«Si rien ne se passe...»
Le football suisse doit agir pour sa relève, et maintenant!

Malgré les succès de l'équipe nationale A depuis des années, des nuages noirs s'amoncellent dans le ciel du football suisse. La relève s'enfonce dans la médiocrité, les responsables tirent la sonnette d'alarme. Où sont les problèmes ? Et comment les résoudre ?
Publié: 28.10.2024 à 12:21 heures
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Dernière mise à jour: 29.10.2024 à 08:55 heures
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Des scènes de joie dans un Euro, des images du passé?
Photo: TOTO MARTI
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Christian Finkbeiner et Simon Strimer

Les images de joie sont inoubliables. Lors de l'Euro en Allemagne, la Nati a fait jeu égal avec l'Allemagne, l'Italie et l'Angleterre et a manqué d'un cheveu de se qualifier pour la première fois pour une demi-finale.

Mais quelques mois seulement après ce grand succès, des nuages noirs s'amoncellent dans le ciel. Ce n'est pas parce que l'équipe nationale A est menacée de relégation en Ligue des Nations: d'autres facteurs sont bien plus préoccupants. Une étude commandée par l'ASF démontre que la Suisse est à la traîne en matière de promotion de la relève par rapport à des pays de taille similaire comme l'Autriche ou la Belgique (voir encadré).

Comme s'il fallait une preuve supplémentaire, les M21 ont récemment manqué la qualification pour l'Euro - contre la Roumanie et la Finlande. Et les M19 ont également échoué. C'est peut-être un signe avant-coureur de ce qui attend l'équipe nationale A après six participations consécutives aux matches à élimination directe lors d'un championnat du monde et d'un championnat d'Europe. Il existe un vrai risque que la Suisse s'enfonce dans la médiocrité et que les participations aux phases finales ne soient plus la règle, mais l'exception.

Le directeur des équipes nationales Pierluigi Tami a tiré la sonnette d'alarme après l'échec des M21 dans une interview accordée à Blick et a appelé à l'action. Et Patrick Bruggmann, directeur du développement du football à l'ASF, déclare: «Il n'est pas encore trop tard. Mais si nous n'agissons pas maintenant, ce sera inquiétant». Il voit surtout trois points sur lesquels le levier doit être actionné: Les jeunes joueurs suisses doivent à nouveau avoir plus de temps de jeu dans les deux ligues professionnelles suisses. Dans la formation, il faut développer une approche plus individuelle. Et la fédération, les clubs et la SFL doivent à nouveau se rapprocher, définir et concevoir ensemble «la voie suisse».

Trop peu de temps de jeu pour les talents suisses

L'étude de l'IFC montre qu'un joueur se développe principalement entre 18 et 22 ans. Mais pourquoi le temps de jeu des talents suisses dans les ligues de haut niveau n'a-t-il cessé de diminuer ces dernières années (voir statistiques) et comment peut-on enrayer cette tendance? Le Trophée des jeunes a été créé pour récompenser les équipes qui misent sur des joueurs suisses (nés en 2003 et plus jeunes). La SFL distribue ainsi 1,5 million de francs par an aux clubs de Super League (0,5 million) et de Challenge League (1 million). Mais l'effet n'est pas encore au rendez-vous. «Il est possible que nous devions créer une incitation plus forte», explique Patrick Bruggmann.


2024/252023/242022/232021/222020/212019/20
Matches joués103836363636
Nombre d'équipes121210101010
Années de naissance des joueurs de moins de 21 ans2003 et plus jeunes2002 et plus jeunes2001 et plus jeunes2000 et plus jeunes1999 et plus jeunes1998 et plus jeunes
Nombre de minutes de jeu des Suisses de moins de 21 ans par équipe et par tour918295113102148*
YB335516711671113
Bâle10984809584153
Lucerne350382169138176181
Saint-Gall1645191151185285
FCZ4739105113134278
GC621101910--
Servette3217871647358
Lugano507041774329
Winterthour1119374---
Lausanne13345-18766-
Yverdon14732----
Sion3-148396131
SLO-7----
Vaduz----96-
Thoune-----94
Xamax-----157
RemarquesPetit échantillon après seulement 10 tours.



Pendant le Covid, les équipes sont souvent complétées par des jeunes joueurs en raison des obligations de quarantaine.

L'une des questions centrales de son point de vue est: «Quelle ligue offre à quel âge le niveau approprié pour mettre l'accent adéquat afin qu'un jeune joueur puisse continuer à se développer?» Selon l'ASF, 40 des 105 derniers joueurs de la Nati ont débuté leur carrière en Challenge League. L'augmentation de cette dernière à au moins douze équipes est une autre mesure envisagée pour enrayer la tendance.

Selon la SFL, cette discussion a été menée à plusieurs reprises avec les clubs au cours des derniers mois. «La majorité d'entre eux se sont prononcés en faveur du maintien de la structure actuelle avec dix clubs». De plus, les responsables de la ligue ne pensent pas que le seul fait d'agrandir la ligue conduirait automatiquement à plus de temps de jeu pour les jeunes joueurs suisses. Une option serait d'intégrer les équipes M21 des clubs de haut niveau comme Bâle, YB ou Zurich dans la Challenge League.

