Pourquoi le LS est-il fébrile?
Ce Lausanne-Sport est incompréhensible

Le Lausanne-Sport semblait assuré de son «maintien confortable» en Super League voilà encore trois semaines. Mais ce tour de relégation mal maîtrisé condamne Ludovic Magnin et ses joueurs à trembler jusqu'au bout. Pourquoi? Tentative de réponse.
Publié: 17.05.2024 à 10:28 heures
Photo: Pascal Muller/freshfocus
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Comment, et surtout pourquoi, le Lausanne-Sport doit-il trembler en cette fin de saison?

Le très court déplacement à la Pontaise de samedi devait être une formalité, et la réception de Grasshopper l'occasion de communier avec le public et de fêter la fin de la saison, celle du «maintien tranquille» espéré par le club tout entier et qui était le véritable objectif. Il ne faut pas oublier, à l'heure de l'analyse, que le LS est néo-promu et que le discours officiel de Ludovic Magnin, la voix sportive du Lausanne-Sport en l'absence de toute autre, n'a jamais dévié. Il n'a ainsi jamais été question de top 6, sinon de la part de quelques joueurs raisonnablement ambitieux, ce qu'on ne peut pas leur reprocher. Mais le coach, et donc le club, n'a jamais parlé d'autre chose que de maintien confortable, celui qui était à portée de mains voilà un mois. Et, pour tout dire, qui semblait même assuré.

Zurich venait de tomber 1-0 à la Tuilière en ce joyeux 13 avril, et ce résultat positif venait clore une belle série positive, ce dont personne ne pouvait se douter. En dix matches, du 12 mars à ce fameux 13 avril, le LS n'a perdu qu'une fois, à Genève. Depuis? La nuit.

Car voilà que ce Lausanne-Sport s'écroule de manière incompréhensible depuis le début du tour de relégation. La défaite à Lugano pour le dernier match de la saison régulière est pardonnable sur le papier, mais, avec le recul, elle démontrait déjà une certaine fébrilité défensive et une forme de démobilisation générale, que Ludovic Magnin a bien formulée: ses joueurs ne savent pas gérer le succès.

Le problème, c'est que cet état d'esprit ne s'est pas cantonné à ce voyage douloureux au Tessin, que tout le monde aurait oublié si le LS n'avait pas sombré en vingt minutes à Yverdon pour débuter le tour de relégation. Les deux matches à domicile face à Bâle et Lucerne devaient être l'occasion de valider le maintien, mais le LS n'a pris qu'un point sur ces deux matches et le voilà en train de trembler à deux journées de la fin, ce qui est proprement incompréhensible et très frustrant pour qui a vu, et aimé, cette équipe entre mars et avril. Un constat d'autant plus frustrant que les efforts de l'équipe marketing pour faire grimper les affluences et fidéliser le public commencent à porter leurs fruits.

Alors, pourquoi?

L'inefficacité, toujours

Le gros problème de la saison lausannoise est là, et, s'il est répété semaine après semaine et que le refrain commence à lasser les joueurs et à les entraîner dans un cercle vicieux au niveau de la confiance, il ne tient qu'à eux de le corriger: ce Lausanne-Sport n'est pas récompensé à la hauteur de ses efforts en zone offensive. Il ne s'agit pas d'une question de malchance ou d'injustice, mais bien de qualité individuelle, de maladresse, de manière d'aborder les situations dans les seize mètres adverses. 

Des études objectives l'ont démontré: au niveau des Expected goals, un indicateur fiable et pertinent, le Lausanne-Sport mérite mieux que son classement et serait d'ores et déjà sauvé, et potentiellement européen, s'il présentait juste un ratio «normal et équilibré» de transformation de ses occasions de but. Encore mercredi face à Lucerne, d'ailleurs. Comment le LS a-t-il fait pour ne pas ouvrir la marque, taper sur la tête d'un FCL qui ne jouait plus rien, embarquer le public avec lui et fêter le maintien? La réponse est claire: parce que ses joueurs offensifs n'ont pas marqué malgré trois situations extrêmement favorables dans le premier quart d'heure.

Ludovic Magnin défend ses joueurs, et c'est ce qui est attendu de lui. Il donne de l'amour à ses attaquants, en espérant que ceux-ci lui rendent des buts, mais il n'hésite pas à les piquer en les mettant sur le banc. Sur le long terme, peut-être que cette attitude sera payante et que cette saison frustrante permettra à Kaly Sène de grandir et de devenir le buteur en série que toute la Tuilière espère. L'histoire du football est pleine de telles histoires, et qui a vu Serhou Guirassy en France ces dernières années n'aurait probablement pas parié sur lui comme meilleur buteur de la Bundesliga cette saison. L'avenir est une chose, et le temps donnera peut-être raison à Ludovic Magnin. Mais la réalité du présent est que le LS, avec des attaquants au ratio «occasions créées-buts» simplement neutre, ne serait pas en train de trembler.

