Comme beaucoup de monde, Ilona Guede traverse la ville d'Yverdon-les-Bains le matin, soit à vélo, soit à pied, suivant l'humeur, pour venir débuter sa journée de boulot. Cette jeune femme de 24 ans a cependant une particularité: elle va quitter son lieu de travail beaucoup plus tard que le commun des employés, vu qu'elle enchaîne, sitôt l'ordinateur éteint, avec l'entraînement d'une sportive de haut niveau. Au même endroit, dès 18h45.
Une année et demi en Espagne, puis Yverdon
Car oui, Ilona Guede, capitaine d'Yverdon Sport Féminin, est également engagée à 80% au service communication du club nord-vaudois, un job qui lui plaît et lui permet de bien concilier vie professionnelle et sport de haut niveau. «J'avais commencé par un stage et tout s'est bien passé. J'ai donc pu avoir ce job, qui me plaît bien», explique celle qui a effectué des études de communication à l'Université de Neuchâtel. Originaire de La Chaux-de-Fonds, elle a dans le même temps suivi une belle carrière de footballeuse, qui l'a menée à YB et Servette, avant de passer une année et demi en deuxième division espagnole. Et la voilà depuis janvier 2024 à Yverdon, où elle vit désormais et où elle est à six matches de retrouver la Super League.
YSF a en effet remporté brillamment le championnat de LNB et s'apprête à disputer le tour de promotion-relégation face à Thoune et Rapperswil, deux équipes de Super League, et Schlieren, deuxième de LNB. Les deux premiers joueront en première division en août, les deux derniers en LNB. Trois matches aller-retours: le système est limpide.
Les posts Instagram juste après la douche
Ilona Guede est donc la capitaine de cette ambitieuse équipe d'Yverdon Sport Féminin, mais s'occupe également de sa communication, sous l'égide de Loris Tschanz, le chef médias du club vert et blanc. «Je m'occupe de tout ce qui a trait à l'équipe féminine et de temps en temps je donne un coup de main pour les garçons», précise-t-elle, en indiquant être très organisée. Comment fait-elle après les matches, justement? «J'ai déjà préparé mes visuels en avance. Tout est prêt, sauf le score, bien évidemment! Mais je prends le temps de respirer avant de poster. Je prends ma douche, puis je me pose, le photographe du club m'a envoyé ses images entretemps, je choisis ce que je veux et je publie.» Les longs trajets en car pour les retours des matches à l'extérieur permettent de compléter et de préparer la suite. Car du boulot, il y en a, vu qu'YSF cherche non seulement à monter en Super League, mais aussi à attirer de plus en plus de monde au stade.
«On a 350 personnes de moyennes, je dirais. Mais pour les deux matches de Coupe où on a battu Thoune et Rapperswil, justement, on était près de 1000. Pour un club comme le notre, c'est un beau chiffre», assure la très technique milieu de terrain, qui est donc autant une leader sur le terrain qu'en dehors. Dommage: la demi-finale de Coupe de Suisse s'est jouée au Letzigrund face à l'invincible FC Zurich, alors que la logique aurait voulu que l'équipe de niveau inférieur reçoive. Une belle occasion manquée d'attirer du monde, malheureusement.
Une bonne idée pour la Fête des Mères
Mais pour ces finales, Ilona Guede et ses coéquipières espèrent bien voir le plus de monde possible. «On essaie de soigner l'avant-match, de proposer autre chose que les 90 minutes. Notre job sur le terrain, c'est de gagner et de proposer du beau jeu. Et le mien, en dehors, c'est de donner envie au plus de monde possible de venir nous soutenir. On a des animations à la pause, ce genre de choses. Et par exemple pour la fête des mères, qui tombe le dimanche du match à domicile contre Schlieren, on va proposer aux mamans, les nôtres mais aussi celles de l'adversaire, d'entrer avec nous sur le terrain, c'est un moment sympa», dévoile-t-elle, sans détailler toutes les surprises qui attendent le public pour ces trois rencontres qui devraient être spectaculaires et, pourquoi pas, être couronnées de succès avec une montée en Super League.
«On sent que l'euphorie est bien présente après notre magnifique saison régulière. Mais là, on arrive dans un nouveau championnat, dans ces finales, et ça va être un beau moment à vivre. Mais il ne faut pas s'y tromper: même si on est très en confiance, ça va être très compliqué et très intense. Peut-être encore plus qu'on le pense!», assure Ilona Guede, qui voit tout de même comme un avantage le fait d'avoir battu tant Rapperswil que Thoune en Coupe de Suisse. «On a pu déjà se comparer à elles, voir un peu ce que ça donne au niveau du rythme et de l'intensité. Mais c'était la Coupe. Là, ce sera autre chose.» A vérifier dès ce samedi à Rapperswil pour donner le ton de ces finales.
