Revenu cet hiver en Suisse, à Yverdon, Paolo Tramezzani peut désormais assurer une conférence de presse en français, ce qui ne manque pas de le faire sourire. «C’est le chef de presse qui est content surtout!», rigole le bouillant Italien, très heureux de son début d’aventure à Yverdon. «Je fais 45 minutes de cours de français par jour, tôt le matin dans la voiture quand le cerveau est encore frais. Ca rentre!», indique le technicien, avec une pointe de fierté. Alors que l’entraînement de jeudi est déjà prêt et que les joueurs arrivent pour le petit-déjeuner, le Mister s’est posé le temps d’un espresso avec Blick pour parler un peu de son actualité et de celle d’YS, qui sort d’une défaite injuste à Zurich et qui attend Lucerne, dimanche à 16h30 au Stade municipal.
Mister, quel est ton état d'esprit après deux mois à Yverdon?
Je suis heureux à bien des égards et pour bien des choses. Ce qui me rend heureux, c’est de voir que l’équipe travaille bien pendant la semaine, qu’elle ne se ménage pas, qu’elle veut s’améliorer. Ce sont des aspects importants. Et je l’ai vu aussi pendant les matches. Si j’enlève les deux défaites en trois jours contre YB et Lausanne, nous avons fait jeu égal avec notre adversaire durant tous les autres matches, face à tous les adversaires.
Et ce qui ne te plaît pas?
Aujourd’hui, nous sommes à la recherche de la prochaine étape, celle dont je pense nous avons besoin: avoir plus de continuité dans les résultats. Mieux lire les situations pendant les matches, comme samedi dernier à Zurich.
Il y a eu un moment étonnant quand tu as signé. Le président Jeffrey Saunders a dit que l’objectif n’était pas le maintien, mais de faire mieux que la saison dernière… La mentalité du club est ambitieuse, ils ne veulent pas des positions 10, 11 ou 12… Mais tu dis qu’Yverdon a besoin de temps, non?
Ce n’est pas moi qui le dit, c’est l’histoire du club qui le dit! Nous sommes dans un championnat où il y a des clubs importants, des clubs structurés, des clubs qui ont une grande tradition. Nous jouons dans une ligue où nous sommes un peu plus petits que les autres. Bâle, Zurich, Saint-Gall, Lucerne, Grasshoppers… Je ne vais pas tous les citer! Mais être un peu plus petit ne veut pas dire que nous ne voulons pas bien faire les choses et que nous n’avons pas d’ambition. Mais je vais te répondre très précisément: pour Yverdon, rester deux ans en Super League, c’est déjà un objectif important. Je te pose la question, tu connais l’histoire de ce club: est-ce déjà arrivé?
Non, jamais. Le seul maintien en Super League, avant celui de la saison dernière, l’entraîneur était Lucien Favre. Et YS a coulé l’année suivante avec Philippe Perret.
Voilà. Nous parlons donc de quelque chose qui serait historique, ce qui fait comprendre à tout le monde à quel point il est important de nous sauver aujourd’hui. Il est clair que ce sont des discussions que l’on peut aborder en fin de saison si les choses se passent bien pour éventuellement grandir, faire un pas en avant, atteindre d’autres objectifs. Cela prend du temps, et cela ne m’est jamais arrivé dans ma vie de footballeur, aussi bien en tant que joueur qu’en tant qu’entraîneur, de faire des pas de géant. Je ne pense pas que ce soit impossible, j’aime l’idée que ce club soit ambitieux, mais je sais aussi que pour bien faire les choses, il faut du temps, les bonnes personnes, les moyens financiers pour rivaliser avec ceux qui sont devant vous. Une maison se construit depuis les fondations. Il y a quelque chose sous le rez-de-chaussée!
Ce qui veut dire?
Les gens ne voient que le résultat fini. Mais quand vous construisez une maison, vous créez les fondations, vous allez sous terre et ça, personne ne le voit. En football, c’est comme ça aussi: tu veux être meilleur sur le terrain? Commence par les fondations.
Que penses-tu de ton image?
Comment ça?
