«On se met la pression!»
Mohamed Tijani, l'ambitieux et costaud colosse d'Yverdon

Rencontre avec Mohamed Tijani, lequel monte en puissance à Yverdon Sport. Le colosse béninois impose son physique en défense centrale et n'hésite pas à parler de manière très ambitieuse. Plutôt que d'évoquer la lutte pour le maintien, il préfère regarder vers le haut.
Publié: 10.02.2024 à 16:25 heures
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Dernière mise à jour: 10.02.2024 à 16:26 heures
Mohamed Tijani, l'un des très bons transferts yverdonnois cette saison.
Photo: Marc Schumacher/freshfocus
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Mohamed Tijani a compris après quelques semaines à Yverdon que le Stade municipal était bien là où YS... allait jouer ses matches! «Je vous dis la vérité, j'étais persuadé que c'était le terrain d'entraînement! Quand j'ai posé la question, je crois que les dirigeants m'ont un peu répondu vite, m'ont dit qu'il y avait des travaux... Quand je me suis rendu compte que c'était le vrai terrain où on allait jouer en championnat c'était trop tard, j'avais déjà signé», se marre le colosse béninois, du haut de ses 190 centimètres qui font si mal aux attaquants de Super League depuis le début de la saison.

Le stade est petit, mais Yverdon, c'est sympa

Oui, Yverdon joue à domicile dans son petit stade et il y joue plutôt bien vu qu'il y a battu Zurich récemment, mais aussi Bâle, Saint-Gall, Stade-Lausanne et Lucerne. «On n'a peur de personne», glisse Mohamed Tijani depuis le restaurant du stade, avec vue imprenable sur ce terrain qu'il connaît désormais bien et où il se sent à l'aise.

Après avoir connu les belles enceintes du Viktoria Plzen et surtout du Slavia Prague, il aurait pu s'y sentir à l'étroit, mais le solide défenseur central n'en fait pas cas. Surtout, il apprécie la vie dans le Nord vaudois. «Ah oui, la vie est cool ici. Ma famille se plaît à Yverdon, c'est calme. Je vous dis la vérité, je préfère cette vie-là qu'à celle des grandes villes. C'est idéal d'un point de vue familial et je me sens bien ici. Les supporters me reconnaissent parfois, me disent bonjour vite fait, tout le monde est sympa.»

Deux fois titulaire en Champions League avec le Viktoria Plzen

Après avoir passé plus de quatre ans en République Tchèque et y avoir découvert la Champions League, pourquoi avoir fait le choix de rejoindre Yverdon? «Beaucoup de monde me pose la question, mais la réponse n'est pas très compliquée. En Tchéquie, je suis arrivé en troisième division. Après une année, j'étais en deuxième division et là, après six mois, les plus grands clubs du pays me voulaient.» Il signe donc au Slavia Prague, puis dispute l'Europa League avec le Slovan Liberec et donc la Champions League avec le Viktoria Plzen avec deux titularisations inoubliables contre le Bayern et l'Inter!

Mohamed Tijani face à Lautaro Martinez en Champions League en octobre 2022.
Photo: Getty Images

On insiste: pourquoi la Suisse et Yverdon? «C'est un tout. Le plus important, c'est que le club me désirait vraiment. En tant que joueur de foot, tu as envie, et même besoin, d'être considéré. Disons qu'Yverdon me l'offrait plus que tout le monde l'été dernier. Ca m'a donné de la confiance. Et puis, le club est ambitieux. De l'extérieur, je comprends que les gens soient un peu sceptiques au début... Nous n'avons pas encore les infrastructures, le club était en deuxième division, mais à l'intérieur du groupe, on ne rigole pas du tout. On a des ambitions.»

Les propriétaires américains ont donc su trouver les mots, et les arguments, pour faire venir le Béninois en prêt et celui-ci se sent bien tant en ville d'Yverdon que dans le vestiaire. «On parle toutes les langues! Tu peux entendre du français, de l'anglais, de l'espagnol, du portugais... Moi, je parle quatre ou cinq langues, ça me plaît. L'ambiance est excellente dans le groupe et on se connaît désormais bien mieux que l'été dernier, c'est normal. Il y a tellement de joueurs qui sont arrivés, tu ne peux pas créer une osmose en deux semaines.» 

