Pour comprendre Noah Okafor, il faut parler à ses parents. Nous sommes au début des années 90, lorsque son papa Christian fuit l’Afrique pour la Suisse. «Je ne voyais aucune perspective au Nigeria. J’ai grandi dans la plus grande pauvreté, nous dormions à six dans une pièce, sur des nattes en carton», raconte le père. Il débarque à Vienne, puis bouge à Munich avant de rendre visite à un ami à Bâle.
C’est là qu’il fait la connaissance de Nicole, et c’est le coup de foudre. Ils fondent une famille et ont cinq enfants. Aujourd’hui, les quatre fils ont 28, 21, 18 et 16 ans, et la fille a 23 ans.
Le plus connu d’entre eux est Noah, la star de l’équipe nationale. Un jeune homme ambitieux, étoile filante au FC Bâle il y a quelques années, qui a également percé au Red Bull Salzbourg après son transfert de onze millions d’euros, et qui est maintenant sur le point de rejoindre un club de premier plan comme le Borussia Dortmund ou le RB Leipzig. «Je déteste perdre, souligne-t-il. Que ce soit au Uno, au jass ou à la console.»
Il voulait gagner au bricolage
Tous les enfants sont ambitieux, explique sa maman Nicole. Mais Noah en particulier: «Même lorsqu’il bricolait, il voulait gagner et me livrer la plus belle œuvre d’art. S’il n’y parvenait pas, il pouvait vraiment s’énerver. Mais d’un autre côté, il est très sensible. On ne l’imagine pas comme ça quand on le voit.»
«Je pense que j’ai été mis au défi dès le début, parce que tous les enfants chez nous ont cette ambition, témoigne Noah Okafor. Mais chacun accorde tout à l’autre. Je ne connais personne qui ait une relation aussi étroite que moi avec ses frères et sœurs.» Une fois, les trois plus jeunes se sont battus à l’école primaire. «L’un d’eux s’en est pris à mon frère et je me suis interposé.»
Une rareté, car les disputes, la maman ne les supporte pas. «J’ai toujours dit que je pouvais tout gérer dans la vie. Mais quand les enfants se disputent, je ne le supporte pas. C’est ce que je leur ai appris. Bien sûr, ils s’engueulent parfois. Mais jamais au point que ça dégénère. Chacun a appris à se mettre en retrait de temps en temps.» «Quand ils se disputaient, j’accusais toujours l’aîné, ajoute Christian. Ensuite, ils réglaient ça rapidement.»
«Ayez un peu des couilles»
Le couple sourit. Ils ont déjà connu des périodes plus difficiles. Et leurs enfants, disent-ils, ont dès le début assumé et dû assumer un grand nombre de responsabilités. «J’ai toujours dit en plaisantant qu’ils ne devaient pas devenir des mauviettes, sourit Nicole. Je leur ai toujours dit: 'Ayez un peu des couilles, parce que sinon vous serez déçus de ne pas avoir essayé'.»
C’est ainsi que Noah Okafor s’est inscrit de lui-même au FC Arisdorf à l’âge de neuf ans. «Je jouais souvent avec mes camarades de classe, explique-t-il. Ils ont remarqué que j’étais plutôt bon et m’ont dit que je devrais venir.» Il rentre chez lui, demande à ses parents des chaussures et de l’argent pour l’inscription. Les deux sont d’accord. Il se rend à l’entraînement et s’inscrit lui-même. «J’étais convaincu de ma valeur. Les entraîneurs étaient effrayés de voir à quel point j’étais bon, ce que je faisais avec le ballon. Moins de quatre ou cinq mois plus tard, j’ai rejoint le FC Bâle.» Il a fait son secondaire à Liestal, a intégré la première équipe à 16 ans et a signé son premier contrat pro à 17 ans.
Des petits cœurs et des petits traits
Parallèlement, les parents essaient de garder leurs enfants sur terre. Une fois par semaine, c’est le jour du ménage dans la famille et chacun a sa tâche: passer l’aspirateur, dépoussiérer, nettoyer les toilettes, sortir les déchets ou débarrasser la table. «Nous n’avons jamais eu de femme de ménage», déclare la mère, qui admet qu’elle l’aurait trop contrôlée. «Ensuite, je distribuais des petits cœurs autocollants. Quand ils en avaient cinq, il y avait une surprise. S’ils avaient fait une bêtise, de leur donnait des traits, des points négatifs.»
