Jeffrey Saunders est un homme (très) occupé. En l'espace de trois semaines, le nouveau président d'Yverdon Sport a dû préparer son club pour l'élite du football suisse. La tâche est ardue pour cet Américain qui vit sa première expérience dans notre championnat.
Les coups de fil et les mails continuent d'affluer. Mais, durant la demi-heure d'interview accordée à Blick, Jeff Saunders a posé son téléphone et a répondu à toutes nos questions. Interview – en anglais, sa langue maternelle. Mais il faut quand même préciser que le nouvel homme fort du Stade Municipal était prêt à la faire dans la langue de Molière.
La première question qu'on veut vous poser c'est: comment allez-vous? Il y a trois semaines vous étiez officiellement intronisé et vous voilà à trois jours de votre premier match en Super League.
On travaille dur, et tout le staff aussi. On vient juste d'arriver. Il y a beaucoup de job.
Vous aviez dit lors de votre conférence de presse que vous vouliez venir souvent à Yverdon. Combien de fois êtes-vous venu ici depuis votre prise de pouvoir?
Toutes les semaines. Je dois être présent pour travailler avec le staff et pour construire l'équipe.
Vous logez à l'hôtel?
Oui, ici à Yverdon. J'emménagerai bientôt dans un appartement.
Vous êtes là depuis trois semaines. Quelles sont vos premières impressions sur Yverdon?
C'est un club spécial – avec une longue histoire. J'ai remarqué qu'il y avait des gens très compétents ici. Mais c'est en train de passer d'un club de Challenge League à un de Super League. Tout doit être mis à niveau pour répondre aux attentes de la Ligue, mais aussi des supporters. J'ai vu ici un club historique – ce que nous savions. Il y a aussi beaucoup de soutien des spectateurs, de la ville et des sponsors. On s'y attendait, mais on a été heureux de trouver tout ceci en arrivant.
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Quel est le plus dur, pour faire passer d'un club du niveau de Challenge League à celui de Super League?
Construire les infrastructures et aller dans le bon processus. Je ne parle pas que des infrastructures physiques, mais de comment le club est construit. Comment on s'organise, gouverne et comment on construit autour de l'équipe. Ce n'est pas facile.
Mais c'est quelque chose que vous devez faire à chaque fois que vous arrivez dans un nouveau club ou c'est encore plus compliqué quand ce club est promu?
C'est une question de timing. On est arrivé quand le club a été promu et on a donc dû construire rapidement. C'est un défi – il faut travailler plus durement, plus longtemps et plus rapidement. On doit juste foncer, il n'y a pas d'autres solutions.
Est-ce que vous avez été surpris par quelque chose en arrivant à Yverdon?
(réfléchit) A nouveau, je pense que la chose la plus surprenante est la connexion entre le club et la communauté. Les supporters sont de vrais fans. On a découvert ça sur les derniers mois et j'espère que cela sera un bon moteur pour le club.
Parlons un peu de vous si vous le voulez bien. Le dernier club que vous avez dirigé, c'était à Estoril, au Portugal. Dans «La Région», on peut lire que les gens là-bas gardent un excellent souvenir de vous – et que vous avez réussi à vous imprégner de la culture du club. Est-ce que vous voulez également faire ça avec Yverdon?
Je pense qu'il est important quand on arrive dans un nouvel environnement de le comprendre. Il faut le respecter et c'est naturel pour moi. Je suis un étranger ici, je peux donc beaucoup apprendre. C'est l'approche que je veux avoir. Le but est de faire correspondre notre approche du football – en construisant un club fort – avec les connaissances et la passion des gens d'ici. On ne peut pas arriver et tout connaître.
Pourquoi avez-vous quitté Estoril?