Oui, l'équipe a eu un problème collectif en novembre et décembre

Les observateurs ont cru que cette ambiance si particulière et cet état d'esprit d'unité s'étaient évaporés en fin d'année dernière lorsqu'Yverdon a sombré face à Lugano et Saint-Gall notamment. «Oui, je ne peux pas dire que c'est faux. On avait perdu notre esprit en fin de premier tour, mais avec le recul, je trouve que c'est logique. Les très grands clubs c'est quoi? Ceux qui font preuve de constance au haut niveau. Yverdon n'en est pas là aujourd'hui. On veut progresser, on veut monter au classement, mais c'est normal d'avoir un creux quand tu es néo-promu et que tu construis une équipe. Mais aujourd'hui, on est là et bien là.»

Sur le terrain aussi, les automatismes sont meilleurs. «On se connaît mieux, c'est indéniable. Tu sais que tu joues différemment si l'avant-centre est Aimen Mahious ou Kevin Carlos, les appels ne sont pas les mêmes, donc tes passes vers lui non plus. Au milieu, tu sais qui est à l'aise pour jouer d'une certaine manière ou non», explique Mohamed Tijani, que l'on a vu ne pas s'embarrasser de trop de «petit jeu» face à Zurich dimanche dernier. S'agit-il d'une nouvelle consigne, de ne pas prendre trop de risques?

Jouer c'est bien, mais déblayer ça marche aussi

«Disons que c'était important de ne pas prendre de but! C'est vrai que j'ai déblayé deux fois de suite, comme on dit, mais même si Zurich n'était pas très bien, je me disais surtout qu'on devait protéger la maison. J'essaie d'inculquer ça. Je ne me prends pas pour le patron de la défense, mais pour un joueur qui a déjà une petite expérience et qui peut la mettre au service du groupe. On veut jouer, d'accord, mais on doit aussi être efficaces. Et quand ça ne va pas, qu'il y a danger, mettre un grand ballon devant et gagner des mètres, c'est aussi du football. Il y a des matches où on peut essayer de ressortir proprement et d'autres, comme à Servette, où on est dominés par un adversaire de très bon niveau et où on doit défendre en bloc et être costauds dans les duels. On doit savoir s'adapter», répond le Béninois, qui sait également casser des lignes et jouer dans les pieds.

«Il ne faut pas oublier que j'ai joué en Espagne avant de partir en Tchéquie. Même si mon style de jeu est plutôt physique, je sais également manier le ballon», sourit celui qui se verrait bien jouer en Angleterre, où son gabarit et son style de jeu pourraient faire merveille.

Son seul but de la saison, ô combien important, Mohamed Tijani l'a inscrit lors de la victoire 2-1 face à Stade-Lausanne-Ouchy en décembre.
Photo: Claudio de Capitani/freshfocus

Mais pour l'instant, c'est à Yverdon que s'écrit son histoire et, à 26 ans, il a encore le droit de faire de la Coupe d'Europe ou d'un grand championnat un objectif réaliste, surtout s'il continue à enchaîner les belles performances. Tiens, d'ailleurs, trouve-t-il le championnat de Suisse supérieur à celui de Tchéquie. Son ancienne équipe, le Slavia, vient de dominer outrageusement Servette sur deux matches et, selon lui, ce n'est pas un hasard.

«Mais les championnats sont différents, vraiment. En Tchéquie, ça court beaucoup plus. En Suisse, ça joue un peu plus au ballon. Je ne cache pas que j'ai eu besoin de quelques semaines pour m'adapter à ce nouveau style. J'avais passé plus de quatre ans en Tchéquie, où il y a des duels, où ça court dans tous les sens... Pour l'anecdote, un des mes entraîneurs demandait à tous ses défenseurs centraux de courir onze ou douze kilomètres par match, c'était une consigne absurde, mais ça montre bien ce qu'on te demande là-bas», explique celui qui comprend et parle désormais convenablement la langue du pays de Karel Poborsky.

«Dans le football, tu ne peux pas te cacher»

Après sa (très courte) période d'adaptation au football suisse, voilà le géant béninois désormais bien installé au coeur de la défense yverdonnoise, y compris au sein d'un vestiaire où les «anciens» restants ont accueilli positivement les nouveaux.