La ligue est également critique à l'égard d'un quota minimum de jeunes joueurs suisses sur le terrain. Jusqu'à présent, cette idée a été clairement rejetée par les clubs, dit-on. Car ce qui semble simple en théorie n'est pas si facile à mettre en œuvre dans la pratique. Le scepticisme de la ligue est compréhensible. Que se passe-t-il si les clubs ne peuvent pas remplir ce quota un jour de match parce que trop de ces joueurs suisses de moins de 21 ans sont blessés ou suspendus?

Le FC Lucerne comme modèle

Pour Patrick Bruggmann, ce serait la solution la plus rapide, mais pas la plus durable, car pour lui, la problématique n'est pas seulement une question de structure, mais aussi et surtout d'attitude des clubs. Le FC Lucerne, qui mise le plus systématiquement sur les jeunes joueurs suisses en Super League, est exemplaire à cet égard. «C'est aussi lié au fait que Mario Frick sait qu'il ne sera pas licencié après trois défaites consécutives», explique Patrick Bruggmann. Plus de suissitude au détriment du succès sportif? Un équilibre difficile à trouver pour les clubs qui poursuivent également des objectifs économiques, ce que Patrick Bruggmann comprend également.

A cela s'ajoutent les investisseurs venus d'ailleurs: un tiers de la Super League est entre les mains de propriétaires étrangers. «Tant qu'ils s'engagent dans notre système, ce n'est pas un problème». dit Patrick Bruggmann. Ce qui est plutôt problématique, ce sont les responsables de clubs qui, au lieu de miser sur la création locale, se servent sur le marché mondial et misent sur les étrangers. «Un bon joueur étranger aide un joueur suisse à se développer. Mais si l'on ne mise pratiquement que sur de jeunes étrangers, je ne peux pas soutenir ce modèle».

La ligue comprend les préoccupations de l'ASF, mais prend aussi la défense des clubs. «Ils investissent de nombreux millions et un grand savoir-faire dans la formation de jeunes joueurs et ont enregistré de grands succès ces dernières années. Cela se fait notamment avec l'idée économique de pouvoir transférer plus tard les joueurs bien formés dans une ligue plus grande à l'étranger - et de gagner ainsi de l'argen». La problématique de la baisse du temps de jeu pour les jeunes joueurs a toutefois aussi été reconnue par la ligue. Des efforts sont faits pour augmenter la dotation financière pour le trophée des jeunes. Et avec Peter Knäbel, la ligue soutient un expert reconnu de la relève lors de l'élection du président de l'ASF l'année prochaine.

L'individualisation est un must

Car c'est aussi au niveau de la formation que le levier doit être actionné. «Le développement de chaque joueur doit être au centre des préoccupations», explique Patrick Bruggmann. Selon lui, on a eu tendance en Suisse, pendant des années, à mettre l'équipe au premier plan. «Mais dans la relève, nous devons encourager davantage l'individualité, rendre les joueurs meilleurs individuellement, ce qui augmente aussi les chances de succès de l'équipe». Pour cela, il faut une étroite collaboration entre l'association et les clubs, et Patrick Bruggmann estime que les postes de «talent manager» existant depuis longtemps au sein des clubs doivent impérativement être mieux valorisés.

L'ASF peut certes apporter son soutien avec des projets comme Footuro, les regroupements de l'équipe nationale et en tant que fournisseur de savoir-faire, mais la majeure partie de la formation individuelle a lieu dans les clubs. «Et celle-ci doit avoir une priorité stratégique», selon Patrick Bruggmann. Un changement de culture doit avoir lieu à ce niveau. Un autre potentiel réside dans la promotion des joueurs à développement tardif. L'étude de l'IFC a montré que l'ASF perdait des joueurs à développement tardif entre 16 et 19 ans, souvent nés tard dans l'année. .

Enfin, la formation des entraîneurs doit également être repensée. Qu'est-ce qui définit un bon entraîneur? Surtout chez les jeunes? «Nous devons changer l'état d'esprit des entraîneurs», déclare Patrick Bruggmann. Selon lui, il existe en Suisse de très nombreux entraîneurs très engagés et compétents. «Mais ceux-ci doivent être sensibilisés au fait que le développement d'un joueur, le fait de l'amener au niveau suivant, est un critère de qualité et non pas le fait de gagner 4-0 chaque week-end avec son équipe».

Après le changement de millénaire, la Suisse faisait partie des modèles à suivre dans le domaine de la relève. Sous la direction du directeur technique de l'époque, Hansruedi Hasler, ont été posées les bases des succès de la Nati au cours des deux dernières décennies. Depuis 2004, la Nati n'a manqué qu'une seule phase finale, l'Euro 2012 en Pologne et en Ukraine. Ce n'est pas un hasard. Le point culminant a été atteint en 2009, lorsque les M17, avec Granit Xhaka, Pajtim Kasami, Haris Seferovic et Ricardo Rodriguez, ont remporté le titre de champion du monde; deux ans plus tard, les M21 ont atteint la finale de l'Euro et se sont qualifiés pour les Jeux olympiques.

Mais ces succès remontent. Pour que le football suisse ne se souvienne pas de cette époque avec nostalgie, il faut faire quelque chose. A tous les niveaux - et plutôt aujourd'hui que demain. Pour qu'à l'avenir aussi, nous puissions célébrer des succès lors d'un Euro ou d'une Coupe du monde.


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