J'étais là-bas pour quatre ans. On avait un certain nombre d'objectifs et on les a accomplis. J'avais l'impression d'avoir donné ce que j'avais à donner pour ce club. On l'a stabilisé en première division et on a eu beaucoup de succès d'un point de vue commercial. On a fait beaucoup de progrès. C'était important pour moi de trouver une prochaine étape, un nouveau défi. Mon travail là-bas était fait. C'était un magnifique endroit, avec des gens très compétents. J'ai beaucoup appris et je voulais prendre ces connaissances et les amener dans un nouvel environnement.
Et à Yverdon? Quel est votre grand objectif avec ce club? Et d'une fois qu'il est atteint, allez-vous aussi vous chercher un autre défi ailleurs?
Le but principal est de stabiliser le club en Super League. Dans un deuxième temps, on veut créer une plateforme pour que les joueurs puissent se développer. Et la troisième étape est de faire d'Yverdon l'un des cinq meilleurs clubs du championnat. Mais c'est un objectif à long terme, ce n'est pas quelque chose que l'on veut demain. Si l'on peut avoir du succès dans ces trois visées, je pourrai personnellement… Enfin, je ne pense pas à ma sortie, car je sais qu'il y a beaucoup à faire maintenant. Je ne peux pas penser à ce qui se passera dans cinq ans, mais si et quand ce club aura atteint ces objectifs, on pourra en reparler.
On se donne donc rendez-vous dans cinq ans?
Oui (rires).
Un tout autre sujet que je voulais aborder est la personne de Jamie Welch, l'actionnaire majoritaire. Quand et comment l'avez-vous rencontré?
C'était il y a à peu près quatre ans, au travers de notre académie à New York. C'est un passionné de football. Son désir d'entrer cette industrie était claire, dès le début. On a planifié cela pendant des années. Ce n'est pas quelque chose qui est arrivé dernièrement. Ce projet est devenu réaliste il y a deux ans. On se parle tout le temps.
Et quel sera exactement son implication dans le club?
Je ne sais pas à quel point il sera présent aux matches – il aimerait y être à tous. Il est très connecté au club. Il est très impliqué dans tout ce qu'on fait au club et il sait tout – ce n'est pas un propriétaire absent. Il est très intelligent quand il s'agit de créer des compagnies – car c'est son travail. On parle beaucoup de l'approche commerciale, mais aussi sportive. En plus, il est en plein déménagement en Suisse.
Dimanche, c'est votre premier match de championnat sur la pelouse de Zurich…
Oui, j'y serai. Mais on ne veut pas se focaliser sur un match, mais sur toute la saison. Si on se concentre que sur le début, on ne construit peut-être pas quelque chose de solide pour le reste du championnat. Ce début de saison sera difficile, c'est sûr à 100% – c'est la réalité de la situation. On est arrivés il y a trois semaines et le marché des transferts vient d'ouvrir. Je suis convaincu que sur la durée, on aura préparé notre saison comme on la veut et que notre staff et nos joueurs vont tout donner. Et en football, on ne sait jamais. Mais dans la réalité, on construit sur le moyen terme. Fin septembre et le retour dans notre stade (ndlr: Yverdon doit jouer ses deux premiers matches à domicile à Neuchâtel), tout sera stabilisé et tous les joueurs seront prêts à évoluer. C'est un processus.
Revenons un peu sur votre achat du club, avec une question que beaucoup de monde s'est posée: Pourquoi Yverdon?
C'est en lien avec la philosophie du club. Quand on a fait nos recherches, on a découvert ce qu'Yverdon est, ce qu'il a été et d'où il vient. On a du respect pour ce que Mario (ndlr: di Pietrantonio, l'ancien président du club) et Marco Degennaro (ndlr: le directeur général) ont fait. On a vu une double opportunité – car le championnat suisse est en train de croître et car Yverdon a la possibilité de grandir en parallèle de la Super League.
Et pourquoi ne pas investir dans un club plus huppé?
Car si on avait investi dans une plus grande équipe, la stratégie aurait été différente. A Yverdon, on retrouve de bonnes personnes, une belle fondation historique et de nombreuses d'opportunités de croître. On a beaucoup à faire ici.