Les tupperware directement au restaurant du stade
Si Ilona Guede est salariée d'Yverdon Sport Féminin, c'est bien le job dans la communication qui lui permet de vivre et pas un éventuel statut de footballeuse professionnelle qui n'a jusqu'ici amais existé à Yverdon Sport. Le fait que le club, auparavant indépendant, soit désormais rattaché au club principal, n'y a rien changé, en tout cas pour l'instant. «Mais nos conditions se sont tout de même bien améliorées. Au niveau financier, il n'y a pas de salaire, d'accord, mais il y a des défraiements possibles pour les transports, pour celles qui viennent de loin. Et puis, on a les repas offerts, le soir. On peut venir avec notre tupperware, le restaurant nous les remplit et on peut les chauffer au micro-ondes dans le vestiaire. Tu n'as pas besoin de réfléchir à faire à manger à 21h quand tu arrives chez toi après l'entraînement. Et enfin, le club nous lave nos habits deux fois par semaine et on a un kit supplémentaire pour l'entraînement. Cela n'a l'air de rien, mais c'est une grande évolution de ne pas avoir à faire sa lessive après ton entraînement. C'est un détail, peut-être, mais un détail qui fait la différence.»
Sent-elle le club prêt à franchir le pas suivant en cas de montée en Super League? «Oui. Le président Jeffrey Saunders est vraiment intéressé à ce que l'on fait. Il vient de temps en temps assister à nos entraînements, il parle au groupe. Et moi, dans ma position, je le vois régulièrement et il est attentif à nos problématiques. Ce n'est pas une présence fictive. De loin pas, même», assure la capitaine d'YSF.
En Suisse se pose souvent la question de la gratuité ou non des entrées pour le football féminin. Faut-il ouvrir les portes et attirer le plus de monde possible? A Yverdon aussi, ces questions se posent et décision a été prise pour ces finales de proposer des billets au tarif unique de 10 francs (gratuit jusqu'à 18 ans). «Faire des entrées payantes, c'est aussi un moyen de valoriser le football féminin. Venir au stade, c'est aussi participer au développement de notre sport. Le prix ne doit pas être trop élevé, pour ne pas freiner les gens. Si tu vas voir un match n'importe où, tu paies. Il n'y a pas de raison que le football féminin soit gratuit, je pense. Ici, notre équipe dégage une certaine sympathie et les résultats sont bons, donc je ne pense pas que ces dix francs soient un obstacle à l'affluence.»
Avec les garçons aux séances de dédicaces
Depuis la fusion, Yverdon Sport et Yverdon Sport Féminin font donc partie à 100% du même club et multiplient les actions coordonnées. Récemment, à l'occasion du Comptoir du Nord vaudois, une séance de dédicaces a été organisée en commun. Et cette semaine, les deux équipes sont allées ensemble visiter une entreprise de la région. Evidemment, Ilona Guede y est pour beaucoup. «Mais c'est vraiment une volonté du club. On pense toutes et tous que c'est important qu'on soit unis. Ca donne aussi un petit peu de visibilité aux filles, on ne va pas se le cacher, et ça permet de créer des liens entre les équipes. C'est toujours sympa pour nous aussi. Au Comptoir, typiquement, on a placé une joueuse entre chaque joueur de l'équipe masculine. Pour éviter que tout le monde aille vers les garçons d'un seul côté. Et ça a très bien fonctionné, c'était un moment sympa», sourit-elle.
Et si elle devait jouer ailleurs?
Reste une question, tout de même: Ilona Guede a trouvé un bon équilibre entre son travail dans les bureaux et sa carrière de joueuse. Si Yverdon monte en Super League, une ligue digne de son talent, tout ira sans doute bien. Mais si ce n'était pas le cas et qu'elle recevait une offre d'un club de Super League, ou à l'étranger, que privilégierait-elle? «Je ne me suis pas posé la question, je dois dire. Evidemment, c'est un peu lié, mais en même temps, je ne vais pas me mettre de limites ou me fermer des portes, ce n'est pas ma mentalité. On verra bien ce que l'avenir nous réserve et me réserve. Mais je ne pense pas que le travail va m'empêcher de poursuivre mes ambitions footballistiques.» A 24 ans, elle a tout l'avenir devant elle, mais comme 95% des footballeuses en Suisse aujourd'hui, et quel que soit leur talent ou leur niveau, elle doit se poser la question de savoir comment concilier football à haut niveau et obligation de gagner sa vie. Pour l'instant, elle a trouvé la combinaison gagnante.
Le calendrier des finales
Samedi 12 avril, 17h
Rapperswil-Yverdon
Samedi 19 avril, 17h
Schlieren-Yverdon
Samedi 26 avril, 19h
Yverdon-Thoune
Samedi 3 mai, 19h
Yverdon-Rapperswil
Dimanche 11 mai, 15h
Yverdon-Schlieren
Samedi 17 mai, 17h
Thoune-Yverdon