Pour le dire clairement: chez d'autres équipes, les bonnes performances sont corrélées aux bons résultats. A Lausanne, pas du tout. Un très bon match peut être sanctionné d'une défaite ou d'un nul (par ses propres manquements, pas par injustice, on insiste) ce qui biaise forcément l'analyse pour qui ne voit pas le match. Surtout quand ce scénario se répète... 

Kaly Sène, volontaire mais inefficace.
Photo: Claudio de Capitani/freshfocus

L'incapacité à se montrer constant

Avec des buts, le LS serait sauvé, mais cette équipe est également terriblement inconstante, que ce soit sur la durée d'une saison ou celle d'un match. Les supporters ne savent jamais à quoi s'attendre au coup d'envoi d'un match cette saison. Leur équipe sera-t-elle menée de trois buts après vingt minutes, comme à Yverdon voilà deux semaines? Les entames de match ratées, le LS les connaît, et Saint-Gall s'en est régalé voilà peu, à la Tuilière cette fois. Mais Lausanne sait également se montrer flamboyant et efficace, régalant son public par intermittence. Young Boys s'est fait concasser le 17 mars à la Tuilière, Yverdon a vécu l'enfer en première période un peu plus tôt, et la victoire face à Zurich, la dernière en date, semblait aor montré une progression au niveau de la gestion des matches. 

Mais cette équipe, dont Ludovic Magnin estime qu'elle peine à gérer le succès, est retombée de ces hauteurs et elle est difficilement lisible d'une semaine à l'autre. Quel est le véritable niveau du LS? Aujourd'hui, personne ne peut répondre à cette question, ce qui semble étonnant après dix mois. Pour le dire clairement, le Lausanne-Sport n'a aucune certitude cette saison, y compris durant le même match. Olivier Custodio et ses coéquipiers peuvent réaliser une première mi-temps de rêve, rentrer quinze minutes aux vestiaires, et être subitement une autre équipe.

Forcément, cela interroge et désécurise. Et, en même temps, cela donne de l'espoir. Car ce LS est capable de bien jouer et de se montrer extrêmement dominant par séquences, ce qui n'est pas le cas de tout le monde en Super League. Cette saison, dans ses hauts, le LS a été bien plus fort qu'une équipe comme Zurich, par exemple. Mais celle-ci dispute le tour pour le titre, car son niveau moyen est constant. Tout le contraire du LS.

Simone Pafundi, talentueux mais encore logiquement inconstant.
Photo: keystone-sda.ch

Des états de forme fluctuants

Si le collectif du LS est capable collectivement du meilleur comme du pire, y compris dans le même match, cela a forcément trait aux joueurs aussi. Et, à l'heure de dresser un tableau global à deux (ou quatre...) journées de la fin, il faut bien s'attarder sur la performance des cadres, avec un constat implacable: ils n'ont jamais tous été au top en même temps, ce qui a empêché, très probablement, le LS d'enchaîner les bonnes performances et les bons résultats. Car, au final, qui, parmi les leaders, a fait une bonne saison de A à Z, en étant titulaire indiscutable et en étant épargné par les blessures? La réponse est sans équivoque: Karlo Letica, Antoine Bernede et, à un degré moindre, Morgan Poaty. Trois, donc. 

Les autres? Noë Dussenne est indiscutable en défense centrale, et, globalement, il a assumé son statut de leader. Il serait injuste de dire que le Belge n'a pas été à la hauteur. Il l'a été, et largement, autant dans le discours que dans les faits. Il a assumé son statut, et les attentes, mais il a également connu des défaillances étonnantes dans des moments-clés. A chaud, deux jours après son expulsion incompréhensible face à Lucerne, il serait facile de l'accabler et ce serait une erreur. Mais la réalité est aussi que le Belge n'a pas toujours diffusé la sérénité nécessaire et que s'il a disputé une saison correcte, il n'a pas réussi une très grande saison non plus. 

Un autre joueur d'expérience avec un parcours appréciable: Samuel Kalu. Le Nigérian a bien attaqué la saison, son adaptation semblait prometteuse, et une blessure est venu l'éloigner des terrains et lui a enlevé une forme après laquelle il court désespérément. Le constat est le même pour Alvyn Sanches, auteur d'un excellent début de saison, mais stoppé dans son élan. En étant objectif et réaliste: si le numéro 10 du LS ne s'était pas blessé avec l'équipe de Suisse M21, le LS serait déjà sauvé. Mais la réalité est qu'il ne l'est pas.

Fousseni Diabaté, lui, a montré des fulgurances épatantes, mais aussi des trous d'air étonnants. Olivier Custodio, impeccable dans l'état d'esprit et globalement bon lorsqu'il a été aligné, y compris à un poste inhabituel pour lui de latéral, n'a pas toujours été titulaire. Jamie Roche non plus. Et le deuxième poste de défenseur central à côté de Noë Dussenne a été occupé par divers joueurs au cours de la saison, d'Anel Husic à Gabor Szalai en passant par Berkay Dabanli.

