«J'ai parfois l'impression d'être dans un mauvais film. Ce que j'ai construit en quatre décennies à la Fifa, mon successeur veut le détruire avec une cohérence presque pathologique». Dès le début du livre, Sepp Blatter, qui fêtera dimanche son 88e anniversaire, joue dur sur l'homme. Plus tard, il écrit à propos du président de la Fifa Gianni Infantino: «J'étais fermement convaincu qu'avec Infantino comme successeur, un passage de témoin ordonné et digne était garanti. Cela a été ma plus grande erreur d'appréciation en un demi-siècle de vie professionnelle».
L'aversion personnelle envers son successeur est le fil rouge du livre. Blatter confirme l'accusation en suspens selon laquelle son successeur aurait envisagé de vendre les droits de la Fifa à un consortium du Proche-Orient pour 25 milliards de dollars. Il soutient en outre la thèse selon laquelle la suspension prononcée par la Fifa à son encontre et à celle de Michel Platini aurait peut-être été initiée par Infantino et son entourage afin d'écarter Platini dans la lutte pour la présidence de la Fifa. Le Haut-Valaisan est critique vis-à-vis de l'inflation du nombre de participants à la Coupe du monde, du manque de démocratie lors de l'attribution des tournois de 2030 et 2034, du départ progressif de la Fifa de Zurich ou de l'introduction de la VAR. Son message est le suivant: «Nous devons prendre soin du football!»
Une nostalgie de la réhabilitation
On n'apprend pas grand-chose de nouveau. Ce sont les déclarations répétées par Sepp Blatter au cours des dernières années: il n'a jamais acheté de voix et n'a jamais pris l'argent d'autrui. On sent aussi la difficulté de se détacher, le désir de réhabilitation ainsi que le manque de reconnaissance pour l'œuvre de sa vie - aussi bien de la part de la Fifa que du grand public. Après tout, c'est lui qui a fait passer la Fifa d'une petite association endettée avec onze collaborateurs à une marque mondiale avec une fortune de 1,5 milliard de francs à la fin de sa présidence.
L'autocritique est rare chez le fonctionnaire sportif suisse le plus célèbre. «C'était une erreur d'aller au Qatar - j'en porte une partie de la responsabilité». Il n'y a pas grand-chose d'autre. L'affaire de corruption impliquant d'anciens membres du comité exécutif de la Fifa, qui a conduit en 2015 à la descente de police dans l'hôtel de luxe zurichois Baur au Lac, n'est évoquée qu'en marge. Ceux qui espèrent apprendre des insides sur les rencontres avec les puissants de ce monde seront déçus. Les souvenirs de Blatter sur la raison pour laquelle Angela Merkel est une grande fan de football et sur sa première rencontre avec Nelson Mandela sont divertissants - mais sans plus. Ou comment il aurait demandé à l'ex-entraîneur de l'équipe nationale Köbi Kuhn de le convoquer pour un match international.
Aucune voix critique
Dans sa préface, l'ancien conseiller fédéral Ueli Maurer fait l'éloge de Blatter en tant que «personnalité visionnaire et capable de s'imposer, qui a créé quelque chose d'unique dans le monde du sport». D'autres compagnons de route comme Theo Zwanziger, Corinne, la fille de Blatter, ou Erich Vogel, qui écrit le mot de la fin, se gardent bien - ce qui n'est pas tout à fait surprenant - d'émettre des critiques et font l'éloge de l'auteur. «La véritable histoire», tel est le sous-titre du livre. En fait, il s'agit des vérités de Sepp Blatter, voilà tout.