je veux être joueur et capitaine, pas directeur financier ou gestionnaire de crise. Je fais confiance à Dave et le laisse faire. Et je ne le prendrais pas personnellement s’il devait prendre une décision en ma défaveur.

Valentin Stocker a porté à 36 reprises le maillot de l'équipe de Suisse.
Photo: TOTO MARTI

Est-ce vraiment quelque chose de possible? Vous avez un contrat jusqu’en 2023, mais les signes de votre club de cœur sont – comme le veut David Degen – au rajeunissement et aux économies. Le FC Bâle veut se débarrasser de ses anciens. Comment ne pas le prendre personnellement?
A un moment donné, les signes du temps parlent d’eux-mêmes. Il ne faut pas se prendre trop au sérieux. Le club est dans une phase de changement. L’époque où nous étions pratiquement chaque année en Ligue des champions est révolue. C’est extrêmement difficile pour le FC Bâle en ce moment. Le club a besoin de nouvelles bases. Il faut des changements dans tous les domaines. Mon cas est représentatif de la question de savoir s’il faut continuer avec les joueurs plus âgés. Je comprends la discussion. Mais bien sûr, je suis aussi d’avis qu’il faut un bon mélange de jeunes et d’anciens.

Lors de votre dernière prolongation de contrat, vous avez renoncé à beaucoup d’argent, 50% selon les rumeurs. Cela a-t-il été difficile à surmonter?
J’ai renoncé, oui. C’était clair pour moi. Mais c’était aussi une offre équitable. Je renonçais volontiers si on pouvait faire venir un ou deux jeunes en plus. Je suis reconnaissant. J’ai fait partie du club pendant des années, même à une époque où les finances étaient très bonnes. Maintenant, j’arrive vers la fin de ma carrière. Il faut connaître sa valeur et l’évaluer correctement. Ce qui est important de souligner est que je ne devais pas simplement accepter l’offre. J’avais des options et j’ai finalement dit oui à Bâle en toute connaissance de cause.

Que signifie l’argent pour vous?
L’argent est un instrument avec lequel on peut aider les autres. Mais l’argent est aussi ma sécurité personnelle pour la retraite. En tant que footballeur, tu sais qu’entre 32 et 40 ans, ta carrière est finie. Je veux pouvoir prendre la liberté de construire tranquillement quelque chose de nouveau après celle-ci. Humblement, en partant de zéro.

Avez-vous tout prévu?
Non, ce serait présomptueux de dire ça.

Vous dites vouloir construire quelque chose de nouveau. Qu’est-ce qui vous attire après votre carrière de joueur? Devenir entraîneur?
Pourquoi pas? J’ai eu quelques entraîneurs qui m’ont appris des choses. Comment faire, ou comment ne pas faire. Bien sûr, je peux m’imaginer rester dans le football, ou du moins dans le sport. En raison de mes blessures, j’ai acquis de l’expérience dans le domaine médical. La physiothérapie ou la rééducation seraient des domaines qui m’intéresseraient.

Il est capitaine du FC Bâle depuis 2019.
Photo: TOTO MARTI

L’idée d’ouvrir un café n’a-t-elle pas été un jour évoquée?
Il y a beaucoup d’idées. Mais je ne viens pas de ce domaine. Je viens du sport, du football. C’est là que je me sens bien et c’est là que se trouvent mes compétences. Dans tous les autres secteurs, je suis un néophyte.

Regardons en arrière. Les dernières années à Bâle ont été très mouvementées pour vous. Il y a eu cette mise à l’écart, puis votre retour. Karl Odermatt, légende du club, a dit que vous aviez comploté… Avez-vous pu parler avec lui?
Il m’avait laissé un message sur ma messagerie et s’était excusé. Ses déclarations m’ont beaucoup blessé. C’était injuste et je me suis senti impuissant pendant ma mise à l’écart.

Cela vous a-t-il dévoré de l’intérieur?
Les jours passés à la maison ont été terribles, un mélange entre la colère et la tristesse. Ma femme et ma famille m’ont aidé. Il fallait juste accepter cette situation. Mais à un moment donné, j’avais besoin de personnes qui parlaient de cela avec moi de manière objective. J’ai bien fait de ne jamais prendre position, je ne voulais pas devenir un pion dans cette affaire. Très honnêtement, cette histoire au FCB n’a pas fait beaucoup de gagnants.

À cause de cette mise à l’écart, des milliers de fans bâlois sont descendus dans la rue pour vous soutenir. Qu’est-ce que cela a signifié pour vous?
C’était l’un des moments les plus émouvants de ma vie de footballeur, avec mon départ en 2014 (ndlr: pour le Hertha Berlin). Cela dépasse n’importe quel titre. Le fait que les fans se soient levés pour moi… Je suis ému quand j’y repense.

Entre 2008 et 2012, vous avez vécu vos meilleures années au FC Bâle, sous la direction de Thorsten Fink et Heiko Vogel… En compagnie de vos coéquipiers Benjamin Huggel, Marco Streller et Cie. Qu’est-ce qui était si spécial à l’époque?
Il y avait beaucoup de choses que l’on ne peut pas planifier. Tout a commencé en 2010 avec Fink et Vogel. Cela nous correspondait tout simplement. En tant que joueur, je n’avais pas vraiment d’influence. Nous avons simplement passé de bons moments, avec une bonne ambiance. Sur le terrain, les détails et les automatismes étaient bons. Cette équipe a grandi au fil des années. J’étais d’ailleurs récemment au match de la Nati contre la Bulgarie et j’ai senti la même chose. Cette équipe possède également cette magie…

Le Lucernois a disputé plus de 400 matches avec le FC Bâle.
Photo: Marc Schumacher/freshfocus

Vous dites cela en tant que supporter. N’éprouvez-vous aucune nostalgie à l’idée de ne plus faire partie de l’équipe de Suisse?
Non, au contraire. J’ai passé de bons moments en équipe nationale. Puis, j’ai remarqué que je n’avais plus les capacités d’être performant en équipe nationale et en club. J’ai donc pris ma retraite internationale. A l’époque, plusieurs jeunes joueurs de talent étaient déjà bons à mon poste. Par exemple, Breel (Embolo) et Shaq (Shaqiri) étaient en pleine forme. Reni (Steffen) a été bon, et maintenant, il y a Ruben (Vargas) et Noah (Okafor) qui sont venus s’ajouter à la liste. C’est de la folie!

