L'atout alémanique du LS
Raoul Giger: «Ça fait du bien aux Romands!»

Qui est le discret Raoul Giger, inlassablement présenté par le speaker de la Tuilière comme «l'Argovien du Lausanne-Sport»? Blick est allé à la rencontre du latéral droit du LS, lequel a notamment détaillé avec franchise la manière dont il gère les critiques.
Publié: 22.11.2024 à 19:48 heures
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Dernière mise à jour: 22.11.2024 à 20:18 heures
Raoul Giger, symbole de la mentalité alémanique du LS.
Photo: Pascal Muller/freshfocus
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Raoul Giger ne peut s'empêcher de sourire en regardant par la baie vitrée de la Tuilière, ce jeudi peu avant midi. L'entraînement du matin est terminé, la première interview en français de sa carrière aussi et... voilà qu'il se met à neiger sur Lausanne! «Je suis venu à vélo comme toujours, ça va être sympa les prochaines minutes», rigole le latéral droit du LS, qui habite au Mont-sur-Lausanne et apprécie venir à l'entraînement à bicyclette. «J'ai une voiture, mais j'habite tout près, c'est parfait en vélo», explique-t-il, alors qu'il venait de se livrer, pour Blick, sur sa carrière, ses envies et sa situation personnelle, lui qui, à 26 ans, arrive en fin de contrat l'été prochain au LS, un club où il est arrivé en même temps que Ludovic Magnin à l'été 2022, alors en Challenge League. L'idée de l'entraîneur du LS était d'apporter une touche de cette «mentalité alémanique», qu'il cite souvent en exemple pour faire progresser son équipe. L'occasion d'en parler avec le latéral droit argovien du LS, de retour de blessure et désormais à 100% de ses capacités, lui qui est entré à la pause à Winterthour, juste avant la trêve, et postule à une place de titulaire ce samedi face à Sion (20h30 à la Tuilière).

Ton entraîneur Ludovic Magnin dit toujours que le LS doit s'inspirer de la mentalité alémanique, rester à un haut niveau d'exigence et d'intensité chaque semaine et que nous, les Romands, on n'y arriverait pas, ou pas toujours. Tu es d'accord?
Je pense aussi comme ça! On a fait des progrès récemment, mais il y a encore beaucoup de travail à effectuer concernant la mentalité, je trouve. Mais avec le coach qui ne nous lâche pas à ce sujet, pas du tout même, on progresse. Et je pense que ça fait du bien aux Romands aussi (rires)

C'est d'ailleurs comme ça que tu as été présenté, voilà deux ans et demi: l'idée, c'était d'amener cette mentalité alémanique justement. C'est toujours le cas?
Oui, mais nous étions plusieurs. Maintenant, il ne reste plus que moi. Bien sûr que j'essaie d'amener ça, mais je dois conserver aussi ma personnalité, jouer comme je sais le faire, et ne pas forcer. Ca doit se faire naturellement.

Mais concrètement, ça veut dire quoi, la mentalité alémanique? Ca veut dire que les Romands on a tendance à se relâcher un peu, à être trop cools?
Oui, à être un peu plus légers... C'est vrai, je t'assure, ça existe! Les Alémaniques, on est plus carrés, il ne faut pas se le cacher. Même après deux ou trois victoires, on va rester sur le chemin, rester focus. Ici, après une victoire ou deux, ou même quatre comme récemment, ça commence un peu à danser, à prendre la confiance... Nous, on est plus stricts, on ne change pas si on gagne deux matches, on ne s'enflamme pas. Il y a un Röstigraben de ce point de vue.