Le fait qu'Yverdon venait d'être promu vous aide-t-il plus facilement à «repartir de zéro»?
C'est un avantage et un désavantage. C'est super, car on peut commencer à construire notre structure sans déconstruire autre chose. Mais d'un autre côté, il n'y pas cette composition de base sur laquelle on peut s'appuyer. Maintenant, on doit sprinter, mais on doit faire attention à s'en tenir aux valeurs de notre stratégie. C'est pour cela qu'on ne va pas trop vite – on ne peut pas se précipiter. Ça va prendre du temps de construire une organisation d'envergure mondiale.
Vous vous souvenez de la première fois que vous avez eu de l'intérêt pour Yverdon?
C'était début 2023. J'étais familier avec la Super League – et on a compris à l'époque qu'il n'y avait pas d'opportunité. On suivait ce qu'il se passait, par exemple à Lugano. On a ensuite été introduit à Mario et on a senti que c'était la bonne personne, honnête et digne de confiance. Le football est une industrie compliquée et quand on peut avoir de tels partenaires, ça rend les choses plus aisées – même si rien n'est facile dans le football. Quand on en a appris plus sur le club et qu'on a senti la synergie, on a décidé de se lancer.
Est-ce que Jamie Welch est déjà venu à Yverdon?
Pas encore. Mais il connaît très bien la Suisse et était très impliqué dans les conversations avec Mario.
Il n'a donc pas encore pu observer la jolie vue sur le lac de Neuchâtel?
Non pas encore (sourire). Mais je la lui ai expliquée en détails.
Vous nous avez déjà parlé de votre ambition de stabiliser Yverdon en Super League. Mais pour cette première saison, quel est le véritable objectif? Est-ce d'éviter la relégation?
Je ne parle pas de relégation, mais de stabilisation. La conséquence de ce que nous allons construire est: nous allons rester dans cette division. Dans le business, vous devez vous concentrer sur ce que vous construisez et la conséquence sera le résultat. Si vous commencez avec le résultat en disant: «Je veux juste cela», vous sautez le processus de construction. Je me concentre donc sur ce travail de stabilisation des infrastructures, avec la bonne équipe et le bon staff. Si ça se passe bien, la répercussion sera du succès au niveau sportif et commercial.
Parlons du mercato. L'entraîneur nous a confié qu'il s'attendait à quelques transferts. Pouvez-vous nous en dire plus?
On comprend qu'il manque des joueurs à certaines positions. Il y aura d'autres signatures. On verra plus de joueurs avec des profils d'internationaux comme Boris Cespedes, Mohamed Tijani ou Dominic Corness – c'est une évolution.
Dernière question: comment est votre français?
(En français avec un accent anglais) Demandez aux gens. J'essaie, c'est important. La prononciation et la conjugaison, c'est difficile. Mais je comprends.
Mais où l'avez-vous appris?
J'ai habité à Paris durant un an, il y a longtemps. J'ai commencé à le parler un peu… et voilà. Mon enfant parle français et j'essaie. Je n'ai jamais étudié cette langue. C'est obligatoire pour moi d'essayer, car la langue du club est le français. Mais quand je donne une interview et que je veux expliquer de manière plus détaillée, c'est mieux en anglais. J'espère que je vais progresser.
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | FC Zurich | 14 | 7 | 26 | |
2 | FC Bâle | 14 | 20 | 25 | |
3 | FC Lugano | 14 | 6 | 25 | |
4 | Servette FC | 14 | 2 | 25 | |
5 | FC Lucerne | 14 | 4 | 22 | |
6 | FC St-Gall | 14 | 6 | 20 | |
7 | FC Lausanne-Sport | 14 | 2 | 20 | |
8 | FC Sion | 14 | 0 | 17 | |
9 | Young Boys | 14 | -5 | 16 | |
10 | Yverdon Sport FC | 14 | -10 | 15 | |
11 | FC Winterthour | 14 | -21 | 11 | |
12 | Grasshopper Club Zurich | 14 | -11 | 9 |