Blick vous explique pourquoi

Les attaquants de Super League ne savent plus marquer!

Stefan Kreis, Lucas Werder et Alain Kunz

Chris Bedia, le meilleur attaquant de Super League, ne voit pas le bout du tunnel dans les profondeurs du classement de la Bundesliga. Depuis son arrivée à Union Berlin, l'ancien Servettien n'a joué que 35 minutes sur un total de 720. «Pour Chris, nous savions déjà qu'il venait de Suisse et non de Bundesliga», déclarait le directeur sportif d'Union Oliver Ruhnert il y a quelques semaines encore. Autrement dit: il semble y avoir un monde entre les deux ligues.

Un coup d'œil sur les meilleurs buteurs actuels de la Super League vient étayer cette thèse, puisque Chris Bedia est toujours en tête de liste, avec le Luganais Zan Celar, tous deux avec dix buts inscrits. Et ce, bien que Bedia ait disputé son dernier match avec Servette à la mi-décembre.... Le record négatif pour le meilleur buteur de Super League pourrait-il tomber cette saison? Celui-ci est détenu par Albian Ajeti, qui a terminé meilleur buteur de la saison 2017/18 avec 17 buts pour le FC Bâle.

L'expert du Blick et ex-attaquant Kubilay Türkyilmaz déclare: «Si cela continue à ce rythme, il est bien possible que 14 ou 15 buts suffisent pour la couronne. Pourquoi en est-il ainsi? Parce que de plus en plus d'entraîneurs misent sur des milieux de terrain offensifs au poste d'attaquant. Comme par exemple Marchesano au FC Zurich. Et ceux-ci marquent naturellement moins de buts que les véritables attaquants».

D'une manière générale, les vrais neuf se font de plus en plus rares, selon Kubi. «Itten en est un, mais il n'a marqué que six buts. C'est beaucoup trop peu. Et Zan Celar, mais il ne joue pas toujours. Il n'arrive donc pas à trouver le rythme. Non, nous commençons à manquer de véritables attaquants. C'est l'amère vérité».

Petar Aleksandrov: «Avant, un attaquant était un attaquant»

Petar Aleksandrov est également de cet avis. Celui-ci a terminé meilleur buteur aussi bien avec Xamax qu'avec le FC Lucerne et travaille désormais comme entraîneur des attaquants au FC Aarau. Pour celui qui a participé à la Coupe du monde 1994 avec la Bulgarie, le football a évolué. Au détriment de l'attaquant classique de la surface de réparation: «Avant, un attaquant était un attaquant. Aujourd'hui, il doit presser, reculer. Le football a changé. Il est davantage marqué par la tactique. Tu ne peux rien y faire. Avant, l'objectif d'un ailier était de courir jusqu'à la ligne et de centrer sur l'attaquant. Aujourd'hui, il y a beaucoup moins d'actions dans la surface de réparation».

De plus, il est difficile d'obtenir des automatismes, ajoute-t-il. Car un attaquant qui marque des buts en Suisse devient immédiatement intéressant pour les clubs étrangers. La VAR ne joue pas non plus en faveur d'un attaquant, selon Aleksandrov. «Parce qu'il marque d'abord un but magnifique, mais que les arbitres remarquent après cinq minutes qu'il porte des chaussures plus grandes que celles de son adversaire et qu'il est donc hors-jeu».

Sa recette en tant que entraîneur des attaquants? «Le plus important, c'est d'être toujours prêt. Avoir la conviction que le ballon va venir. Quand on regarde des vidéos d'attaquants de classe mondiale comme Roy Makaay ou Ruud van Nistelrooy, il est fascinant de voir comment ils sont à l'affût. Et que la plupart du temps, le ballon arrive là où ils se trouvent. Alex Frei aussi avait ce don». Petar Aleksandrov travaille avec lui au FC Aarau. Meilleur buteur avec huit buts: Valon Fazliu, un milieu de terrain offensif. Ce dernier a d'ailleurs marqué un doublé lors de la récente victoire 2-0 contre Xamax.

