Un derby du Rhône en Super League! Ce choc toujours très attendu n’a pas eu lieu depuis le 13 mai 2023. Ce jour-là, le FC Sion s’était littéralement fait gifler par son grand rival romand du Servette FC (5-0) au Stade de Genève. La suite, c’est de l’histoire dont l’encre vient à peine de sécher. Les Valaisans ont sombré en Challenge League avant de revenir dans l’élite pour le début de la présente saison, pendant que les joueurs du bout du lac ont ajouté une Coupe de Suisse à leur palmarès, ainsi qu’une épopée européenne qui leur aura permis d’endosser un nouveau costume: celui de candidat au titre.
Mais ce samedi, dans ce même stade de la Praille, le totomat affichera 0-0 et seul comptera le résultat final de ce rendez-vous mythique, que les supporters ont hâte de retrouver. Preuve de l'engouement populaire, le club grenat avait déjà vendu 11'000 billets pour la rencontre en début de semaine.
L’occasion pour Blick de se plonger dans l’atmosphère si particulière de ces rencontres, à travers le regard de trois anciens joueurs. Eddy Barea, Fernand Luisier et Franco Cucinotta racontent les derbys du Rhône de leur époque.
Eddy Barea: «Les fans du HC Martigny criaient 'allez Servette'!»
Pour Eddy Barea, qui a porté le maillot grenat de 1987 à 1999 puis lors de la saison 2006-2007, le derby du Rhône «était LE derby romand». «A d’autres époques, c’était Lausanne, mais le LS jouait moins les premiers rôles de mon temps. Il y avait une réelle rivalité, même une hostilité puisque les fans se détestaient. L’ambiance était vraiment particulière», se souvient le défenseur central. Sur le terrain en revanche, de nombreuses amitiés se sont nouées. «On se connaissait bien entre joueurs et il y avait aussi des amitiés fortes. Sauf dès le coup d’envoi évidemment, où là c’était la guerre des tranchées. Je suis toujours ami avec des joueurs qui ont d'ailleurs joué des deux côtés comme Sébastien Fournier ou Alexandre Rey pour ne citer qu'eux.»
Si l'homme se souvient avoir souvent dominé le FC Sion en championnat, c'était une autre histoire en Coupe. «C’était une autre équipe, des morts de faim. L’effet Coupe de Suisse sur le FC Sion n’était vraiment pas une légende.»
À titre personnel, celui qui portera aussi les couleur de Xamax se souvient d'un match à Genève et d'un autre à Tourbillon où les noms d'oiseaux fusaient: «Aux Charmilles, il y avait de superbes tifos et je me souviens surtout du traitement réservé à Stefan Lehmann, gardien du FC Sion, par le public genevois. Les supporters l'avaient vraiment pris en grippe. À Tourbillon, je me rappelle avoir effectué un tacle appuyé sur Luiz Milton. L’arbitre avait sifflé faute, mais j’ai été hué par tout le stade pendant tout le match. Mais j’aimais jouer là-bas, j’aimais cette intensité. Une fois les fourmis dans les jambes passées, on voulait faire autorité, c'était en quelque sorte le classement dans le classement.»
Eddy Barea se remémore aussi que Servette avait son lot de partisans jusqu'en Valais: «C'est un club qui, je crois, est suivi dans toute la Suisse romande. J’ai une anecdote à ce sujet pour le prouver: lorsque je jouais à Xamax, nous avions fait un week-end d’équipe à Crans-Montana. Un soir, nous sommes descendus à Sierre pour regarder un match de hockey entre le HC Sierre et Martigny. Les fans des deux équipes s’échangeaient des politesses et, je ne sais pas si certains ont vu qu’il y avait des joueurs de foot dans la patinoire, toujours est-il que les supporters de Sierre ont entonné des 'Hop Sion', ce à quoi ceux de Martigny ont répondu 'Allez Servette'! Je pense que c’est un club qui a pas mal de soutien, notamment dans le Chablais valaisan. Beaucoup de Valaisans ont joué là-bas et le club est aussi apprécié que détesté.»
Ce samedi, Eddy Barea voit volontiers son ancienne équipe s'imposer: «Servette sera difficile à manoeuvrer, je dis 3-0!»
Fernand Luisier: «La rivalité nous réunissait!»
Fernand Luisier n'a connu qu'un club: le FC Sion. Il y a joué de 1968 à 1984, décrochant au passage trois Coupes de Suisse (1974, 1980 et 1982). Il se souvient: «Les matches contre Servette étaient toujours attractifs, avec un bon football. Il y avait une grande rivalité, mais cela était plutôt sain.» Cela étonnera peut-être les supporters, mais l'amitié entre les joueurs vient immédiatement à l'esprit du Valaisan: «J’ai côtoyé beaucoup de joueurs de Servette qui sont devenus des amis par la suite. Cette rivalité nous réunissait en quelque sorte.»
La légende valaisanne le reconnait: «A Tourbillon ça allait, on gagnait nos matches. Mais ça a toujours été difficile là-bas, à Genève. Ils étaient toujours très motivés et ils avaient une meilleure équipe. Je me souviens d’une fois où nous gagnions 2-0 à la mi-temps. Nous étions contents de constater que l’on prenait peut-être le chemin d’un bon résultat contre eux. Mais en deuxième mi-temps, ils ont fait rentrer Bernd Dörfel (ndlr: international allemand ayant joué de 1970-1972 à Servette) et Jürgen Sundermann (ndlr: la légende du VfB Stuttgart, décédée en 2022, est devenue ensuite entraîneur de Servette en 1972), deux joueurs qui étaient très bons. Ils sont arrivés et on n'a plus vu le ballon. Je crois que nous avions finalement perdu 3-4, on a été dépassés, ils venaient comme des avions.»