Revenons à votre carrière en club. Après votre retour de Berlin, le FC Bâle n’a plus jamais eu cette facilité ou cette magie. La «NZZ» a même écrit: «Au sein de ce FCB, Stocker ne trouvera plus ce qui lui manque». Le trouvez-vous quand même?
Je vois dans cette équipe des approches formidables, nous grandissons ensemble. Mais l’équipe actuelle est encore une petite plante fragile. D’ailleurs, ce n’est pas le fait d’avoir ou non une place de titulaire qui détermine si mon passage ici se passe bien ou pas. J’essaie juste de faire de mon mieux.

Nous vous rencontrons aujourd’hui en ville. Que représente Bâle pour vous qui venez de Kriens (LU)?
Cette ville est mon deuxième chez-moi et je dois beaucoup à ses habitants.

On vous a déjà reproché de ne pas assez vous intégrer ici. D’où cela vient-il?
Ah, on parle beaucoup. Ce n’est pas vrai. J’ai un appartement ici, j’adore les bistrots à Bâle, les petits cafés dans les quartiers, la ville est formidable. Mais elle n’est pas en concurrence avec ma ville d’origine. La Suisse centrale est ma maison, et les Bâlois m’ont adopté. Bâle ne doit pas être jalouse de Kriens et inversement.

Entre nous, quel carnaval est le meilleur?
Les deux sont vécus de manière totalement différente. A Lucerne, il y a plus de masques différents. Ici, les costumes sont uniformes. Bâle a d’autres instruments, Bâle a plus de flûtes traversières et de tambours. (Le chef de presse se penche vers Valentin Stocker) Piccolo, désolé, pas flûte traversière! Exactement. Mais, que ce soit à Bâle ou à Lucerne, il est rarement possible pour un joueur d’aller au carnaval.

Vous pourrez vous rattraper après votre carrière. Par contre, Lucerne a gagné pour votre mariage. Vous êtes allé à la Hofkirche au lieu de la cathédrale de Bâle.
Oui, c’était parfait. Ma femme est originaire de Suisse centrale. Nous sommes allés à la mairie et nous avons célébré en petit comité.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Parlez-vous de football avec votre femme?
Rarement. Presque jamais. En fait, seulement dans des cas extrêmes. Elle ne savait pas qui j’étais quand nous nous sommes rencontrés il y a douze ans. Mais ce n’est pas toujours facile car le football passe toujours en premier. Mon métier me dicte tout. Il faut une personne forte pour gérer le reste. Le ménage, le chien, le calendrier, les sorties avec les amis, etc.

Vous avez récemment joué votre 400e match avec le maillot du FC Bâle. Qu’est-ce qui est le plus probable: que vous battiez le record de Massimo Ceccaroni, avec ses 452 matches en rouge et bleu ou que vous marquiez un jour un but sous les couleurs d’un autre club?
S’il y a bien quelqu’un qui risque de battre le record de Cecca, ce n’est pas moi mais Fabian Frei. Il n’a plus besoin de beaucoup de matches (ndlr: Frei compte actuellement 432 matches avec le FC Bâle).

A propos de Frei, il a dit un jour que vous aviez déjà sauvé des vers de terre que vous aviez trouvés sur le terrain lorsque vous étiez junior. D’où vient cet amour des animaux?
De ma mère. Mes grands-parents aussi aimaient les animaux. Ils avaient une écurie avec des chevaux. J’ai grandi avec des animaux. Et pour en revenir aux vers de terre, c’est tout simplement effrayant de les piétiner. Personne ne veut voir ça. C’est aussi pour cette raison que j’ai toujours sauvé les vers de terre sur le terrain.

Vous gérez en Italie un centre d’accueil pour les chiens et les chats qui traînent dans la rue. Comment en est-on arrivé là?
C’est un hasard. Je ne veux pas rendre ce projet plus grand qu’il ne l’est. Il y a cette maison dans les Pouilles, où Sarah, que nous appelons «notre ange», s’occupe des animaux, les soigne et les garde. Il y a à chaque fois entre 10 et 20 animaux. Ce projet me fait me sentir bien. Je ressens le besoin d’aider, je peux le faire là-bas. Cela me donne de la force.

Nous sommes en plein dans la période de l’Avent. À Berlin, vous avez organisé des fêtes de Noël dans un foyer pour enfants et soutenu des sans-abri. Qu’allez-vous faire cette année?
Ce sont de bons souvenirs. Il y avait tellement de réfugiés dans la ville qui n’avaient rien. Avec mon fournisseur, je me suis procuré des chaussures et je les ai distribuées aux réfugiés. Cette année, je ne fais rien de spécial. Je ne lie pas «faire le bien» à la période de Noël. Nous devrions toujours être là les uns pour les autres.

(Adaptation par Matthias Davet)

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la