Photo: Pius Koller

Mais il n'y a pas qu'une seule mentalité alémanique tout de même! Un Argovien, ce n'est pas un Bernois, un Bâlois, un Schaffhousois ou un Zurichois...
C'est un peu différent, je te l'accorde. Mais sur le point précis dont on parle, c'est pareil. On sent vraiment cette mentalité de ne rien lâcher, de ne pas se relâcher. Ici, en Suisse romande, la vie est un peu plus cool. Où j'ai grandi, en Argovie, on pense d'abord à travailler... Ici, c'est plus sympa, je ne te le cache pas. Si tu as besoin de quelque chose, ils vont te le régler. Mais pas tout de suite. C'est un peu différent de ce dont j'avais l'habitude, mais je m'adapte (rires).

Justement, pourquoi as-tu décidé de quitter ton Argovie natale pour venir à Lausanne, voilà deux ans et demi?
Pour respirer un air différent, voir autre chose. Ca fait du bien sur le plan personnel aussi, pas seulement pour le football. Partir de la maison, se développer en tant qu'individu... Sur le plan du football, je ne connaissais rien en dehors d'Aarau et je pense que j'ai fait mon chemin ici.

Tu parlais français avant de venir?
Oui, un petit peu, grâce à l'école, mais rien à voir avec maintenant.

Ca te fait marrer quand le speaker te présente avant le match comme «Notre Argovien, avec le numéro 34»?
Oui, je ne peux pas me plaindre. Au fond, c'est ce que je suis, non (rires)? On en revient à ce qu'on disait au début, je représente la mentalité alémanique ici, je suis connu comme ça, ça me va.

«Notre Argovien, avec le numéro 34...»
Photo: Pascal Muller/freshfocus

Par contre, l'autre speaker t'a présenté comme latéral gauche à la mi-temps de la victoire contre Servette! Tu as été vexé?
Cela ne fait que deux ans et demi que je suis là... Pour te dire la vérité, je n'ai même pas percuté sur le moment. Mais plus tard, des gens du club m'ont dit qu'il avait dit ça, oui! Il était sans doute un peu stressé, je lui pardonne...

Parle-moi un peu de ce FC Aarau. C'est un club qui me fascine, avec cet «Aargauer weg», cette identité argovienne justement.
Aarau, c'est spécial, il faut travailler différemment des autres pour espérer être au niveau. Aarau, c'est une ville à mi-chemin entre Zurich, Berne et Bâle, où tu ne fais que passer. Mais l'idée, avec cet «Aargauer weg», ce chemin argovien, c'est de donner des perspectives aux jeunes Argoviens, et de la région élargie, et de faire en sorte qu'ils puissent rester à Aarau et y devenir professionnels, plutôt que de partir tout de suite à Zurich ou Berne. C'est ça l'idée.

Tu es toujours supporter du FC Aarau?
Oui, bien sûr et je le resterai toujours. C'est un peu difficile pour le moment, mais j'ai confiance, il faut laisser le temps au nouveau coach pour un jour espérer remonter en Super League.

Rien à voir, mais puisqu'on est à Aarau, restons-y: je suis complètement amoureux du Brügglifeld. J'aimerais qu'il ne disparaisse jamais et que le nouveau stade ne se fasse pas. Et toi?
Il y a des problèmes avec le nouveau stade, tu dois être content. Mais de toute façon, il faudra quand même rénover le Brügglifeld, c'est inévitable. Je comprends ce que tu veux dire: pour jouer, c'est super sympa, parce que les supporters sont très proches, on peut presque les toucher. J'ai adoré ce stade comme joueur, et quand j'y suis retourné avec Lausanne, c'était un peu chiant, excuse-moi du terme! Mais en vrai, je pense que c'est une expérience cool pour tout le monde de jouer au Brügglifeld.

Le latéral droit du LS a effectué son retour au jeu à Winterthour avant la trêve.
Photo: freshfocus

C'était qui tes modèles quand tu étais petit?
Rainer Bieli, même s'il était attaquant! C'était lui au début. Ensuite, plus proche de ma génération, Silvan Widmer et Loris Benito. J'observais surtout Silvan, parce qu'on joue à la même position.