Fernand Luisier considère aussi que les liens entre Genève et le Valais sont indéniables: «Il y avait déjà beaucoup de Valaisans qui bossaient à Genève de mon temps. Alors quand on allait là-bas, ils étaient toujours très contents de nous voir et c’était peut-être un événement davantage marqué qu’aujourd’hui, car les gens avaient moins l'habitude de se déplacer.»
L'ancien attaquant, devenu vigneron-encaveur après sa carrière, ose le dire (pas trop fort): «J’aurais bien aimé jouer à Servette, je dois dire. Ils avaient à la fois des individualités et le collectif qui suivait.» Des qualités que possède le FC Sion version 2024, selon lui: «Contrairement à nous, le FC Sion d’aujourd’hui voyage bien. Cette saison, je sens l'équipe en forme. Elle peut justement s’appuyer sur des individualités et sur le collectif. Ils jouent physique, ils sont bien en place, ils font plaisir! Didier Tholot fait du bon boulot.» L'homme sera présent à la Praille ce samedi et donne son pronostic: «Pour moi, ce sera du 50/50.»
Franco Cucinotta: «Le Valaisan est plus chauvin que le Servettien»
Le joueur italien Franco Cucinotta a vécu les différents derbys romands de tous les côtés. D'abord joueur du Lausanne-Sport entre 1970 et 1974, il rejoint ensuite Sion de 74 à 76, atteint son apogée à Zurich (où il sera meilleur buteur de C1), passe par Chiasso, avant de rejoindre Servette de 1979 à 1981 et de revenir à Sion de 81 à 83. De quoi, là encore, nouer de grandes amitiés. «Dans un derby du Rhône, il me semble que la rivalité est plutôt saine, contrairement à des derbys anglais où l’hostilité est parfois viscérale. J’ai aussi joué à Lausanne dans ma carrière et je pense que la rivalité était plus grande entre Servette et le LS à mon époque.»
C'est bien connu, un derby ne se joue pas, mais se gagne... et ce n'est pas toujours dans l'intérêt du spectacle: «Sur le terrain, c’était toujours des matches très fermés parce qu’il fallait surtout ne pas perdre.» Pas de quoi empêcher l'ancien Sédunois de ressentir les frissons jusque sur le terrain: «Quand je jouais avec Sion aux Charmilles, dans ce stade à l’anglaise, les supporters valaisans étaient présents en nombre et ils étaient très proches de nous. On sentait cette ferveur intense et le rapprochement avec le public. Les gens se battaient pour avoir des billets!»
Lorsqu'on lui demande un fait d'armes qu'il pourrait nous raconter, le buteur se souvient: «C'était lors d’une demi-finale de Coupe de Suisse à Tourbillon, contre Servette. Je venais d’être transféré en Valais. Nous l’avions remporté 3-2 et j’avais mis deux buts à Erich Burgener en face, qui est devenu un ami. J’avais mis un but depuis 25 mètres et on en rit encore aujourd’hui. Il me dit que j’ai eu de la chance et que je n'ai pas fait exprès... Ce qui est vrai!» rigole-t-il. «Mais toujours est-il que nous avons ensuite décroché la coupe face à Bâle.»
En jouant à la fois pour Sion et pour Servette, Franco Cucinotta n'a pas toujours été bien perçu: «À l’époque, passer d’un club à l’autre ne se faisait pas aussi facilement qu’aujourd’hui, encore moins quand il s’agissait de deux rivaux. Les tractations étaient plus difficiles, avant que le règlement change en faveur d’un libre passage plus facile pour les joueurs. C’était difficile entre les clubs, il y avait beaucoup de rivalité et logiquement, personne ne voulait laisser filer ses joueurs. Les Valaisans n’étaient pas contents qu’un Sédunois partent à Servette, je pouvais le sentir clairement. Il faut dire que le Valaisan est plus chauvin que le Servettien», se marre l'ancien meilleur buteur du championnat. Un statut qui lui a peut-être fait sentir davantage les railleries des deux camps. «Mais ce n'était pas la guerre non plus, je garde des très bons souvenirs de ces derbys.»
D'autres instants lui reviendront probablement en tête lorsqu'il se rendra à la Praille ce samedi. Qui supportera-t-il? Il avoue être pris «entre le marteau et l'enclume». «Malgré le temps passé à Sion, j'ai quand même fait partie d'une grande équipe à Servette, qui raflait tout sur son passage, avec des Barberis ou des Valentini», rappelle-t-il.
Seul bémol, Franco Cucinotta regrette que le football moderne soit autant axé sur la tactique désormais. «Certains anciens n’aiment d’ailleurs plus trop aller au match. A notre époque, on jouait plus ouvert, il y avait plus de spectacle.» Mais le derby du Rhône entre ses deux anciens clubs le passionne toujours: «Si je pense à la dernière saison réalisée par Servette, c’est du 60/40 en leur faveur d’après moi pour samedi.» Place au jeu donc.
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | FC Zurich | 14 | 7 | 26 | |
2 | FC Bâle | 14 | 20 | 25 | |
3 | FC Lugano | 14 | 6 | 25 | |
4 | Servette FC | 14 | 2 | 25 | |
5 | FC Lucerne | 14 | 4 | 22 | |
6 | FC St-Gall | 14 | 6 | 20 | |
7 | FC Lausanne-Sport | 14 | 2 | 20 | |
8 | FC Sion | 14 | 0 | 17 | |
9 | Young Boys | 14 | -5 | 16 | |
10 | Yverdon Sport FC | 14 | -10 | 15 | |
11 | FC Winterthour | 14 | -21 | 11 | |
12 | Grasshopper Club Zurich | 14 | -11 | 9 |