Fode Sylla l'avoue dans un sourire, il ne parle pas ch'ti, lui qui est né voilà 18 ans à Roubaix. «Mais je suis un vrai Nordiste, attention!», rigole le joueur d'Yverdon Sport, qui n'a jamais connu d'autre club que le RC Lens depuis sa tendre enfance. «Le football a toujours été présent dans ma famille. Mon frère Mohamed y jouait, je l'admirais avec mes yeux d'enfant. Il m'a toujours inspiré et je voulais faire comme lui. Alors, j'ai débuté dans mon club de la ville, à Roubaix, où j'ai directement été surclassé. Puis un jour lors d'un tournoi en salle, j'ai été repéré par le RC Lens.» Quel âge avait-il? «7 ans et demi.» Un surdoué du football? Pour l'heure, en tout cas, la progression est linéaire: intégration au groupe pro du RC Lens, parcours victorieux en équipes de France M16, M17 , M18 et M19, dont il est aujourd'hui l'un des capitaines. Sa carrière internationale est d'ailleurs bien remplie, lui qui, en 2023, a été finaliste de l'Euro et de la Coupe du monde M17... en perdant les deux fois en finale aux tirs au but face à l'Allemagne!
Le bac, les entraînements avec les pros, l'équipe de France...
Dès ce jour où les recruteurs du RC Lens l'ont identifié, le jeune Fode a effectué enfant tous les mardis la route jusqu'au centre d'entraînement du club, La Gaillette, avec ses parents pour y faire grandir sa relation avec les Sang et Or. Jusqu'au jour où les dirigeants du club sang et or lui proposent de rester à l'internat, ce qu'il accepte volontiers. «J'ai très vite quitté la maison, cela m'a forgé le caractère. Lens, c'est la classe. Les installations sont celles d'un top club et je ne parle pas que du stade. J'ai eu droit à une super formation.» Les journées sont chargées entre les études et les entraînements, surtout que l'équipe de France vient se greffer sur ce programme. «C'est vrai que c'était difficile de ce point de vue. J'ai raté tellement de cours! Bon, c'étaient pour de bonnes raisons, comme jouer une Coupe du monde, mais il fallait tout de même tout rattraper.» Le jeune homme va y arriver, en témoigne l'obtention de son bac général l'été dernier, une grande fierté.
L'an dernier a été une année charnière, d'ailleurs. Non seulement parce que le milieu de terrain est devenu un cadre de l'équipe de France M19, mais aussi parce qu'il a intégré la première équipe du RC Lens. «Je ne suis jamais entré en jeu, mais je faisais tous les entraînements. Ça aussi, c'était compliqué à concilier avec les cours, mais je me voyais mal dire non», sourit celui qui, même sans jouer en match officiel, a pu côtoyer le très haut niveau à l'entraînement.
Il y découvre aussi les particularités d'un club extrêmement populaire dans sa région. «Je ne vous apprends rien, le Nord est fou du RC Lens, les supporters sont à fond. Même moi, qui n'ai jamais joué en première équipe, on me reconnaît et on m'aborde dans la rue! Alors d'accord, j'ai une petite notoriété en tant qu'espoir du club et joueur de l'équipe de France M19, mais ça fait bizarre au début. Des fois, je suis avec des potes dans la rue et quand quelqu'un vient vers nous, je leur dis que c'est un supporter qui veut une photo, ça ne manque jamais! C'est toujours cool et sympa», explique celui qui est moins dérangé et reconnu quand il marche dans les rues centrales d'Yverdon-les-Bains, son nouveau domicile.
Andy Diouf lui a conseillé de venir en Suisse une année
Sous contrat avec Lens jusqu'en 2026, le binational français et guinéen a en effet répondu favorablement à l'appel d'Yverdon Sport l'été dernier. Le club nord-vaudois lui a proposé de quitter le Nord pour la première fois de sa vie, dans l'optique de faire ses débuts en professionnels. «J'en ai parlé avec Andy Diouf, il m'a dit que la Suisse c'était un bon endroit pour progresser, avec un championnat de bon niveau où je pourrai m'exprimer. Pour une première expérience dans le monde pro, c'est une bonne adresse», lui a assuré l'ancien joueur du FC Bâle.
«Je savais que je pourrais me faire ma place ici»
«Surtout, j'arrive dans une région francophone, avec plusieurs Français dans l'équipe. Oui, c'est un autre pays, une autre culture, mais je ne suis pas complètement déraciné non plus», explique celui qui monte en puissance depuis le début de l'année, lui qui a été titularisé lors des quatre dernières journées et a effectué des prestations solides, couronnées par de bons résultats (courte défaite à Zurich, nul contre Lucerne, victoires à Genève et contre Winterthour).
