Un footballeur romand relativement connu m'a glissé dernièrement qu'il aurait adoré jouer au FC Sion au début de l'année 2023. «Pas pour la relégation, évidemment. Mais pour vivre de l'intérieur le cirque Balotelli. J'ai parlé avec des joueurs de Sion qui m'ont dit que cela avait dépassé tout ce qu'ils avaient vécu auparavant. Et de loin», m'a expliqué ce milieu de terrain. Et c'est vrai que le passage de Mario Balotelli à Sion a été extrêmement divertissant et qu'il est, pour moi, le footballeur de l'année en Suisse.
Pourquoi? Parce qu'il a donné une magnifique leçon à tout le monde: celle qu'un joueur n'est jamais au dessus d'un collectif. Et que, tout le temps, dans l'histoire de ce jeu, dès qu'un club s'écarte de ce chemin, il se retrouve sanctionné. Rappelez-vous l'automne 2022: le FC Sion jouait bien, avec un milieu de terrain équilibré et complémentaire, une attaque efficace sans être géniale, pouvait légitimement viser une place européenne... et voilà qu'arrive Mario Balotelli, censé magnifier cet épatant collectif. Le résultat, neuf mois plus tard: une relégation en Challenge League, aucun match gagné à domicile. La honte nationale à défaut de la gloire internationale.
Merci pour le divertissement
Je l'assume complètement: j'étais très enthousiaste au sujet de cette arrivée pour une raison bien précise: le divertissement et l'exposition sur la Super League qu'allaient amener l'Italien. Et je n'ai pas été déçu. Le football est un spectacle, il vit de ses petites et grandes histoires, et Mario Balotelli nous a régalés... même si on ne sait (malheureusement ou heureusement) pas tout.
Pour le camp d'entraînement en Espagne et ses dessous nocturnes, le carnaval, les piques sur les arbitres, les prises de bec avec les adversaires: pour tout ce folklore, merci Mario.
Pour les analyses sur les plateaux TV, les articles, les polémiques, merci Mario.
Et puis, bien sûr, il y a ce que ce transfert nous apprend, que l'on subodorait déjà: quand tout est passé à un joueur, que ses absences sont couvertes par la direction, que ses écarts de conduite sont pardonnés alors qu'il n'est même pas bon sur le terrain, un club ne peut que courir à la catastrophe, ce qui a été le cas de ce FC Sion, qui a terminé derrière Winterthour alors qu'objectivement, aucun joueur du club de la Schützenwiese n'aurait été jugé digne d'intégrer l'effectif valaisan en début de saison (sauf Matteo Di Giusto, d'accord).
La leçon à tirer du passage de Mario Balotelli en Valais est évidente: le football ne pardonne rien. Le collectif, la cohérence et la discipline sont la clé de tout. Alors oui, vraiment, merci Mario d'être passé et de nous avoir permis de comprendre tout cela en le vivant de près.
Le FC Sion a déjà commencé à s'en relever
Et le FC Sion, victime de cette affaire et du comportement de sa supposée star? Il s'en relèvera. Il a déjà commencé à le faire, d'ailleurs, avec un attaquant qui court et qui défend, et un entraîneur dont l'humilité et les compétences en font l'exact opposé de l'extravagant, inutile et contre-productif Mario Balotelli. Dejan Sorgic et Didier Tholot, en réalité, vous êtes les vrais héros de l'année 2023 du FC Sion.
Même combat au PSG
C'est pour cette raison, aussi, que j'espère de tout mon coeur que le succès en Champions League fuira le Paris Saint-Germain tant que ce club sera géré de cette manière, avec un attaquant qui se permet de ne pas se replier défensivement, de choisir ses partenaires, de décider qui part et qui reste, de faire un cirque tous les six mois en menaçant de s'en aller, puis en signant un nouveau contrat, tout en menaçant déjà de repartir, tout en voulant tirer tous les coups de pieds arrêtés même s'il a autant de réussite sur les coup-francs que Michel Blanc avec les serveuses dans les Bronzés.