Quand on parle de Paolo Tramezzani, on dit qu’il est dur, qu’il a du caractère, qu’il apporte de l’énergie à l’équipe. C’est d’ailleurs ce qu’a dit en premier Jeffrey Saunders pour parler de ton engagement cet hiver. Tu n’en a pas marre d’être toujours ramené à ça? J’imagine que tu aimerais bien qu’on parle de tes qualités de tacticien aussi…
Déjà, je suis content que mon caractère soit perçu d’une manière positive (rires)! Je sais très bien ce que je vaux comme entraîneur. Je sais ce que j’ai apporté à l’Albanie, avec la qualification à l’Euro, la première dans l’histoire. J’ai amené Lugano en Europe, gagné le championnat et la Coupe avec l’APOEL Nicosie, j’ai sauvé Sion deux fois sur trois, j’ai amené l’Hajduk Split en Europe dans une situation compliquée. A Istra aussi, je suis fier de ce que j’ai fait. Tout ça, ce n’est pas uniquement à cause de mon caractère…
Mais justement, tu ne voudrais pas que ton image évolue?
Cela ne me dérange pas. Même lorsque je jouais, c’était comme ça. On disait que j’avais du caractère, de la personnalité, du cran. C’est probablement la première chose que les gens voient, mais c’est quelque chose que j’aime, parce que c’est quelque chose que je demande à mon équipe.
Une de tes grandes qualités, c’est que tu protèges toujours ton équipe. Tu sembles imperméable aux influences extérieures. C’est juste?
Oui et non. J’écoute beaucoup. J’aime échanger, je parle avec les gens. Tu vois, ici, on est au restaurant du stade, et il m’arrive de parler de l'équipe avec les gens que je croise. J’aime bien ça, même. Mais il est clair que je ne me laisse pas influencer. Pour une seule raison.
Laquelle?
Tous les gens avec qui tu parles, ils ne savent pas tout. Je sais comment je fais mon travail, à quel point il me tient à coeur. Je ne lis pas les journaux, parce que tu peux être le meilleur journaliste ou le moins bon, de toute façon tu ne sauras pas exactement ce qui se passe dans l’équipe. Tu sais, moi aussi, j’ai une carte de journaliste officielle…
Vraiment?
Oui, j’ai aussi fait ce métier, j’ai écrit pour des journaux, des magazines, j’ai travaillé à la télévision, à la RAI, à Sky...
Oui, je me rappelle, mais tu étais consultant, pas journaliste, si?
Si si! J’ai débuté comme consultant après ma carrière de joueur, c’est vrai, mais j’ai étudié et j’ai ma carte officielle de journaliste, je t’assure! Donc ne pas lire les journaux, ne pas avoir de réseaux sociaux, ne pas suivre les débats, ce n’est pas un manque de respect envers ta profession, c’est juste que je n’ai pas besoin d’entendre ce qui se passe en dehors du groupe. Rien ne peut m’influencer.
Parlons de communication, alors. Tu as une pris une décision forte, en mettant Boris Cespedes en tribunes et sur le banc. Quand on t’a posé la question en conférence de presse, tu as été très bref. Tu as dit: «C’est ma décision, basta».
Oui. Je pense que j’ai répondu. J’ai clarifié les choses, j’ai dit que la décision m’appartenait.
Il n'y a pas que les journalistes qui veulent des détails, il y a les supporters aussi.
Non, pas dans ce cas précis. J’ai décidé comme ça. Je connais mes joueurs. Je vois quelle est leur situation, comment ils s’entraînent, comment il se préparent. Tant qu’ils sont mes joueurs, ils vivent sous ma protection. Le groupe, c’est l’équipe, le staff et moi. C’est sacré. Jamais dans ma carrière je n’ai livré un joueur aux journalistes ou aux fans. Je ne pense pas que vous allez trouver un exemple. Tout ce qu’il y a à clarifier, à discuter, c’est entre lui et moi. Je ne dis rien à l’extérieur.
Mais lui, il sait ce qu’il doit faire pour revenir dans l’équipe?
Il le sait très bien. Il sait tout. Jusqu’au moindre détail.
Tu n’as pas peur de prendre une décision impopulaire?
L’équipe passe avant moi et avant n’importe quel joueur. Donc non.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui te faire dire qu’YS terminera devant GC et Winterthour?
