Triple champion d'Angola
Signori Antonio: «Jouer au Lausanne-Sport a toujours été un rêve»

Signori Antonio est Lausannois. Un vrai de vrai. Passé par le LS, Le Mont, deux clubs angolais et le FC Bâle, le gardien a un parcours atypique sur lequel il a accepté de revenir pour Blick. Interview.
Publié: 11.08.2023 à 12:31 heures
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Dernière mise à jour: 11.08.2023 à 13:03 heures
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Signori António a disputé 13 matches de Super League: 12 avec le LS et 1 avec le FC Bâle
Photo: imago/Geisser
Bastien Feller

Après un an d'arrêt, Signori Antonio a fait son retour sur le terrain. Cette fois-ci, il a décidé de poser ses valises du côté d'Etoile Carouge, en Promotion League.

Le joueur de 29 ans va ainsi pouvoir apporter aux ambitieux carougeois sa riche expérience acquise entre l'Europe et l'Afrique. Retour, avec lui, sur sa carrière.

Ton père t'a donné le prénom Signori en référence au mythique attaquant italien Giuseppe Signori et tu as fini gardien, l'a-t-il bien pris?
(Rires) Oui, cela n'a pas été un problème. J'ai toujours voulu être gardien, en plus j'ai eu un oncle qui a joué dans les cages aussi.

Que représente pour toi le fait d'avoir pu jouer pour le Lausanne-Sport?
Jouer au LS a toujours été un rêve. Je suis Lausannois et né au CHUV. C'est à Malley que j'ai été formé jusqu'à mes 13 ans, avant d'intégrer les M14 du Lausanne-Sport. Le fait d'avoir pu porter ce maillot m'a donné beaucoup de satisfaction. J'ai toujours suivi le club, même lorsque j'étais en Angola.

A quel moment as-tu compris que tu pourrais devenir professionnel?
Je savais qu'il y avait un projet pour moi, car j'ai été formé au LS et que j'étais international suisse junior. L'idée était à moyen terme d'être numéro un au club. Je savais qu'il y avait des gardiens devant moi, mais que je pourrais avoir une opportunité. Lorsque je l'ai obtenue, je l'ai saisie et j'ai pu faire presque un deuxième tour dans la peau du numéro un.

Qu'est-ce qui a fait que tu n'as pas pu t'imposer sur la durée à Lausanne?
Le club avait Kevin Fickentscher, prêté par le FC Sion, comme numéro un. Il s'est blessé pour 6 mois et j'ai pu en profiter malgré l'engagement de João Barroca. Lors de l'année suivante, Kevin devait revenir en septembre ou octobre, mais Le Mont cherchait un titulaire au poste. J'étais encore au gymnase et je trouvais plus simple de jouer en Challenge League en tant que numéro un. J'ai donc été prêté, mais à mon retour, je voulais voir autre chose.

Tu fais de l'histoire, tu as joué en Challenge League avec Le Mont...
(Rires) Exactement! C'est un club familial, qui avait un président qui était très présent. C'est très fort ce qu'il a pu faire: amener un club de campagne au deuxième niveau national. J'en garde de bons souvenirs.

Comment c'était au FC Le Mont au niveau infrastructure? J'imagine que c'était un autre monde par rapport au LS...
Ça va. Le Mont avait deux terrains en herbe et un petit synthétique pour l'hiver. Mais c'est vrai que c'était bien différent. Le vestiaire était plus petit, le matériel n'était pas extraordinaire. Les matches étaient à Baulmes, à 25 minutes de Lausanne. Mais j'ai réussi à m'adapter.

Par la suite, comment s'est pris la décision de partir jouer en Angola? Tu étais encore jeune...
Cela n'a pas été un choix très difficile. J'ai fait toute ma formation à Lausanne, j'ai joué en Super et Challenge League. J'étais intéressé à relever un nouveau défi. Découvrir mon pays d'origine, apprendre une nouvelle langue. Le club était aussi très ambitieux, voulait regagner un titre national.

Comment un club basé à plusieurs milliers de kilomètres de Lausanne te repère?
Lorsque j'étais au Mont, l'équipe nationale A angolaise cherchait un gardien numéro un. J'ai fait un match amical face au Maroc et tout s'est bien passé. En septembre, il y a eu la possibilité de jouer un match officiel face au Gabon et au Burkina Fasso. Cela m'a fait changer de nationalité sportive. J'en ai discuté avec Gérard Castella, alors entraîneur des M20 suisses, pour lui expliquer. C'était bouché ici, il y avait encore Diego Benaglio, Roman Bürki, Marwin Hitz et Yann Sommer n'avait pas encore débuté avec les A. C'est à ce moment que le club angolais m'a repéré et m'a offert un contrat.

Comment est le football en Angola?
C'est un football très athlétique. On joue sous des températures allant de 28 à 34 degrés. Beaucoup de joueurs viennent du Portugal, du Brésil et de l'Afrique de l'Ouest. C'est quand même un championnat compétitif. Pour faire une comparaison, je dirais que les meilleurs clubs sont du niveau du milieu de classement de Super League. Il y a beaucoup de spectateurs.

D'ici, nous avons la vision d'un football africain désordonné. Tu es bien placé pour démentir ou confirmer cela...
J'ai choisi le club de l'armée. Donc il y avait de la discipline (rires). Le club est bien structuré. Nous avions un logement pris en charge, un véhicule à disposition, des mises au vert avant et parfois après les matches. Notre entraîneur venait de la Bosnie, le préparateur physique est aujourd'hui au Dinamo Zagreb. Le staff et la structure était de qualité. J'ai été surpris à mon arrivée et je n'ai pas vu le côté désorganisé.

