Quel club va en profiter?
Ermir Lenjani: «Un dernier défi de six mois»

Le gaucher de 34 ans est de retour en Suisse, où il prépare sa reconversion. Riche de l'expérience accumulée au cours de sa carrière, celui qui a assisté à l'éclosion d'Ousmane Dembélé et vécu des émotions incomparables avec l'Albanie, se voit jouer jusqu'à l'été.
Publié: 07.12.2023 à 10:44 heures
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Dernière mise à jour: 10.12.2023 à 18:55 heures
Ermir Lenjani se voit encore rendre des services à un club de Super League dans les prochains mois.
Photo: DR
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Gamin de Winterthour, Ermir Lenjani est de retour en Suisse depuis l'été... et personne ne le sait! «J'ai toujours été discret, pas du genre à étaler ma vie sur la place publique», sourit le gaucher, qui se dit en grande forme physique. Alors que la fin de la carrière approche, il révèle, pour Blick, ses envies d'un dernier défi et revient sur les épisodes d'un parcours sur lequel, de son propre aveu, personne n'aurait misé.

«Au début, personne n'avait misé sur moi»

Il existe des joueurs prédestinés pour le haut niveau, sur lesquels les clubs misent depuis l'adolescence. Ermir Lenjani n'est vraiment pas de ceux-là. «En juniors à Winterthour, personne n'avait misé sur moi. Vous pouvez appeler tout le monde là-bas, ils vous le confirmeront. J'étais vraiment frêle physiquement, pas du tout costaud. On ne me remarquait pas. La technique était là, j'ai toujours eu un bon pied gauche, mais j'étais très léger. Par contre, j'avais envie de travailler. Et c'est ce dont je suis le plus fier dans ma vie...» Le jeune Ermir a alors 15 ou 16 ans et aucun de ses formateurs ne l'imagine jouer en Challenge League à Winterthour. Alors parler de jouer à l'étranger ou de disputer un Euro...

«Mais je travaillais plus que les autres. Je restais après l'entraînement, j'allais à la salle de musculation. Je me suis épaissi, je suis devenu plus costaud. Et comme j'étais pas mal techniquement, les choses se sont faites naturellement. Je suis devenu vraiment performant dès les M18, puis j'ai commencé à jouer avec la première équipe de Winterthour en Challenge League. Et c'était parti.»

Face à la France de Kingsley Coman.
Photo: DR

GC à 20 ans, c'était trop tôt

Ses bonnes performances avec Winterthour attirent l'attention de Grasshopper. Le jeune homme a 20 ans et dit oui tout de suite. «C'était une erreur, je n'étais pas au niveau. Je n'étais tout simplement pas prêt. Mais Grasshopper, ça ne se refuse pas. On est en 2010, c'est un très grand club, le recordman des titres en Suisse. Bien sûr que j'ai dit oui. C'était Ciriaco Sforza l'entraîneur, je m'entends toujours bien avec lui d'ailleurs, mais il estimait que je ne pouvais pas encore jouer à ce niveau. C'était sa perception des choses.» Après six bouts de match, retour à Winterthour, avant le grand saut à Saint-Gall, là où sa carrière décolle vraiment.

Saint-Gall, les premières émotions européennes

C'est là, à Saint-Gall, dans cet environnement fou de football que la carrière d'Ermir Lenjani décolle vraiment. «J'ai explosé là-bas. Saint-Gall, c'est un club magnifique, je n'ai pas besoin de vous l'expliquer. Un foot offensif, de la ferveur... Et c'est là que je découvre la Coupe d'Europe! On n'a pas fait que participer d'ailleurs, on élimine le Spartak Moscou, c'était quelque chose de fou. C'est là que je commence à être sélectionné en équipe nationale d'Albanie, d'ailleurs. Je m'éclate en tant que latéral gauche et là, après une saison à peine, j'ai beaucoup d'offres. J'ai 24 ans, je dois faire le bon choix.»

Les débuts à Saint-Gall et la révélation à haut niveau.
Photo: Keystone

Le jour où il a dit non à YB

Alors qu'il brille à Saint-Gall, le gaucher reçoit donc une offre d'YB, en 2015. «Je suis évidemment allé au rendez-vous et tout était prêt. J'avais le contrat sur la table, je n'avais plus qu'à signer. Mais j'ai choisi Rennes. Avec le recul, je peux dire que j'ai bien fait, mais des fois, tu ne sais jamais comment une carrière va tourner.» Lors de ce mercato, YB engage finalement Loris Benito au poste d'arrière gauche, en provenance de Benfica. «J'aurais sans doute gagné des titres de champion en plus, mais partir à l'étranger et s'y imposer, cela a de la valeur aussi.»