Je sais que ce championnat est difficile. En haut et en bas. On va se battre jusqu’au bout. Mais ce qui me rend calme et serein, c’est de voir comment l’équipe s’entraîne. Elle peut grandir en confiance, en conviction. Les matches décisifs vont arriver. Et il n'y en aura pas qu'un… C’est une période où nous devrons certainement donner le meilleur de nous-mêmes. Et je vais même te faire une confidence: je suis encore plus confiant maintenant que quand je suis arrivé.
Tu sais que tu as fait les gros titres des journaux alémaniques cette semaine?
Non, pas du tout. Pourquoi?
Parce que tu as dit qu’Antonio Marchesano, c’était Roberto Baggio à Yverdon!
Ah! Oui, je le pense vraiment. Tu sais, Roberto Baggio pour moi, c’est le top! Antonio le sait, je lui l’ai dit aussi. Je vois l’importance qu’il a dans l’équipe et je la mesure totalement. Je ne regarde pas seulement les chiffres, mais à quel point l’équipe profite de sa présence sur le terrain. Et surtout je vois l’envie qu’il a à l’entraînement, l’engagement qu’il met, à quel point il se sent concerné. Il est exemplaire. Et le plus fort de tout: il est très humble. Cela m’a beaucoup impressionné et cela a également impressionné ses coéquipiers.
Tu le places où en Super League?
Tout en haut. Comme comparaison, il me vient à l’esprit Mattia Bottani, le genre de joueur qui peut faire la différence dans une équipe. Et maintenant que je le côtoie au quotidien, j’apprécie vraiment les valeurs humaines qu’il dégage.
Le gros point noir d’Yverdon, ça reste l’offensive… D’accord, vous en avez passé trois à Winterthour. Mais samedi dernier à Zurich, avec un peu plus de réalisme, vous auriez gagné.
Comme je l’ai dit directement après le match, le point positif est que nous sommes arrivés à plusieurs reprises devant le but de Zurich. C’est un premier pas. Le moment viendra où nous marquerons et je suis convaincu que tout peut venir par le travail, l’entraînement, l’entraînement spécifique. Mais attention, les attaquants ne doivent pas vivre uniquement pour le but, car s’ils ne marquent pas pendant deux, trois ou quatre matches, le monde s’écroule s’ils ne savent pas faire autre chose. Ce n’est pas une question de qualité: nous avons de très bons joueurs offensifs qui vont bientôt nous permettre de faire tourner les matches en notre faveur.
Ma dernière question: pourquoi aimes-tu tant les Balkans? Tu es très apprécié en Albanie, à Lugano tu as fait émerger Armando Sadiku et Ezgjan Alioski, à Sion tu étais particulièrement proche de Pajtim Kasami et Ermir Lenjani… J’ai l’impression que tu te retrouves dans cette mentalité.
Totalement. J’ai passé cinq années merveilleuses en Albanie, j’ai eu beaucoup de plaisir. Et dans ma carrière, j’ai dirigé plusieurs joueurs serbes, slovènes, croates… Je suis resté deux ans en Croatie. C’est probablement la mentalité, le caractère, les fortes personnalités qui vous conduisent parfois à des affrontements. Mais de ces affrontements naît quelque chose qui vous unit. Donc oui, je pense que c'est juste de dire que j'apprécie la mentalité des Balkans et que je m'y retrouve.
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | Servette FC | 29 | 10 | 51 | |
2 | FC Bâle | 29 | 28 | 49 | |
3 | FC Lucerne | 29 | 8 | 47 | |
4 | Young Boys | 29 | 10 | 46 | |
5 | FC Lugano | 29 | 3 | 45 | |
6 | FC Zurich | 29 | 1 | 45 | |
7 | FC Lausanne-Sport | 29 | 5 | 40 | |
8 | FC St-Gall | 29 | 1 | 39 | |
9 | FC Sion | 29 | -6 | 35 | |
10 | Yverdon Sport FC | 29 | -16 | 32 | |
11 | Grasshopper Club Zurich | 29 | -12 | 27 | |
12 | FC Winterthour | 29 | -32 | 20 |