Et cette expérience en Afrique t'a donné la possibilité de jouer la Ligue des Champions africaine...
Exactement. C'était un rêve. J'ai vu que remporter le titre national permet de jouer cette compétition, et tous les joueurs en ont l'envie. Que ce soit en Europe, en Afrique ou en Asie. C'était une super expérience. La compétition est relevée.

Le continent est énorme, comment cela se mettait-il place?
Nous avions la chance d'avoir un jet et donc de pouvoir faire des vols directs. Nous partions de Luanda et atterrissions à Casablanca directement. Certains clubs doivent passer par l'Espagne ou le Portugal, par exemple, avant d'arriver au Maroc.

Comment est la ferveur pour le football en Afrique?
Le football est le sport le plus populaire. Les gens t'arrêtent dans la rue, te félicitent lorsque cela se passe bien, t'encouragent quand cela va moins bien. Ils aiment leur club et l'équipe nationale. Je ne pourrai pas oublier.

Ensuite, tu passes 3 mois sans club et le FC Bâle vient te chercher...
J'ai eu la chance d'avoir un agent qui envoyait des informations sur moi en Suisse. Il a essayé à chaque mercato de relancer les clubs suisses, dont Bâle, sur ma situation. Je m'entraînais avec les M21 du Lausanne-Sport pour garder la forme, un gardien du FC Bâle s'est blessé et cela s'est fait comme ça.

Comment se sont passés ces 20 mois?
J'ai beaucoup appris sur le football, sur le plan tactique et technique. C'était une expérience unique. J'ai pu voir les différences entre le football romand et alémanique. Mon rêve de Lausannois était de jouer pour le LS et de Suisse, d'évoluer au FC Bâle. Le fait d'être un joueur du cadre était exceptionnelle.

Palmarès de Signori Antonio:

- 3 Championnats d'Angola avec 1º de Agosto et Petro Luanda: 2016, 2017 et 2022

- 2 Coupes d’Angola avec CA Petróleos Luanda: 2021 et 2022

- 1 Supercoupe d'Angola avec 1º de Agosto: 2017

- 1 Coupe de Suisse avec Bâle: 2019.

- 3 Championnats d'Angola avec 1º de Agosto et Petro Luanda: 2016, 2017 et 2022

- 2 Coupes d’Angola avec CA Petróleos Luanda: 2021 et 2022

- 1 Supercoupe d'Angola avec 1º de Agosto: 2017

- 1 Coupe de Suisse avec Bâle: 2019.

Quelles sont les différences dont tu parles?
Dans le suivi du joueur. On mangeait tous ensemble, des compléments alimentaires, l'aspect technico-tactique était plus poussé, le staff plus large et cela nous aidait pour la récupération, on avait des bilans sanguins réguliers et les infrastructures étaient à la pointe. Le club fait en sorte que le joueur soit mis dans les meilleures conditions pour qu'il se concentre uniquement sur le football.

Tu repars ensuite en Angola, ton premier passage t'a donné envie d'y retourner?
J'ai eu plusieurs contacts avec le SLO, puis un gardien s'est blessé à Grasshopper et j'ai passé l'automne 2019 avec eux aux entraînements. J'ai ensuite cherché des opportunités à l'étranger et les premiers contacts avec l'Angola se sont faits. Mais le Covid a retardé mon arrivée. C'est un club concurrent de mon ancien club et qui voulait regagner le titre.

As-tu une anecdote sur le foot dans ton pays d'origine?
J'ai joué au stade des martyrs en République démocratique du Congo, qui est un stade mythique. Nous avons joué devant 80'000 spectateurs. Je suis proche de la culture congolaise, car je viens du nord de l'Angola et cela a été un moment fort. Mais il y en a aussi des moins drôles sur le moment.

Raconte-nous...
J'ai tout connu niveau vol par exemple. Le jet privé, mais également avec des avions militaires. Nous devions nous asseoir par terre. (Rires)

Pour continuer ton parcours, tu refais une année sans club. Pourquoi?
J'aime mettre mes baskets dans un projet qui me plaît, je veux être concerné. Jouer au foot juste pour jouer au foot, ce n'est pas pour moi. Je veux m'engager où je pourrais donner le meilleur de moi-même. Cette année, j'aurais pu m'engager en Promotion League. Mais je visais la Challenge League ou un club ambitieux de Promotion League. De plus, ma compagne était enceinte, et je préférais être présent pour la naissance de mon enfant.

Qu'est-ce que ses expériences t'ont apporté en tant qu'homme?
De la reconnaissance. J'ai pu apprendre des choses partout, de réaliser la chance que j'avais dans toutes les circonstances. L'opportunité de vivre de mon sport en Afrique, de réaliser la chance que l'on a de vivre en Suisse.

Changerais-tu quelque chose dans ton parcours?
J'ai pris mes décisions de façon réfléchie et je n'ai pas de regret. Quand je vois les gardiens présents en équipe de Suisse, ces derniers ne jouaient pas forcément en jeune et je me dis que j'aurais peut-être eu ma chance. Le fait d'avoir choisi la sélection angolaise m'a peut-être fermé des portes, mais je ne regrette rien. Je suis content pour tous les gardiens que j'ai côtoyés et qui ont réussi.

Que pouvons-nous te souhaiter pour l'avenir?
De rester le plus longtemps dans le circuit. J'ai toujours de grosses ambitions. J'ai joué la Ligue des Champions africaine et j'aimerais jouer un jour l'européenne. Je crois en mes qualités et je sais que tout est possible. Il me faudra de la discipline et que je fasse attention à mon corps. Aujourd'hui, je me sens à maturité. Je sais ce que je dois faire, car j'ai dix ans d'expérience derrière moi.

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