A Rennes, l'éclosion du phénomène Ousmane Dembélé

«J'ai adoré mes années à Rennes! Je suis donc arrivé en 2015 dans un nouveau championnat, nouvelle langue, et j'y ai côtoyé de grands joueurs et de grands entraîneurs. Et puis, je peux dire que j'étais là quand Ousmane Dembélé a débarqué dans le monde professionnel. Je savais que Rennes avait un super centre de formation, Gelson Fernandes me le disait régulièrement, et je n'étais donc pas étonné en voyant de bons jeunes à l'entraînement, mais lui, laisse tomber... Il avait une vitesse incroyable! Il est arrivé à l'entraînement, pied gauche, pied droite, et tout à 2000 à l'heure! Il a fait quelques mois et il est parti à Dortmund, c'était une évidence.»

A Rennes, l'Albanais a également côtoyé un autre phénomène, Yoann Gourcuff. «Un super joueur lui aussi» Il s'est notamment lié d'amitié avec le gardien Benoit Costil.

Prêté à Nantes, indésirable à Rennes

Cet automne, Matthis Abline, jeune joueur prêté par Rennes à Nantes s'est fait violemment insulter en tribunes par les supporters des Rouge et Noir. Peu de monde s'en rappelle aujourd'hui, mais Ermir Lenjani a vécu la même chose! «J'ai été prêté à Nantes, pas loin de Rennes, c'était idéal pour moi et j'ai fait des bons matches. A Rennes, j'étais plutôt considéré comme un ailier et à Nantes comme un latéral. J'ai pu prendre la mesure du championnat de France et effectué de belles prestations. Au moment de revenir à Rennes, j'ai vite compris que ce serait impossible: j'ai aussi eu des banderoles dans le stade pour me dire que ce n'était pas la peine que je revienne après avoir porté le maillot de Nantes! Alors que je n'avais jamais manqué de respect à personne. Bref, ça fait partie des rivalités du foot...»

A Nantes, en tant que latéral gauche, sous les ordres de Michel der Zakarian.
Photo: DR

L'Euro 2016, le moment le plus fort de sa carrière

Latéral gauche indiscutable de l'équipe d'Albanie (45 sélections, 5 buts), Ermir Lenjani a eu la chance de disputer l'Euro 2016 et notamment de jouer contre la Suisse. «Je n'ai pas de mots pour décrire ces semaines passées en France. Des milliers d'Albanais étaient dans les stades, c'était notre première participation à une phase finale. Et on a failli passer en 8es en tant que meilleurs troisièmes, il s'en est fallu de rien... Encore maintenant, en parler sept ans après, j'en ai des frissons. Que l'Albanie se soit qualifiée à nouveau pour 2024, c'est une fierté renouvelée. Je fais toujours partie de l'équipe, d'ailleurs, j'étais là lors du premier match de qualifications en Pologne. Je n'ai pas joué une seule minute et je suis réaliste, je ne ferai pas partie de la sélection l'été prochain, mais je suis le premier supporter et je suis très fier d'avoir fait partie de cette histoire. Et croyez-moi, on pourra en surprendre plus d'un... On s'est qualifiés dans un groupe avec la Pologne et la Tchéquie, qui ne sont peut-être plus au niveau où elles étaient il y a quelques années, mais qui restent de très bonnes nations.»

L'Euro 2016, ici face à la Suisse de Granit Xhaka, un souvenir immense.
Photo: Keystone

A Sion, il est toujours resté droit

L'expérience FC Sion est appréciée de diverses manières par les joueurs ayant signé un contrat de plus ou moins longue durée avec le club de Tourbillon, mais Ermir Lenjani ne regrette rien. «Il y a des fois où tu ne comprends rien à ce qui se passe, mais il suffit de te concentrer sur ton travail, de rester concentré et droit, et tu n'auras pas de problème. En tout cas, avec moi, c'est ce qui s'est passé. Le président me disait toujours qu'il n'avait rien à me reprocher, que je mouillais le maillot et que les supporters m'aimaient bien. C'est la vérité. Des fois tu joues bien, des fois moins, mais j'ai toujours respecté mon travail et les fans. Je n'ai jamais parlé dans la presse ou fait quoi que ce soit contre les intérêts du club.»

A Sion, Ermir Lenjani a passé quatre années mouvementées, mais belles.
Photo: Keystone

Grasshopper, puis la Turquie

Après Sion, le gaucher est parti à Grasshopper, en Challenge League. «Tout le monde pensait que j'étais fini, que c'était un mauvais choix. On est remontés en Super League et on s'y est établis. J'ai prouvé que j'en avais encore sous le pied et j'en suis fier. C'est un peu toujours comme ça, on ne mise pas forcément sur moi, mais au final je réponds présent.»