Impossible de reprocher quelque chose à Raoul Giger, au poste de latéral droit. Il n'est pas un cador de Super League, loin de là, mais il donne tout et est irréprochable. Il n'est pas un cadre et échappe de ce fait à la critique, car il ne peut pas donner ce qu'il n'a pas, mais si le LS entend franchir un palier dans ce championnat et viser le top 6, il devra impérativement recruter un concurrent crédible à l'Argovien à ce poste et faire en sorte qu'ils soient deux à se le disputer.

Rares Ilie est un jeune joueur talentueux et inconstant, tout comme Simone Pafundi. Ces deux joueurs incarnent parfaitement ce LS capable de tout. Qui peut dire avant un match: «Aujourd'hui, je les sens bien»? Personne. Pas même leur entraîneur, qui les sort parfois à la mi-temps, conscient qu'il ne sert à rien d'insister. Par contre, quand ils sont en feu, personne ou presque ne leur résiste. Impossible également de ne pas évoquer Donat Rrudhani, lequel a eu un véritable impact dès son arrivée avant d'être, à son tour, victime d'une blessure qui l'a coupé dans son élan.

En résumé? Cet effectif ne manque pas de qualités. Mais elles ne se sont jamais exprimées toutes en même temps, que ce soit à cause des blessures ou d'un manque de constance individuel.

Alvyn Sanches a manqué en ce début d'année.
Photo: Pascal Muller/freshfocus

Une autre voix est nécessaire

Les voix critiques envers Ludovic Magnin sont lancinantes et récurrentes, se faisant toujours entendre après les défaites. Le coach du LS le sait: le monde du football est ainsi fait, il ne le découvre pas, mais le fait de les entendre chez lui, dans le club où il a grandi, les rend plus douloureuses. 

Mercredi, après la défaite face à Lucerne, le technicien n'est pas venu s'exprimer. Les joueurs ont été «invités» à prendre leurs responsabilités, y compris face aux médias (et donc face au public), les préposés ayant été Kaly Sène et Simone Grippo. Pas de problème particulier là-derrière: Ludovic Magnin parle très souvent et ne fuit jamais les explications, y compris après les défaites, et ce n'est pas toujours agréable. Mais le constat n'est pas nouveau: il est le seul à parler de football à Lausanne et à incarner les réussites, mais aussi les échecs.

L'engagement de Stéphane Henchoz au sein de la commission sportive devrait aussi avoir pour conséquences d'apporter un autre regard à l'interne, mais aussi une autre voix à l'externe. L'ancien défenseur de Liverpool est légitime, bien sûr. Il a un immense passé de joueur, il a vu également ce qu'était le métier d'entraîneur et connaît le monde des médias, lui qui est consultant pour Blue Sport notamment. Mais, pour l'heure, il ne s'est pas encore adressé au public, qui entend donc Ludovic Magnin semaine après semaine, ce qui est tout de même particulier pour un club de haut niveau.

Que le LS n'ait pas de directeur sportif nommé peut être perçu comme une anomalie structurelle, mais celle-ci est assumée et a été expliquée. La commission sportive, qui vient de perdre Matteo Vanetta, est en place, et il serait malhonnête de prétendre que les transferts ne sont pas au niveau et que Tony Chauvat n'a pas l'oeil, ni le réseau, pour dénicher de bons joueurs, bien au contraire.

Il ne sert donc pas à grand chose de revenir sur cette absence de directeur sportif, mais ce qui paraît essentiel est que Ludovic Magnin ne soit plus seul en première ligne, dans les bons comme dans les mauvais moments. Le match face à Lucerne est l'exemple le plus concret et le plus récent: une prise de position claire et officielle du club après ce match, et avant le déplacement à la Pontaise de samedi, serait bénéfique pour tout le monde. Ludovic Magnin a choisi le silence, et il a sans doute raison, lui qui a tellement parlé. Le problème est que personne ne prenne le relais pour parler aux supporters et à l'environnement du club, à défaut de le rassurer.

Ludovic Magnin, seul au monde.
Photo: keystone-sda.ch


Credit Suisse Super League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
FC Zurich
FC Zurich
14
7
26
2
FC Bâle
FC Bâle
14
20
25
3
FC Lugano
FC Lugano
14
6
25
4
Servette FC
Servette FC
14
2
25
5
FC Lucerne
FC Lucerne
14
4
22
6
FC St-Gall
FC St-Gall
14
6
20
7
FC Lausanne-Sport
FC Lausanne-Sport
14
2
20
8
FC Sion
FC Sion
14
0
17
9
Young Boys
Young Boys
14
-5
16
10
Yverdon Sport FC
Yverdon Sport FC
14
-10
15
11
FC Winterthour
FC Winterthour
14
-21
11
12
Grasshopper Club Zurich
Grasshopper Club Zurich
14
-11
9
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