Les buts rapportent des millions

Le dernier milieu de terrain à avoir terminé meilleur buteur de la Super League s'appelle Oscar Scarione. Il y a onze ans, l'Argentin a marqué 21 buts pour le FC Saint-Gall. Le conseiller de ce dernier, Renato Cedrola, affirme que Scarione a ressenti de la confiance dès le début. Scarione était au centre du projet. Et il était le joueur sur lequel le jeu offensif était orienté. «Nous avons même procédé à quelques corrections de position avec l'entraîneur de l'époque, Jeff Saibene, parce qu'il voulait d'abord placer Oscar sur le côté». Mais comme Scarione avait déjà des statistiques de buts exceptionnelles au FC Thoune, il a finalement pu jouer derrière la pointe. Et il ne s'est jamais arrêté de marquer. «Ses 21 buts ont été décisifs pour son transfert en Turquie, à Kasimpasa. Et à partir de cette année-là, il a toujours reçu un salaire à sept chiffres jusqu'à la fin de sa carrière», raconte Cedrola. Et à l'époque, le FCSG a lui aussi empoché une grosse somme, environ trois millions de francs. Pour Chris Bedia, le meilleur attaquant actuel de la Super League, Union Berlin a versé environ 2 millions à Genève.

Rien de comparable à la somme encaissée par le FC Bâle à l'été 2018 pour Albian Ajeti. Celui-ci a terminé meilleur buteur avec seulement 17 buts et a ensuite été transféré à West Ham pour plus de 12 millions. L'ancien attaquant de GC Munas Dabbur, meilleur buteur de 2016, a même été transféré à Séville pour 17 millions. Mais l'argent est allé à Salzbourg, car les Sauterelles avait engagé l'attaquant en prêt. En 2010, les Young Boys ont également encaissé des dizaines de millions pour leur meilleur buteur Seydou Doumbia, parti au CSKA Moscou.

Un bon coup avec le numéro 9?

Cela signifie qu'autrefois, les attaquants classiques permettaient de faire de gros bénéfices. Et aujourd'hui? Christoph Graf, le président des conseillers aux joueurs suisses, répond par une contre-question: «Combien le Bayern a-t-il payé pour Harry Kane afin de ne pas être champion? 100 millions, non?» Selon lui, un bon attaquant est un bon attaquant. Et celui-ci a son prix, selon Graf. 

Selon Graf, si un attaquant remplit toutes les qualités, il peut devenir lucratif. «Un attaquant de Super League qui marque 20 buts en une saison peut rapporter des dizaines de millions». Contre-exemple: Jean-Pierre Nsame. Celui-ci a terminé trois fois meilleur buteur au cours des quatre dernières années et a même marqué 32 buts en une saison, mais il a été en situation d'échec à l'étranger. Graf: «Qu'un tel attaquant n'ait pas un meilleur CV est un mystère pour moi. C'est pourquoi je persiste: je ne déclare pas la mort du numéro 9 classique».

L'ASF connaît les problèmes

Et que dit l'ASF? «En Suisse, nous n'avons pas une quantité énorme d'attaquants incroyablement bons», estime Patrick Bruggmann, directeur du développement du football à l'ASF. L'association prévoit donc de lancer un nouveau concept d'attaquants pour la nouvelle saison. L'objectif: encourager de manière plus ciblée les talents offensifs dans les clubs juniors de haut niveau. «Nous voulons changer l'état d'esprit. S'éloigner de la réussite purement collective pour aller vers un développement plus individuel.»

«Nous devons veiller à ne pas perdre de joueurs dans la relève en raison de leur développement biologique», explique Bruggmann. L'attaquant de l'équipe nationale Zeki Amdouni, qui a été mis à l'écart de son club d'origine, le Servette FC, alors qu'il était encore adolescent, en est un parfait exemple. Même si la tendance internationale est de nouveau à l'avant-centre classique, l'ASF s'efforce de ne pas se contenter de développer un type de joueur.

Pour qu'à l'avenir, il n'y ait plus de course de lenteur pour le titre de meilleur buteur...

Credit Suisse Super League 24/25

		Équipe	J.	DB.	PT.
	1	FC Lugano	18	6	31
	2	FC Bâle	18	21	30
	3	FC Lausanne-Sport	18	9	30
	4	FC Lucerne	18	3	29
	5	Servette FC	18	2	29
	6	FC Zurich	18	-1	27
	7	FC Sion	18	4	26
	8	FC St-Gall	18	6	25
	9	Young Boys	18	-4	23
	10	Yverdon Sport FC	18	-12	17
	11	Grasshopper Club Zurich	18	-10	15
	12	FC Winterthour	18	-24	13