Victime de racisme en ligne
Dereck Kutesa: «Celui qui s'abaisse, c'est celui qui envoie l'insulte»

Victime d'un acte de racisme sur les réseaux sociaux, Dereck Kutesa a déposé plainte. L'ailier du Servette FC a demandé à se retrouver face à celui qui a envoyé ce message, le jour où il sera identifié. Afin de lui demander pourquoi il a fait ça.
Publié: 31.07.2024 à 16:00 heures
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Dernière mise à jour: 31.07.2024 à 16:10 heures
Dereck Kutesa aimerait rencontrer au tribunal l'homme qui lui a envoyé ce message raciste.
Photo: TOTO MARTI
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Dereck Kutesa a eu une très mauvaise surprise en consultant son téléphone portable après le succès à Lucerne lors du premier match de la saison: un supporter du FCL lui demandait, image à l'appui, si la banane était son aliment préféré. Un acte de racisme intolérable, que le joueur a diffusé sur ses réseaux sociaux quasiment immédiatement.

Rencontré ce mardi au Stade de Genève, l'ailier, qui a magnifiquement réussi son début de saison (deux buts en trois matches), a accepté de revenir sur cet événement, en précisant qu'il avait officiellement porté plainte la veille.

Première chose: est-il affecté par ce message? Comment se porte son mental? De ce côté-là, tout va bien, en tout cas en apparence. A 26 ans, le Genevois est fort mentalement et assure parfaitement gérer la situation. «Je ne vais pas dire que je le vis bien, mais ça ne m'atteint pas. Ça ne me fait ni chaud ni froid, parce que je sais qui je suis et je suis fier de l'être. Je n'ai pas honte de quoi que ce soit. Pour moi, celui qui s'abaisse, c'est celui qui envoie l'insulte, pas celui qui la reçoit», affirme-t-il tranquillement, au sortir de l'entraînement.

«Ce n'est pas la première fois que je reçois ce type de message. Depuis que je suis revenu en Suisse, je dirais que j'y ai été confronté une quinzaine de fois», enchaîne le Genevois. Il s'agit cependant de la première fois qu'il le rend public sur ses réseaux sociaux. Pourquoi précisément cette fois?

«D'habitude, je laisse passer»

«Parce que les fois précédentes, c'étaient des messages privés, qu'il fallait prendre une capture d'écran. Là, c'était une story interne, qu'il était simple de partager publiquement. C'était un clic. C'était comme un coup de tête, quand j'ai vu l'option 'Partager' s'afficher, je me suis dit que j'allais le faire. Pour que tout le monde voie ce qu'il m'a envoyé. D'habitude, je laisse passer, je ne fais rien, je ne réponds même pas. Mais là, comme j'avais la possibilité de tout simplement cliquer sur 'ajouter en story', je l'ai fait. C'était un peu comme si le message m'appelait à le faire», détaille l'international suisse (1 sélection en 2024).

Auteur de deux buts en trois matches, l'ailier a très bien débuté la nouvelle saison.
Photo: BENJAMIN SOLAND

Les réactions ont été nombreuses, y compris de la part du FC Lucerne, qui a annoncé son intention d'identifier la personne ayant envoyé ce message dans le but de l'interdire de stade. Mais, pour pouvoir enclencher la procédure, il était indispensable que Dereck Kutesa porte plainte, ce qu'il a fait lundi.

«Il faut des sanctions qui pèsent»

Qu'attend-il de cette plainte? «Qu'il soit condamné. Que ça fasse réfléchir les autres personnes qui seraient éventuellement amenées à faire pareil. Qu'il apprenne. Que les gens apprennent. Je pense qu'il faut des punitions et des sanctions exemplaires. Pas une peine d'interdiction de stade et après une année ou deux il revient au stade et c'est bon. Quelque chose qui marque. Je pense que pour faire bouger les choses, il faut des sanctions, mais des sanctions qui pèsent. Pas seulement une amende symbolique, qui sera oubliée le lendemain et n'aura aucun effet.»