Direction Istanbul en 2022, et le club d'Ümraniyespor, une belle expérience. «Le championnat turc est très intéressant. J'habitais une ville magnifique, on jouait régulièrement dans de belles ambiances face à de grands joueurs. J'ai apprécié. Mais j'ai décidé de revenir en Suisse après une année, c'est là que j'ai envie de trouver un dernier défi, dans mon pays.»

Le retour à GC, d'abord en Challenge League, puis en Super League.
Photo: Urs Lindt/freshfocus

Un dernier défi de six mois, avec une reconversion?

Ermir Lenjani a cependant fait une erreur à l'été 2023, revenant trop tard en Suisse pour trouver une équipe. «Mon agent et moi avons un peu tardé, en pensant que mon statut d'international et mon expérience suffiraient à trouver une équipe en quelques jours, mais les contingents étaient déjà bouclés. Alors, je me suis entretenu tout seul, avec des préparateurs physiques professionnels, et je suis en pleine forme. Mon but, maintenant, c'est de trouver un club de Super League pour un dernier défi, où je peux apporter mon expérience, et préparer ma reconversion.» Le Zurichois dispose en effet d'atouts intéressants, outre le fait de parler trois langues (allemand, anglais, albanais) et d'en comprendre une (le français): son diplôme A d'entraîneur et celui de manager du sport. «Mon but, il est clair: je suis à disposition d'un club suisse professionnel pour jouer six mois à haut niveau et préparer la suite dans le même temps. Je peux entraîner des juniors, faire partie d'un staff... Je vais me laisser guider par les propositions et les envies. Mais j'ai encore envie de jouer et de rendre service. Si la bonne offre ne vient pas, je m'orienterai directement vers l'après-carrière, mais j'en ai encore sous le pied, je le sais.»

Les entraîneurs qu'il a eu, une richesse

Gianni De Biasi en sélection, Christian Gourcuff, Michel Der Zakarian, Edy Reja, Sylvinho, Murat Yakin, Paolo Tramezzani... Difficile pour Ermir Lenjani de choisir un entraîneur parmi tous ceux pour lesquels il a pu jouer. «Je me destine à cette fonction et j'y réfléchis souvent. J'ai eu de très bons entraîneur et à Sion, je peux dire que j'ai eu droit à pas mal de styles différents en peu de temps. On peut le voir comme une richesse aussi, pour peu que l'on soit ouvert. Et en Suisse, on a une très bonne formation de coaches aussi. Boro Kuzmanovic, Zoltan Kadar, Dario Zuffi, Jeff saibene, Ciriaco Sforza, Stéphane Henchoz... Je ne vais pas citer tous ceux que j'ai côtoyé, mais j'ai tiré le meilleur de tous. Chacun, avec le recul, a un truc à t'apprendre.»

Le gaucher prend ici le meilleur sur Pepe.
Photo: DR

Son message pour les jeunes: tirer le 100% de ses capacités

Si Ermir Lenjani a connu une aussi belle carrière, c'est parce que, de son propre aveu, il a tiré le 100% de ses capacités. «J'ai exploité mon potentiel à fond, j'en suis convaincu. Il y a des joueurs doués qui se reposent sur leur talent et je ne pouvais pas me le permettre. Donc mon message, c'est de bosser à fond, d'être sérieux et aussi de faire les bons choix aux bons moments. Il ne faut pas partir trop tôt à l'étranger! Durant mes dernières années en Suisse, que ce soit à Sion ou à Grasshoppper, j'ai souvent dit à des jeunes très talentueux, qui étaient bien plus doués que moi, qu'il ne fallait pas partir trop tôt et déjà s'imposer en Suisse. Xherdan Shaqiri, Granit Xhaka, Remo Freuler, Admir Mehmedi, Amir Abrashi: ce sont de bons exemples! Mais certains ne m'ont pas écouté et sont partis à l'étranger après une ou deux saisons à peine... et ils sont déjà de retour, en situation d'échec. J'ai joué en Suisse et à l'étranger et je peux le dire: il faut être un bon joueur en Suisse pour s'imposer ailleurs. Il faut faire les choses dans l'ordre, se taire, travailler et être patient. Et ensuite, parler sur le terrain.»


Credit Suisse Super League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
FC Zurich
FC Zurich
14
7
26
2
FC Bâle
FC Bâle
14
20
25
3
FC Lugano
FC Lugano
14
6
25
4
Servette FC
Servette FC
14
2
25
5
FC Lucerne
FC Lucerne
14
4
22
6
FC St-Gall
FC St-Gall
14
6
20
7
FC Lausanne-Sport
FC Lausanne-Sport
14
2
20
8
FC Sion
FC Sion
14
0
17
9
Young Boys
Young Boys
14
-5
16
10
Yverdon Sport FC
Yverdon Sport FC
14
-10
15
11
FC Winterthour
FC Winterthour
14
-21
11
12
Grasshopper Club Zurich
Grasshopper Club Zurich
14
-11
9
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