«Je suis content de ce que je montre. Je joue avec de plus en plus de confiance, je sens que le coach compte sur moi et je progresse. J'ai l'impression d'avoir franchi un palier cette année, ce qui était exactement ce que je recherchais en venant en Suisse. J'ai 18 ans, je fais mes débuts en pro, c'est normal de ne pas avoir été titulaire tout de suite. Mais je savais en venant ici que je pourrais me faire ma place», enchaîne celui qui forme un trio très intéressant avec Mateusz Legowski et Moussa Baradji en ce début 2025. «On a un milieu qui se complète bien», confirme-t-il. Le Polonais étant suspendu pour le déplacement à Sion ce samedi (18h), les cartes seront toutefois redistribuées. Une chance pour Boris Cespedes, de retour de dix jours avec la Bolivie, de débuter à nouveau une partie? A voir.
Si Fode Sylla est pour l'heure satisfait de son passage en Suisse, il ne se voit pas quitter Yverdon sur une relégation l'été prochain. «Alors ça, c'est sûr que non! J'espère vraiment qu'on va se rapprocher du maintien chaque semaine», explique celui qui se rappellera toute sa vie de sa première titularisation en pro. «En plus, c'était à Bâle, dans un stade magnifique et plein à ras bord. C'était le premier match de Xherdan Shaqiri, il y avait une ambiance de fou. Globalement, ce qui est cool en Suisse, c'est qu'il y a vraiment des beaux stades. Et comme je l'ai dit, le championnat est de bon niveau.» Qui voit-il gagner le titre, d'ailleurs, maintenant qu'il a croisé la route de toutes les équipes? «Je dirais Bâle.» Et quels joueurs l'ont le plus impressionné pour l'instant? Il cite deux noms. «Le milieu offensif de Lausanne, Alvyn Sanches. Et Dereck Kutesa, de Servette.»
Paolo Tramezzani est très exigeant avec lui
Formé en tant que milieu défensif à Lens, il joue le plus souvent sur le côté à Yverdon, mais toujours dans l'entrejeu. «J'essaie d'apporter autre chose, de percuter, de faire des différences. Cela me permet de progresser aussi.» Paolo Tramezzani, en tout cas, ne le lâche pas. Convaincu du potentiel de ce jeune homme, le Mister n'hésite pas à le recadrer en plein match, avec de très sonores «Fodeeeeeeee!», qui retentissent jusque dans la tribune. «C'est vrai que j'entends souvent mon prénom! Il me veut du bien, il veut que je grandisse. J'ai confiance en lui, il est top humainement et c'est un super coach», assure le Nordiste.
D'ici quelques mois, il retrouvera le RC Lens et tentera d'y faire sa place. «Mon rêve, depuis que je suis entré au centre de formation, c'est de jouer à Bollaert. 38'000 personnes, une ambiance de fou, de grands matches... Je veux le vivre. On verra, mais l'objectif à court terme, c'est de confirmer ma progression, de gratter du temps de jeu à Lens, de m'imposer petit à petit», dévoile celui dont le rêve ultime est de jouer avec le Real Madrid et avec les Bleus. «Je suis un grand passionné de foot. Je n'ai jamais pensé à faire autre chose. Ça a toujours été le foot, le foot, le foot. Je n'avais pas de plan B. Maintenant que j'ai mon bac, peut-être que j'aurai envie de faire des études un peu plus tard, mais à 18 ans, je veux me concentrer sur le foot et me donner toutes les chances de réussir», assure celui qui se définit comme très casanier.
Djibril Cissé a fini sa carrière à Yverdon. Fode Sylla la débute
«Je suis tout seul ici à Yverdon. Je joue à des jeux vidéo, je regarde des séries... Ces temps, je suis à fond sur Power». Sinon? «Je regarde du foot. La Ligue 1, la Premier League, la Bundesliga, la Serie A...». De temps en temps une petite sortie au bord du lac ou à Lausanne suffisent à son bonheur, comme la visite de sa famille. «Je n'ai pas trop l'occasion de les voir, vu que lors des trêves je suis appelé en équipe de France. Alors, ils viennent ici. Ma mère est restée une semaine, ma petite soeur est venue aussi. Elles ont bien aimé la région.»
Fode Sylla a donc quitté dix mois le nord de la France pour s'établir dans le nord du canton de Vaud. A voir si, dans dix ans, il donnera des interviews en tant que joueur de l'équipe de France A et en faisant connaître positivement le nom d'Yverdon dans l'Hexagone, quelques années après Djibril Cissé, qui était lui venu y finir sa carrière. Fode Sylla a choisi de faire l'inverse. Avec le même bonheur?
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | Servette FC | 29 | 10 | 51 | |
2 | FC Bâle | 29 | 28 | 49 | |
3 | FC Lucerne | 29 | 8 | 47 | |
4 | Young Boys | 29 | 10 | 46 | |
5 | FC Lugano | 29 | 3 | 45 | |
6 | FC Zurich | 29 | 1 | 45 | |
7 | FC Lausanne-Sport | 29 | 5 | 40 | |
8 | FC St-Gall | 29 | 1 | 39 | |
9 | FC Sion | 29 | -6 | 35 | |
10 | Yverdon Sport FC | 29 | -16 | 32 | |
11 | Grasshopper Club Zurich | 29 | -12 | 27 | |
12 | FC Winterthour | 29 | -32 | 20 |