Photo: Screenshot Instagram

Il y a une dizaine d'années, Alain Joseph, alors président du Lausanne-Sport, avait été la cible d'un message haineux de la part d'un supporter du LS, lequel avait effectué un parallèle entre sa confession religieuse et des questions économiques. Alain Joseph avait organisé une rencontre avec ce supporter afin de tenter de voir d'où venait le mal et s'il était possible de changer les choses. Dereck Kutesa approuve la démarche.

«Hier à la police, on m'a demandé si je voulais être tenu au courant de la procédure, si je voulais rencontrer la personne au tribunal. J'ai dit oui. Je veux demander à cette personne pourquoi elle m'a envoyé ce message. Juste savoir pourquoi.» Le jour où il sera identifié et convoqué devant la justice, Dereck Kutesa aura donc l'occasion de l'avoir en face de lui et de pouvoir échanger. Dans un but clair: éviter que de telles infamies se reproduisent et, pourquoi pas, faire évoluer les mentalités à son échelle.

«Le racisme, ça part de l'éducation»

«Le racisme, ça part déjà de l'éducation à la maison. Je ne pense pas qu'on naisse raciste. Personne ne l'est à la base. Si quelqu'un le devient, c'est parce que quelqu'un l'a influencé dans son entourage, que les gens autour de lui lui ont mis quelque chose dans la tête», explique le Genevois, qui assure que cette discussion, si elle a lieu comme il le souhaite, ne diminuera pas son envie de sanction.

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«Je ne pense pas qu'on naisse raciste. Personne ne l'est à la base.»
»

A une échelle plus large, comprend-il Mike Maignan, le gardien de l'AC Milan, qui quitte le terrain en plein match après avoir été victime de cris racistes? Ou l'indifférence est-elle une meilleure option? «Je pense que chacun a sa réaction. Lui, c'est encore autre chose... Il est beaucoup plus connu que moi, il joue dans des stades de 60 ou 70'000 personnes, je ne peux pas juger à quel point ça l'affecte d'entendre des cris toutes les minutes ou toutes les dix minutes, je ne sais pas. En ce qui me concerne, cela ne m'est jamais arrivé pendant un match.»

Il tient à protéger ses proches

S'il assure ne pas avoir été affecté par la situation, Dereck Kutesa a tout de même été touché par la solidarité et les réactions autour de lui à la suite de son «repost» sur Instagram. «J'ai reçu pas mal de messages de soutien sur les réseaux, même de la part de supporters de Lucerne ou d'autres clubs en Suisse. Et au sein de mon club, bien sûr, tout le monde m'a dit un mot.»

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«J'ai reçu pas mal de messages de soutien sur les réseaux, même de la part de supporters de Lucerne»
»

Il tient également à préserver ses proches. Ses sœurs sont sur les réseaux, pas ses parents. «Je préfère qu'ils ne sachent rien. Peut-être qu'ils verront les articles dans les journaux, mais si je suis tranquille, que je ne suis pas affecté, ils ne le seront pas non plus, je pense. Si ça ne me fait pas de mal, je ne pense pas que ça va leur en faire», assure-t-il, tout en faisant passer un message clair. «Personne ne choisit sa couleur de peau. Je suis fier d'être noir. Je suis originaire d'Angola, je suis Suisse. Les messages que je peux recevoir n'y changent rien.»

Credit Suisse Super League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
FC Zurich
FC Zurich
14
7
26
2
FC Bâle
FC Bâle
14
20
25
3
FC Lugano
FC Lugano
14
6
25
4
Servette FC
Servette FC
14
2
25
5
FC Lucerne
FC Lucerne
14
4
22
6
FC St-Gall
FC St-Gall
14
6
20
7
FC Lausanne-Sport
FC Lausanne-Sport
14
2
20
8
FC Sion
FC Sion
14
0
17
9
Young Boys
Young Boys
14
-5
16
10
Yverdon Sport FC
Yverdon Sport FC
14
-10
15
11
FC Winterthour
FC Winterthour
14
-21
11
12
Grasshopper Club Zurich
Grasshopper Club Zurich
14
-11
9
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