Tu as toujours joué latéral droit ou tu es un attaquant reconverti, comme tous les latéraux?
Non, non, toujours latéral droit, voire piston dans une défense à trois. Rien d'autre! 

Si je te dis que tu fais un excellent début de saison, et que tu as vraiment franchi un palier par rapport à la saison dernière, tu le prends comment?
J'ai progressé, c'est sûr. La saison dernière, c'était ma première en Super League. J'ai pu avoir besoin de temps pour m'adapter et maintenant je connais les équipes, les adversaires... C'est humain, c'est un processus normal, chacun a besoin de temps pour arriver à un niveau plus élevé.

Le synthétique, ça va?
Oui, moi j'aime bien. Je vais même te dire: maintenant je préfère même le synthétique, je n'ai pas de problème physique avec.

Ca te fait quoi quand les observateurs, ça peut être des supporters ou des médias, disent: «On doit avoir un meilleur latéral droit pour jouer le top 6»? Ca te fait mal? Ca te donne une motivation supplémentaire?
C'est votre job, non? La clé, c'est de ne pas le prendre personnellement. Oui, je dois faire des progrès, j'ai des choses à améliorer. Je sais ce que je peux faire et je reste là-dessus, en essayant sans cesse de m'améliorer. La critique constructive, je la prends.

Tu te mets la pression à toi-même?
Ca dépend. Si tu as un coach qui te donne de la confiance, tu te mets moins de pression. S'il a un doute sur toi, c'est plus difficile... Concrètement, si tu fais une erreur, tu vas commencer à douter. Mais si tu as un coach qui te fait confiance, qui compte sur toi, c'est plus simple pour le joueur. En tout cas pour moi, c'est comme ça.

Oui, mais la saison dernière, tu as eu un moment compliqué tout de même, et j'aimerais en parler avec toi, c'est ce match de Coupe contre Lugano où tu prends un rouge en tout début de match et que le LS se retrouve éliminé sans avoir pu lutter... Je me rappelle très bien, le public avait été très critique, la presse aussi, dont moi, et ton coach ne t'avait pas épargné à l'heure de l'analyse... Comment tu t'es relevé de ça?
J'étais un peu trop excité en début de match... C'était un pur accident, je ne voulais bien sûr pas blesser le joueur adverse. Oui, c'était une grosse faute, et oui j'ai été critiqué, à l'interne comme à l'externe. Ca n'a pas été facile à vivre. Je sais que j'ai fait une grande erreur, mais aujourd'hui, j'arrive en parler et à accepter que les gens me chambrent à ce sujet.

Vraiment, à ce point?
Oui, même si c'était la Coupe, même si c'était extrêmement important pour le club, cet épisode douloureux m'a fait grandir. J'ai dû l'accepter, trouver le côté positif à cette erreur. M'en servir pour devenir plus fort. Ce n'est pas une expression, c'est la réalité. Mais c'est facile à dire, moins facile à faire... C'est resté très longtemps dans ma tête, mais maintenant, comme je te dis, j'accepte qu'on revienne sur cet épisode. Parce qu'au final, ça m'a servi.

Ca me fascine, je te promets... Pour moi, c'est ce qui fait la différence entre les joueurs de l'élite et les autres, c'est cette capacité à se relever de ces coups du sort. Un joueur plus faible mentalement aurait sombré. Toi, tu es resté debout et tu cartonnes en ce début de saison...
Mais là, on va au delà du football. Dans la vie, tu auras toujours une épreuve qui va te tomber dessus, qui va te blesser. L'important, c'est comme tu réagis. Ca peut être un deuil, ou je ne sais pas quoi, mais c'est inévitable. Ce qu'il faut, c'est revenir plus fort et de nouveau, c'est plus facile à dire qu'à faire. D'un côté, je suis content d'avoir eu cette expérience, même si elle a été douloureuse. J'ai pu développer mon caractère et ma personnalité.

