Le derby du Lac dimanche
Kevin Mouanga: «Tu es tout seul, c'est ton avenir et toi»

Le grand défenseur central Kevin Mouanga, arrivé cet été au LS, est sorti du onze et y est revenu... en tant que latéral droit. Dimanche, s'il joue, il passera un grand test contre le Servette FC d'un certain Dereck Kutesa! Entretien avec un jeune homme ambitieux.
Publié: 02.11.2024 à 11:54 heures
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Dernière mise à jour: 02.11.2024 à 11:57 heures
Kevin Mouanga, buteur contre Grasshopper, félicité par Noë Dussenne.
Photo: keystone-sda.ch
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Après avoir disputé les quatre premiers matches comme titulaire en défense centrale, Kevin Mouanga a fait les frais des douze buts encaissés durant cette période: exit du onze de base! Découragé, le Français de 24 ans, alors que Karim Sow enchaînait les bonnes prestations à côté de Noë Dussenne et que le LS se remettait à gagner? Pas le moins du monde. Il a assumé, s'est remis en question et a remis la nez dans l'équipe au poste de... latéral droit, profitant de la blessure de Raoul Giger. L'occasion était donc belle d'échanger avec celui qui a quitté Annecy cet été pour venir à Lausanne et ambitionne de découvrir l'équipe nationale du Congo-Brazzaville, dont il n'est plus très loin.

Entretien à la Tuilière, à quelques jours du derby lémanique face à Servette (dimanche à 14h15). S'il débute en tant que latéral droit, ce sera sans doute face à Dereck Kutesa. S'il passe ce test-là, il sera bon pour le service face à tout le monde en Super League...

Un latéral d'1m91, c'est assez atypique, non?
Oui (rires). Mais j'aime bien! Je peux apporter offensivement, tout en étant rigoureux défensivement bien sûr, ce qui est la priorité. Latéral c'est différent, c'est une nouvelle expérience, j'aime bien. Et comme j'ai des joueurs qui jouent assez bien au ballon autour de moi, je peux combiner, jouer avec eux. Franchement, latéral c'est pas mal, j'aime bien!

Tu ne te sens pas déclassé, même si le mot est peut-être un peu fort? A la base, tu es venu comme défenseur central...
C'est le jeu. J'ai fait des mauvaises prestations à un moment, j'avais des petites gênes, je n'étais pas à 100%. Et Karim a fait des bons matches avec Noë. Mais moi, tant que tu me mets sur le terrain, au final, je suis content. Après, bien sûr que je préférerais jouer à mon poste, c'est vrai. Mais je suis sur le terrain et ça me va.

Tu as fait des mauvaises prestations, c'est vrai? Tu le juges comme ça?
Oui. J'avais des petits pépins physiques qui ont fait que je n'étais pas à 100%, et, sur des petits détails, j'ai donné des buts à l'adversaire. Je le sais. Ces buts ont conduit à ce que l'on perde des matches en début de saison, car notre attaque a toujours été performante, mais au niveau défensif on avait un peu plus de peine. On encaissait trop, tout simplement, et je ne vais pas cacher ma part de responsabilité. Le coach a fait des changements et maintenant ça marche bien. Je suis sur le terrain, on gagne, je suis content. 

Le synthétique peut-il expliquer tes petits soucis physiques?
Non, pas du tout, j'étais habitué au synthétique à Angers. Et même à Annecy, l'hiver quand il y avait la neige, on s'entraînait dessus. Non, le souci, c'est que je suis arrivé un peu blessé. Le temps de me remettre dedans physiquement en m'entraînant individuellement avec le staff pour me remettre de cette petite gêne, j'ai perdu du temps. Je n'ai eu qu'un match de préparation avant de jouer contre Bâle. Mais là c'est tout bon!

Pourquoi avoir choisi la Suisse et Lausanne?
Parce qu'il y a un beau projet. Un très beau projet même. J'ai parlé avec les dirigeants du club et je connaissais plusieurs joueurs. Quand on avait fait un match amical contre le LS avec Annecy, j'ai vu que ça jouait bien.

C'est là que tu as été repéré?
Non, non, ils me suivaient déjà avant.

Tu connaissais qui avant de signer?
Deux noms que je connaissais, c'était Antoine Bernede et Teddy Okou. Quand j'ai vu que Teddy avait signé, je ne te cache pas que je me suis dit que ça crédibilisait le projet encore plus. Je me suis vraiment dit: «Ok, ils construisent une bonne équipe.» Les dirigeants étaient ambitieux, ils m'ont parlé du top 6, ça m'a plu. Et comme moi aussi je suis un joueur ambitieux, j'ai dit oui.

Photo: keystone-sda.ch

Et là, tu as découvert, en plus des deux joueurs dont tu me parles, un phénomène nommé Alvyn Sanches...
J'ai découvert beaucoup de joueurs, attention! Alvyn, bien sûr, mais il y a Jamie Roche aussi. Konrad de la Fuente, Koba Koindredi, Alban Ajdini, Kaly Sène... Je ne vais pas tous les citer, mais je pourrais! Il y a beaucoup de joueurs qui m'impressionnent, je t'assure.