Je ne conteste évidemment pas l'évidence: Kylian Mbappé court très vite et a progressé devant le but, ce qui en fait une arme de destruction massive en football et un attaquant très efficace. Le problème est qu'il en est un peu trop conscient et que son talent vampirise le reste.
Il n'est cependant jamais trop tard pour changer et, à ce titre, j'admire l'évolution d'un Pep Guardiola, lequel, pour moi, s'enfermait trop dans une sorte de dogmatisme stérile, notamment au Bayern, et qui a su adapter sa philosophie à Manchester City pour devenir, à mes yeux, l'un des plus grands entraîneurs de l'histoire de ce jeu, ce qu'il n'était pas encore selon moi avant d'arriver en Angleterre. Son équipe en est une vraie, sans être dénuée de talent, bien au contraire. Même les plus forts doivent suivre ses consignes en matière de déplacement, de pressing, de repli défensif. Sinon? Banquette.
Et je rêve parfois que Luis Enrique en fasse de même avec Kylian Mbappé. Ma théorie? Il n'y a qu'ainsi que le PSG peut espérer gagner la Champions League. Peut-être que je me trompe, évidemment, et que Paris soulèvera le trophée en juin avec un doublé de son numéro 7 en finale alors qu'il n'aura pas daigné défendre de toute la compétition et que le monde du football sortira de cinq mois usants de petites phrases et d'allusions à son contrat, mais j'espère sincèrement que ce ne sera pas le cas.
Allez, redevenons sérieux...
Alors bien sûr, Mario Balotelli n'est pas mon «vrai» footballeur de l'année 2023 en Suisse, mais ses pitreries et son état d'esprit viennent justement, à mes yeux, renforcer le statut de ceux qui mériteraient amplement ce titre, et qui sont bien plus nombreux. À qui je pense?
A Olivier Custodio, capitaine du LS ayant perdu en cours de saison sa place à mi-terrain et ayant accepté sans broncher de jouer latéral droit. Il s'y est montré performant, positif et enthousiaste. Un vrai leader se comporte ainsi.
A Steve Rouiller, héros humble des exploits servettiens en championnat et en Coupe d'Europe, buteur décisif et toujours désireux de mettre le collectif et ses coéquipiers en avant. Revenu de l'enfer (ou de Chiasso, c'est la même chose), il a offert une seconde jeunesse à sa carrière et je ne connais aucun footballeur qui mérite plus que lui les joies qu'il éprouve aujourd'hui.
À Fabian Rieder, qui ne dit pas un mot de travers lorsque Murat Yakin l'envoie avec les M21 de l'équipe de Suisse et se montre exemplaire envers ses plus jeunes équipiers, jouant le rôle de grand frère et étant bon sur le terrain. À Rennes, même chose, y compris dans les moments plus difficiles comme aujourd'hui, son temps de jeu étant réduit et les rumeurs de retour à YB s'amplifiant. Dès qu'il a une minute de jeu, il donne tout. Exemplaire.
À William Le Pogam, qui porte le brassard de capitaine à Yverdon et n'a pas hésité à remercier son entraîneur Marco Schällibaum, alors que celui-ci venait de se faire licencier. Loyal avec son entraîneur, sans trahir son employeur, le latéral gauche français est sorti grandi de cet épisode. Et en plus, il a fait un très bon premier tour, lui qui découvre la Super League cette année.
À Numa Lavanchy, resté fidèle au FC Sion malgré la relégation, avec la volonté de «réparer l'erreur» et de remonter tout de suite.
À Lavdrim Hajrulahu, capitaine du SLO, arrivé au club en 1re ligue et aujourd'hui défenseur central de Super League en étant resté fidèle au jeune homme qu'il était et à ses valeurs.
À Franck Surdez, attaquant de grand talent et garçon au naturel épatant.
Et à tous les autres qui mettent le collectif au-dessus de leur petite personne et font parler leur ego en étant bons sur le terrain, tout simplement. Et encore merci Mario pour la leçon de football. Tu reviens quand tu veux!
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