Ce que son fils Noah préférait faire? «Rien du tout», dit le principal intéressé avec un clin d’œil. Et qu’est-ce qu’il a reçu de mieux grâce à ses cinq petits cœurs? «Un sac à dos que je désirais depuis longtemps.»
Un incident raciste a choqué les Okafor
Mais les Okafor n’ont pas vécu que des moments faciles. La couleur de peau du père, il en est tout de même question à plusieurs reprises. Après son mariage en Suisse, il a trouvé du travail comme mécanicien automobile et n’est jamais entré en conflit avec la loi. Et pourtant, il se retrouve souvent au poste de police. «Parce que je suis noir», martèle-t-il. Des propos confirmés par sa femme: «C’était culturellement difficile pour nous. Beaucoup me demandaient comment je pouvais être avec un homme à la peau noire.»
Un exemple a également marqué les enfants. En 2016, le père est allé chercher ses fils à l’entraînement. Il s’est fait contrôler et a dû montrer toutes ses pièces d’identité. Sur le chemin du retour, les mêmes policiers ont refait la même chose.
Noah Okafor, qui était dans la voiture, est toujours furieux. «J’ai assisté à ça et j’ai trouvé ça vraiment grave, parce que le racisme n’a pas sa place dans le monde. On doit accepter chaque personne telle qu’elle est. Ce n’est pas la faute de mon père s’il a la peau noire. Chaque être humain a la même valeur.»
«On m’a dit que j’étais sale»
Lui-même a aussi dû encaisser, enfant: «On m’a dit que j’étais sale ou quelque chose comme ça, parce que j’ai une couleur de peau un peu différente. Mais je ne laisse jamais les insultes m’atteindre. Sur le terrain de football, je n’en ai heureusement jamais fait l’expérience.»
Christian Okafor pense que ces expériences ont ouvert les yeux de ses enfants. Et Nicole dit qu’elle a toujours appris aux enfants à éviter les disputes. «Je leur ai dit: 'Commencez à crier fort si vous vous sentez pris au dépourvu, ne frappez jamais, peu importe à quel point vous êtes provoqués. La violence n’est jamais une solution'.»
Selon elle, c’est grâce à cette philosophie qu’ils se sont bien débrouillés dans la vie. «Et tous ont toujours gardé les pieds sur terre», ajoute Christian. «Mes parents m’ont éduqué de manière à ce que je respecte tout le monde, précise Noah. Nous avons aussi appris ce que c’est que de vivre avec ou sans argent. Mon père avait peu, cela m’a marqué. Et puis, quand on gagne beaucoup à un jeune âge, les parents sont importants pour nous contrôler.»
L’affaire du steak doré
Les deux pieds sur terre? Cela peut paraître un peu contradictoire avec le fait de s’offrir un steak doré chez le chef Salt Bae, à Dubaï. C’est ce qu’a fait Noah Okafor en décembre dernier, et cela est remonté à la surface via les réseaux sociaux. «Après avoir bossé dur pour quelque chose, on a le droit de se faire plaisir, explique-t-il. Mes parents ne s’y opposent pas non plus. Mais oui: le geste n’était certainement pas optimal.»
«Je voulais juste savoir quel goût ça avait. J’étais intrigué. Sur les photos, on dirait que je suis seul pour manger. Mais nous étions quatre. Et puis ce n’est plus aussi cher. Mais ça ne se présentera plus comme ça et ça ne devrait pas non plus être visible sur les réseaux sociaux.» Et alors, le goût? «C’est sûr, c’est assez spécial, comme viande. Mais ça ne vaut pas vraiment son prix.»
Murat Yakin en aurait brièvement parlé avec lui, «mais nous avons rapidement recommencé à discuter sport juste après». Et ses parents? «Quand tu as atteint un certain niveau, tu as aussi le droit profiter de la vie, mais dans un cadre décent», souligne Christian. Tandis que Nicole ajoute: «Quand nous avions l’impression que nos enfants prenaient la grosse tête, nous leur disions souvent: 'Tu n’es pas meilleur que les autres'.»
Mais depuis, Noah Okafor est tout de même devenu une star. D’abord au FC Bâle, puis au Red Bull Salzbourg à partir de début 2020. «Mes parents ne comprenaient pas que je parte en Autriche. Mais comme on peut le voir, j’ai pris la bonne décision. Il y avait trop de discussions autour du FC Bâle, je ne me sentais plus aussi bien.»
Va-t-il bouger cet été?
