L'affaire ne semble pourtant pas exagérément compliquée. Dans toutes les équipes de football du monde, de la Champions League à la 5e ligue, il existe une hiérarchie des tireurs de coup de pied arrêtés et une stratégie bien définie par le staff, en concertation avec les joueurs concernés.
Cette question est parfois liée à l'ego et au statut social du joueur dans le vestiaire, comme dans le cas de Kylian Mbappé qui veut tirer tous les coups de pied arrêtés dans le but de gonfler ses statistiques par pur égoïsme, mais, dans l'immense majorité des cas, la question se règle avant le coup d'envoi et les choses sont claires.
Dans le vestiaire, un tableau est accroché au mur avec les positions sur les corners défensifs et offensifs, les tireurs de coup-francs et de corner, et les tireurs de penalties. Sauf en équipe de Suisse visiblement, où Murat Yakin a décidé... de ne rien décider.
Qui décide?
Après la retraite internationale de Xherdan Shaqiri, dont le pied gauche ne tremblait pas, la situation aurait pourtant mérité un peu de clarté, mais aujourd'hui, c'est la confusion qui règne. La preuve? interrogé deux fois à ce sujet, au Danemark et en Serbie, Murat Yakin a indiqué les deux fois que c'était aux joueurs sur le terrain, sous la responsabilité du capitaine Granit Xhaka, de décider qui allait tirer. Or, lundi à Saint-Gall, questionné sur ce sujet précis, Granit Xhaka a commencé par répondre que celui qui décidait s'appelait... Murat Yakin. Avant de dévoiler l'existence d'une liste de trois noms, sans dire qui figurait dessus.
Il semblait dès lors évident que Breel Embolo figure dans cette liste de trois noms, vu qu'il a tiré en Serbie samedi soir. Il s'avère cependant que non. «Breel n'était pas dans la liste. Mais il se sentait bien et il m'a demandé s'il pouvait tirer. Je trouve ça super. J'aime qu'un coéquipier prenne ses responsabilités. Bravo à lui! Il l'a manqué, mais ce n'est ni le premier joueur, ni le dernier, à rater un penalty», a expliqué Granit Xhaka. Le capitaine de la Nati a bien sûr raison, il peut arriver à tout le monde de manquer un penalty et Breel Embolo a eu le mérite de le cadrer. Aucun reproche à lui faire.
Pour ne pas donner d'indice au gardien adverse?
Par contre, l'absence de clarté est un mystère: pourquoi ne pas dire qui figure sur cette liste de trois noms? Pourquoi jouer la carte de l'obscurité? Afin de ne pas donner d'indication au gardien adverse et qu'il ne puisse pas se préparer la veille du match en épluchant les derniers tirs de Manuel Akanji, Ricardo Rodriguez, Vincent Sierro ou Zeki Amdouni? Pourquoi pas: cette explication serait valable. L'information est connue, mais elle n'est pas divulguée au public et reste en interne. Mais le problème, c'est que cette théorie ne résiste pas à l'épreuve des faits, vu que celui qui a tiré samedi... n'était pas sur la liste communiquée à l'interne, comme l'a avoué Granit Xhaka!
Tiens, d'ailleurs, le capitaine figure-t-il sur cette liste, lui qui n'a pas l'habitude de tirer les penalties chaque semaine? Il n'a pas répondu directement à cette question, mais a fait preuve de son caractère habituel pour répliquer: «Je n'ai jamais peur de prendre mes responsabilités. S'il y a un penalty ce mardi et que je le sens bien, je vais tirer.» C'est donc lui qui décide. Sans que l'on sache s'il est prévu sur la liste ou non.
Une question de renouvellement de la hiérarchie
Tout ceci pourrait ressembler à une broutille, et peut-être en est-ce une. Mais le fait est que le dernier penalty en date a été manqué et que cette cacophonie symbolise au fond assez bien la nécessité de dégager une nouvelle hiérarchie technique après la retraite de Yann Sommer, Xherdan Shaqiri et Fabian Schär et les questions que ce triple retrait induit en termes de leadership, mais aussi, plus concrètement, sur une question aussi basique en apparence que celle du tireur de penalty.
Qu'un tir à onze mètres soit accordé ou non à la Nati ce soir, qu'il soit réussi ou pas, il faudra d'une manière ou d'une autre qu'une hiérarchie claire et admise par tous se dessine d'ici au début des qualifications pour la Coupe du monde 2026. Ce serait bête de manquer le voyage aux Amériques pour une bête histoire de penalty, non? Demandez à Jorginho et à l'Italie ce qu'il en est...