J'insiste sur Alvyn Sanches. Toi qui connaît la France, il peut jouer en Ligue 1, dans une équipe de pointe?
Mais sans hésiter un seul instant! Et je vais te dire pourquoi: ce n'est pas à cause de son talent.

Ah non?
Il en faut et il en a. Mais il a truc en plus: il est travailleur. Ce n'est pas lui qui va s'économiser sur le terrain et faire la star parce qu'il sait qu'il est sous les feux des projecteurs. C'est un joueur qui va toujours tout donner pour l'équipe et que tous ses coéquipiers apprécient. Je pense que beaucoup d'autres équipes aimeraient bien l'avoir aussi. C'est un jeune joueur, mais à très haut niveau, tout le monde sait qui il est, tout le monde voit les matches comme moi. Si tout se passe bien, si Dieu le veut, il ira loin.

De l'extérieur, on a le sentiment d'un vestiaire du LS très soudé. On a l'impression que ça fonctionne bien. Tu le sens comment toi?
Mais c'est notre force principale! Je vais te confier un truc: au début, on se demandait même comment ça se faisait qu'en dehors du terrain ça marchait tellement bien, que tout le monde s'entendait aussi bien, qu'il y ait une aussi bonne ambiance et que sur le terrain on soit aussi irréguliers.

Et alors, la réponse?
Ben justement, un mystère! Là, on arrive combiner les deux. En dehors du terrain, c'est top. Et sur le terrain, c'est pas trop mal... Donc, ce que tu ressens de l'extérieur, on le vit pleinement. On a des jeunes à l'écoute, des anciens qui veulent transmettre.

Je vais te dire ce que j'ai ressenti lors de ton premier match de championnat contre Bâle. Je me suis dit: «Lui, il est costaud. Il est bon dans les duels». Mais...
Mais?

Mais je me suis dit: «Techniquement, il faut le revoir, il y a une marge de progression encore.»
Je vais te dire: moi, j'aime bien jouer au ballon, même si on va dire que je ne suis pas le plus technique de tous. J'essaie de m'appliquer, j'aime bien ressortir les ballons proprement. J'aime bien les une-deux, j'aime le petit jeu... J'aime le beau football, quoi!

Photo: Pascal Muller/freshfocus

Tu as toujours joué derrière?
Lors de ma formation j'étais milieu. Et quand j'étais petit à Paris, je jouais attaquant. Comme tous les enfants, on veut tous jouer devant à cet âge-là (rires).

Comment ça s'est passé quand tu étais gamin justement? Tu t'es fait repérer tôt?
Oui, en fait avec mon club parisien, on a fait un match amical contre Angers. Je suis revenu deux ou trois fois pour faire des essais et j'ai été pris. J'avais 14 ans. Mais comme ils n'avaient pas de centre de formation à ce moment, j'ai dû attendre d'avoir 15 ou 16 ans.

Tu as côtoyé Jean-Pierre Nsamé, d'ailleurs?
Oui, au début. J'ai joué un petit peu avec lui avec la réserve. Mais j'étais vraiment jeune à ce moment-là.

Angers, ce n'est pas loin de Paris. Mais c'est quand même ailleurs... Tu as bien vécu cet éloignement de la maison?
Oui, franchement ça va. Je suis un gars qui s'adapte bien à son environnement. On était plusieurs Parisiens. Pendant les vacances, on rentrait tous ensemble, on était une petite famille. 

Tu aurais fait quoi si tu n'avais pas percé dans le football?
Je me pose souvent la question et la seule réponse c'est que j'aurais fait footballeur quand même (rires).

Je vais te dire, ça me passionne ces parcours de vie... Tu pars à Angers à 15 ans, tu consacres tout pour le foot. Tu ressens la pression de réussir à cet âge-là? Tu es conscient que tu es en train de tout sacrifier pour ça? Ou ça te passe au dessus?
Au début, non. C'est quand arrivent les petites galères, les premiers problèmes du quotidien, que tu te rends compte que, ah oui, en fait, tu es tout seul. C'est toi et ton avenir. C'est là que la pression elle vient et que tu réalises. Après, ça dépend comment tu la gères, cette pression. Mais c'est vrai qu'il y a un moment, tu as le déclic, tu comprends que c'est ta vie qui est en jeu. Et tu sais, le plus dur, ce n'est pas d'aller au centre de formation...

C'est d'y rester?
Oui. Et de signer ton premier contrat pro. Là, oui, c'est la pression.

Tu as signé pro à Angers?
Oui. Au début, j'avais refusé. Mais je l'ai fait quand même.

Et après, Annecy.
Oui, ils étaient en National à l'époque et ils m'avaient repéré depuis un moment. Donc j'arrive à Annecy et la même année, on monte en Ligue 2. C'était magnifique, le destin.

Photo: Pascal Muller/freshfocus

C'était qui ton modèle quand tu étais petit?
Ronaldinho!