«Il y a eu beaucoup de changements et ce n'est pas toujours simple à accepter. Mais je crois que ceux qui sont là depuis plus longtemps ont compris qu'ils avaient besoin de nous, les nouveaux. Ne pas jouer n'est jamais agréable, mais si je prends le cas d'un gars comme Kevin Martin, c'est un super mec, un grand professionnel. Il donne tout, il encourage ses copains et c'est cette mentalité là qui me fait vous dire que ce vestiaire est sain. Et de toute façon, dans le football, tu ne peux pas te cacher. Quand il y a un souci, ça se voit dans les performances, comme je vous l'ai dit par rapport à la fin de l'année dernière. Là, on est bien et ça se voit aussi dans nos derniers résultats.»

Au point de faire du top 6 un objectif raisonnable? «Oui. Je suis persuadé qu'on va le faire. Attention, je ne dis pas que ça va être facile. Je connais la valeur des autres équipes, mais je connais aussi la nôtre. L'ambition est là. Et on se met la pression dans le vestiaire pour ce top 6.» Les dirigeants la mettent-ils aussi? «Oui. Et c'est normal. Ils sont ambitieux, ils ont investi dans cette équipe. La pression est partout et c'est juste.»

Ressent-il encore une part de tristesse à la suite du départ de Marco Schällibaum? «Nous avons notre part de responsabilité dans son départ, nous les joueurs. Nous avons perdu ce match de Coupe à Rapperswil, par exemple, et nous sommes reconnaissants envers lui pour ce qu'il nous a apporté. Nous avons un nouvel entraîneur, excellent lui aussi, et nous avançons ainsi.»

Qui va gagner la CAN? La Côte d'Ivoire!

Avant de se quitter, il est temps de parler de l'Afrique, bien sûr, et de cette CAN qui va connaître son épilogue avec la grande finale entre le Nigéria et la Côte d'Ivoire. Alors, quel est le favori de Mohamed Tijani? La réponse fuse: «La Côte d'Ivoire, obligé.» Le Bénin est pourtant frontalier du Nigéria, mais le défenseur a grandi en Côte d'Ivoire et y a gardé de nombreux contacts. Surtout, l'esprit qui anime les Eléphants fera la différence, selon lui. «Ils sont revenus de nulle part, ils sont en mission. La Coupe est pour eux», assure celui qui connaît bien Oumar Diakité, Odolon Kossounou et Franck Kessié notamment. «Je ne leur veux que du bien et je suis à fond pour eux.»

Le Bénin et Mohamed Tijani à la Coupe du monde 2026? Difficile, mais...

S'i a grandi en Côte d'Ivoire, le pays où il a été élevé et a appris le métier de footballeur avant de partir en Espagne, Mohamed Tijani a la nationalité sportive béninoise et défend fièrement les couleurs des Ecureuils. Y a-t-il une chance de le voir participer à la prochaine Coupe du monde? Là aussi, la réponse fuse. «Oui. Mais ce sera très dur, car notre groupe de qualifications comprend de très grandes équipes.» Le Nigéria et l'Afrique du Sud sont en effet les deux immenses favoris, tandis que le Zimbabwe, le Rwanda et le Lesotho semblent largement à la portée du Bénin, qui a débuté par une courte défaite en Afrique du Sud (2-1) et un nul au Lesotho (0-0). Tout est donc encore ouvert. «Nous y croyons et notre sélectionneur Gernot Rohr, un homme qui connaît très bien le football de haut niveau, aussi. Il est très ambitieux et je pense qu'ensemble, nous avons les qualités pour y arriver et le droit d'y croire.»

Credit Suisse Super League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
FC Zurich
FC Zurich
14
7
26
2
FC Bâle
FC Bâle
14
20
25
3
FC Lugano
FC Lugano
14
6
25
4
Servette FC
Servette FC
14
2
25
5
FC Lucerne
FC Lucerne
14
4
22
6
FC St-Gall
FC St-Gall
14
6
20
7
FC Lausanne-Sport
FC Lausanne-Sport
14
2
20
8
FC Sion
FC Sion
14
0
17
9
Young Boys
Young Boys
14
-5
16
10
Yverdon Sport FC
Yverdon Sport FC
14
-10
15
11
FC Winterthour
FC Winterthour
14
-21
11
12
Grasshopper Club Zurich
Grasshopper Club Zurich
14
-11
9
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