Cet été, un transfert vers un plus grand club pourrait être à l’ordre du jour. Il a marqué huit buts et délivré sept passes décisives en championnat, ainsi que trois buts en Ligue des champions. Que ce soit le Borussia Dortmund ou le RB Leipzig ou bien d’autres encore, les rumeurs sont nombreuses et un changement n’est pas improbable. Même s’il dit: «Je suis un joueur de Salzbourg, j’ai un contrat là-bas et je m’y sens bien.»
Alex Frei, vous avez entraîné Noah Okafor dans l'équipe des moins de 18 ans du FC Bâle. Comment était-il en tant que jeune joueur?
Très bien. Très correct, il n'a jamais posé de problèmes et n'avait peur de rien. Lorsque j'ai été entraîneur intérimaire de la première équipe contre Xamax, je l'ai fait jouer dès le début. Parce que je connaissais ses capacités exceptionnelles.
Il a marqué dès son premier match. Comment a-t-il évolué depuis?
Il a toujours été très talentueux. Il a fait un grand pas en avant dans le professionnalisme, il a encore augmenté son ardeur à l'entraînement et son corps s'est développé. Il a des capacités exceptionnelles. Mais il devrait toujours jouer dans des équipes qui correspondent à son style de jeu. C'est le cas au Red Bull Salzbourg.
Et où son style de jeu pourrait-il aller?
À Dortmund, au RB Leipzig ou à Liverpool, par exemple.
Est-il prêt pour un transfert cet été?
Je n'ai pas la prétention de juger. En tant que joueur, tu le ressens toujours toi-même.
PS: «Il a été mon meilleur entraîneur en juniors. Il m'a poussé jour après jour et m'a dit ce qu'il fallait pour que je rejoigne la première équipe. J'ai mis cela en pratique et je suis passé directement des M18 aux pros au bout de six mois. Humainement, c'est un type super et un entraîneur de haut niveau. J'espère qu'il obtiendra bientôt un poste d'entraîneur dans l'un des cinq meilleurs championnats du monde.» C'est ce que dit Noah Okafor d'Alex Frei.
Alex Frei, vous avez entraîné Noah Okafor dans l'équipe des moins de 18 ans du FC Bâle. Comment était-il en tant que jeune joueur?
Très bien. Très correct, il n'a jamais posé de problèmes et n'avait peur de rien. Lorsque j'ai été entraîneur intérimaire de la première équipe contre Xamax, je l'ai fait jouer dès le début. Parce que je connaissais ses capacités exceptionnelles.
Il a marqué dès son premier match. Comment a-t-il évolué depuis?
Il a toujours été très talentueux. Il a fait un grand pas en avant dans le professionnalisme, il a encore augmenté son ardeur à l'entraînement et son corps s'est développé. Il a des capacités exceptionnelles. Mais il devrait toujours jouer dans des équipes qui correspondent à son style de jeu. C'est le cas au Red Bull Salzbourg.
Et où son style de jeu pourrait-il aller?
À Dortmund, au RB Leipzig ou à Liverpool, par exemple.
Est-il prêt pour un transfert cet été?
Je n'ai pas la prétention de juger. En tant que joueur, tu le ressens toujours toi-même.
PS: «Il a été mon meilleur entraîneur en juniors. Il m'a poussé jour après jour et m'a dit ce qu'il fallait pour que je rejoigne la première équipe. J'ai mis cela en pratique et je suis passé directement des M18 aux pros au bout de six mois. Humainement, c'est un type super et un entraîneur de haut niveau. J'espère qu'il obtiendra bientôt un poste d'entraîneur dans l'un des cinq meilleurs championnats du monde.» C'est ce que dit Noah Okafor d'Alex Frei.
En attendant, il profite de sa nouvelle popularité en Suisse. «Ça me met du baume au cœur de voir les gens prendre des photos ou demander des autographes. Je suis toujours ouvert à cela, car j’étais aussi comme ça quand j’étais petit. Je prenais des photos avec de nombreux joueurs du FC Bâle à l’époque.»
Noah Okafor a toujours voulu devenir comme Breel Embolo. Aujourd’hui, il est son partenaire en attaque en équipe de Suisse. «J’ai hâte d’être à la Coupe du monde. Nous sommes une équipe très forte, sur et en dehors du terrain. Et nous avons tout ce qu’il faut pour écrire l’histoire», déclare Noah Okafor. Aux Émirats, c’est un autre trophée doré qui fait saliver l’attaquant de Salzbourg.