Direct, comme ça!
Oui. Ronaldinho, il représente le foot, la joie de vivre, le beau jeu, les dribbles. Sinon, je n'avais pas de modèle particulier, c'est venu en grandissant, j'ai commencé à avoir des joueurs références à mon poste. Mais quand j'étais petit, c'était Ronaldinho, Robinho, Balotelli... Les artistes, les attaquants!

J'aurais plutôt parié sur un Mamadou Sakho...
Non, comme je t'ai dit, c'est récemment que j'ai commencé à m'intéresser aux défenseurs, quand c'était clair que le football allait devenir mon métier.

Revenons à ce poste de latéral. Ton entraîneur Ludovic Magnin il te donne quoi comme conseils?
Il sait que des fois j'aime bien m'autoriser des petites montées, donc il me dit de ne pas m'en priver les fois où je peux. Mais il me dit aussi souvent que mon rôle principal c'est de bien défendre. Si je suis là, c'est pour défendre à la base et j'en suis bien conscient.

Vous êtes passés à côté du derby contre Servette à l'aller, mais là, sur une bonne dynamique, à la maison, vous pouvez les battre, non?
Oui. On veut et on peut finir cette semaine anglaise sur une troisième victoire. On espère que le stade sera plein, qu'il y aura une belle ambiance, que ça va nous apporter le soutien nécessaire.

Tu t'intéresses à l'histoire? Tu sais ce que ça signifie un LS-Servette?
Non, pas à fond, je ne vais pas te mentir. Mais je ne peux pas passer à côté quand même. Avant le match aller, on savait que ça montait autour de nous et le coach nous a sensibilisés, il nous en a parlé, il nous a montré des articles de journaux, il nous a dit que c'était important. On le comprend très bien.

Il vous a montré des articles de journaux, vraiment?
Oui, oui, des passages d'articles.

A Angers, il y a un derby?
Oui, Nantes, clairement! En jeunes, il y avait une certaine rivalité.

Et à Annecy, il n'y en a pas vraiment un ou je me trompe?
Si, si, il y a Grenoble, c'est le match à part dans la saison.

Bon, une dernière chose avant de se quitter... Tu viens de Bondy, tu as 24 ans...
Oui, et?

Et j'aimerais que tu te fasses l'avocat de Kylian Mbappé. Vous avez deux ans d'écart, vous venez de la même ville, tu as forcément envie de le défendre, non?
Le défendre contre qui? Pourquoi?

Je vais te donner l'acte d'accusation. Je considère qu'il s'est perdu en route, qu'il est devenu individualiste, qu'il se comporte mal et qu'il s'est éloigné de ce qui fait la beauté du football. Tu te sens de le défendre?
Mais bien sûr! Tu évoques son comportement, mais on en parle parce que c'est lui et que tout est scruté de près. Parce que c'est Kylian Mbappé, il doit être parfait? Mais aucun joueur ne l'est. Là, c'est une phase plus compliquée. Mais je lui fais confiance pour se remettre bientôt en mode Kylian 2018. Laisse-lui trois ou quatre matches, tu verras qu'il va bien s'adapter au Real. Il va faire l'unanimité. Kylian, il va toujours mettre des buts.

Tu le connais bien, d'ailleurs? Tu l'as rencontré?
Je me suis entraîné un peu avec lui quand nous étions vraiment très jeunes, avant qu'il parte à Clairefontaine. Mais je ne le connais pas personnellement aujourd'hui.

Son image auprès du grand public a quand même changé, non? Comment les gens le perçoivent-ils à Bondy?
Mais chez nous, tout le monde a une bonne image de lui, je t'assure. Evidemment, ça fait longtemps qu'il ne reste plus à Bondy, il est à un niveau de popularité trop haut. C'est logique, il ne peut pas se balader en ville comme ça... Sincèrement, mets-toi à sa place: ce qu'il vit, c'est incomparable. Mais quand je parle de lui avec mes potes à Bondy, je peux te dire que les discussions elles sont positives. Il fait des choses pur la ville, et il n'a pas forcément besoin que ça se sache. Il a le soutien des Bondynois à 100% et je ne parle de loin pas que pour moi en disant ça.

Franchement, tu es un bon avocat, bravo!
Merci (rires)! Maintenant, je préfère gagner le derby dimanche que ce débat, mais défendre Kylian, c'est obligé!


Credit Suisse Super League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
FC Zurich
FC Zurich
14
7
26
2
FC Bâle
FC Bâle
14
20
25
3
FC Lugano
FC Lugano
14
6
25
4
Servette FC
Servette FC
14
2
25
5
FC Lucerne
FC Lucerne
14
4
22
6
FC St-Gall
FC St-Gall
14
6
20
7
FC Lausanne-Sport
FC Lausanne-Sport
14
2
20
8
FC Sion
FC Sion
14
0
17
9
Young Boys
Young Boys
14
-5
16
10
Yverdon Sport FC
Yverdon Sport FC
14
-10
15
11
FC Winterthour
FC Winterthour
14
-21
11
12
Grasshopper Club Zurich
Grasshopper Club Zurich
14
-11
9
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