Une petite remise à l'ordre du coach?
Photo: freshfocus

Tu as encore sept ou huit ans pour y penser, mais tu prépares déjà ta reconversion? Tu as une idée plus ou moins précise?
Je suis en train de faire un bachelor, porté sur l'économie et les ressources humaines.

Pas mal!
Je ne me vois pas rester dans le foot, pour tout te dire. Et c'est bien d'avoir quelque chose à côté, ça t'ouvre l'esprit, ça te permet de penser à autre chose qu'au foot. Sinon, ta vie de professionnel, c'est le foot, le foot, le foot. Il y a aussi une vie à côté et je profite du temps à disposition pour m'aérer l'esprit et préparer l'avenir.

Tu aimes quand même le foot? Je veux dire, tu regardes des matches à la télévision ou pas du tout?
Oui, je suis la Bundesliga, y compris jusqu'en troisième division, parce que j'ai des copains qui jouent. Et j'adore l'ambiance, y compris à ce niveau, c'est un autre monde. Et je suis pas mal la Premier League, je suis fan de Liverpool!

Dans un mois, tu seras libre de t'engager où tu veux, vu que ton contrat court jusqu'en juin 2025. Tu en es où de ta réflexion à ce sujet?
Pour le moment, on n'a pas discuté de tout ça. Je suis sous contrat, tout va bien, je me plais ici à Lausanne. 

Mais dans un mois, tu peux être approché par d'autres clubs...
Oui, mais la réalité, c'est que je n'ai pas encore discuté avec Lausanne. Je suis ouvert à tout, bien sûr, j'ai envie de discuter, mais c'est une décision du club, au final. Ce qui est sûr, c'est que j'ai un contrat jusqu'en juin, que je vais tout donner jusqu'à la fin et que je me sens très bien à Lausanne. Je pense que tout le monde m'apprécie au club et moi, je m'y sens bien. Je suis tranquille par rapport à cette question de contrat, c'est le foot.

Alvyn Sanches, Fousseni Diabate, Alban Ajdini et Raoul Giger célèbrent le 1-0 face à Yverdon.
Photo: keystone-sda.ch

Au-delà du foot, tu aimes la vie ici? Tu es seul, en famille?
Je suis là avec ma copine, et on a un chien. On se sent super bien ici, la vie est tranquille, la qualité de vie est meilleure que chez moi, je ne vais pas te le cacher. La ville, le lac, la région... On adore se promener avec le chien dans les vignobles, la vue est incroyable.

Quand tu te promènes avec ton chien et que tu regardes le Léman, tu aperçois l'équipe de Suisse à l'horizon?
Oh non, vraiment pas... Ce n'est pas une question que je me pose.

Le poste de latéral droit n'est pas le plus fourni et même s'il y a de sacrés clients tout de même, ce n'est pas non plus complètement inaccessible si tu continues à bien performer les deux prochaines saisons, par exemple, non?
Je suis ouvert à tout, mais c'est un grand pas. Aujourd'hui, je ne pense pas du tout que j'aie assez prouvé pour le mériter. Après, comme tu dis, le football peut aller vite et on ne sait jamais. Mais aujourd'hui, non, je n'y pense pas.



 

Credit Suisse Super League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
FC Zurich
FC Zurich
14
7
26
2
FC Bâle
FC Bâle
14
20
25
3
FC Lugano
FC Lugano
14
6
25
4
Servette FC
Servette FC
14
2
25
5
FC Lucerne
FC Lucerne
15
4
23
6
FC Lausanne-Sport
FC Lausanne-Sport
15
2
21
7
FC St-Gall
FC St-Gall
14
6
20
8
FC Sion
FC Sion
15
0
18
9
Young Boys
Young Boys
15
-5
17
10
Yverdon Sport FC
Yverdon Sport FC
14
-10
15
11
FC Winterthour
FC Winterthour
15
-21
12
12
Grasshopper Club Zurich
Grasshopper Club Zurich
15
-11
10
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