A 34 ans et après une carrière de joueur qui l’a notamment vu passer par le SLO, Bulle et Vevey, Jonathan Mabanza espère bien marcher sur les traces d'un certain Christian Gross. «En Arabie saoudite, dès que je dis que je suis Suisse, tout le monde me parle de lui», sourit-il.
Mais contrairement à l'ancien entraîneur à succès du FC Bâle et d'Al-Ahli notamment, le Lausannois commence lui sa carrière dans le pays du Golfe. Là où une colonie de Lausannois commencent justement à se former avec les présences de Cameron Puertas (Qadsiah FC, 1re division) et de Léo Lacroix (Jabalain, 2e division).
De retour en Suisse pour quelques jours, l’ancien défenseur central formé au LS, fraîchement promu entraîneur principal de Jubail en deuxième division, a pris le temps de répondre aux questions de Blick.
Est-ce que tu aurais imaginé débuter ta carrière d'entraîneur principal d'un club pro si loin de la Suisse, à seulement 34 ans?
Oui, c'est atypique, mais être numéro un est l'aboutissement d'une préparation à la compétition. Que tu aies eu 24 ou 34 ans, il n'y a pas d'âge, ce n'est pas important. Il faut être prêt, car tu ne sais jamais quand ça va arriver, et simplement te lancer. Et je pense qu'avant tout, il faut aussi que je remercie le président, Mr. Al-Khater, parce qu'il m'a donné ma chance.
Comment as-tu atterri en Arabie Saoudite?
L'histoire est assez sympa. Lors d'un cours de perfectionnement de l’Association Suisse de football, j'ai rencontré une personne avec laquelle je suis resté en contact. Et quelques mois plus tard, cette personne m'a appelé pour me proposer un contrat de premier assistant à Jubail. C'est comme ça que ça s'est fait.
C'était un rêve pour toi de devenir entraîneur?
A la base, mon rêve était de devenir footballeur professionnel, comme presque tout le monde (rires). J'ai été formé au Lausanne-Sport, mais je n'ai pas eu la possibilité de passer pro. C'est de là que cette envie d'entraîner est née en moi et j'ai rapidement passé le pas.
Tu étais d'abord entraîneur assistant, puis tu es passé principal. Comment as-tu vécu cela?
J'ai d'abord été surpris et ensuite, j'ai rapidement été excité. Je me suis un peu senti comme dans un TGV, tout est allé très vite (rires). Je remercie l'ASF de m'avoir permis de passer les diplômes requis pour occuper cette fonction, grâce à cela, j'ai eu rapidement ma chance.
Qu'est-ce qui te plait dans ce job?
J'avais cette envie de partager, d'aider. Car pour moi, être entraîneur, c'est avoir envie d'emmener le joueur le plus haut possible. C'était finalement une suite logique.
Te considères-tu plus comme un fin tacticien ou plus comme un meneur d'hommes?
Un peu des deux. De par ma personnalité, j'aime bien ce que fait Jürgen Klopp. Il est la bonne balance entre les deux. Tu sens que c'est un meneur d'hommes, tu sens qu'il est proche de ses joueurs. Mais tu sens aussi que c'est un fantastique tacticien quand tu vois tout ce qu'il a réussi à réaliser avec Liverpool. C'est le coach qui m'inspire le plus. Notamment grâce à sa longévité. Il n'est pas simplement devenu une étoile filante.
D'habitude les jeunes entraîneurs disent plutôt s'inspirer de Pep Guardiola. Qu'est-ce qui te plaît particulièrement chez l'Allemand?
Sa personnalité, je l'aime beaucoup. Mais aussi sa façon de manager et son punch. Il est très humain.
Fan de Liverpool donc?
Non, d'Arsenal!
Un jeune joueur regarde la manière qu'a son idole de jouer, tu regardais les matches de Liverpool et tu t'en inspires sur le plan tactique?
Non, pas forcément, parce que Klopp et moi sommes deux personnes différentes. Même si le football peut être une photocopie, je pense que je dois avoir mes propres idées. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas les mêmes joueurs, on n'est pas dans le même contexte. Et je pense qu'en tant qu'entraîneur il faut être capable de s'adapter. J'ai aussi envie d'écrire mon histoire. Donc je m'inspire, mais je ne me copie pas.
Quel est ton style du coup?
J'aime bien lorsque les choses sont bien organisées. J'aime bien la discipline, mais aussi que les joueurs aient du plaisir sur le terrain. Je dis toujours que ma philosophie, c'est d'avoir un cadre, mais qu'à l'intérieur, il faut donner beaucoup de liberté aux joueurs. C'est important pour moi. Mais par contre, je sais exactement ce que je veux et je sais ce que j'attends de mes joueurs.
Que peux-tu nous dire du football en Arabie Saoudite?
Il y a énormément d'engouement autour du football. C'est très médiatisé, très suivi et respecté. Tu sens la ferveur à chaque match. Tout est très pro, les infrastructures sont excellentes et le niveau est de qualité. En première division, 14 joueurs ont participé à l'Euro cet été. Cela montre qu'il y a du niveau. Concernant la deuxième division, il y a aussi un flux d'étrangers qui est important. Et ce sont des joueurs d'un certain calibre. Ils viennent de première et de deuxième division française, de première division brésilienne, ... C'est costaud.
Le championnat saoudien n'est pas très bien vu ici en Europe, on lui reproche de tuer le football avec tout l'argent qu'il investit à droite à gauche depuis un peu plus d'un an.
Ce n'est pas qu'une question d'argent. Les clubs saoudiens sont sur le toit du football asiatique depuis plus de 10 ans déjà. Il y a de très bons joueurs comme Bafétimbi Gomis, ou Sebastian Giovinco, qui ont déjà évolué là-bas avant tous ces transferts. De grosses sommes sont investies, mais c'est dans une volonté de pérenniser le football, le rendre très compétitif. Les investissements sont ciblés avec la volonté de devenir le meilleur championnat du monde.
La question de la température était importante lors de la Coupe du monde au Qatar, comment gérez-vous les hautes températures du désert?
La journée, on est vraiment sur des températures très très hautes. Du coup, on s'entraîne plutôt en fin de journée. Maintenant qu'on arrive sur la période hivernale, le thermomètre redescend un peu, donc tu peux t'entraîner au milieu de l'après-midi, vers 16h. Sinon, la matinée, on est plus sur du travail au fitness et on se repose.
Qu'est-ce que «très hautes»?
Dans la région où je suis, il fait facilement jusqu'à 42 degrés. Donc, on ne peut absolument pas s'entraîner le matin, c'est dangereux. En fin de journée, il fait encore autour des 30 degrés.
Quels sont tes objectifs à court et à long terme?
À court terme, je veux continuer à me développer, continuer à mener à bien mon rôle d'entraîneur principal de Joubail. Aider le club à atteindre ses objectifs. A long terme, j'espère être sur un banc, ou dans un staff de Champions League ou de Coupe du Monde.
Quand on vient de Lausanne, rêve-t-on d'entraîner un jour le Lausanne-Sport?
Bien sûr. Pour la simple et bonne raison que je suis fier d'être Suisse, je suis fier d'être Vaudois. Ma formation d'entraîneur a commencé au sein de l'académie du LS. Mon ADN est totalement lausannois. Donc oui, si Lausanne m'appelle un jour pour être le coach numéro un de la première équipe, j'accepte sans hésiter. Mais pour l'instant, mon téléphone n'a pas sonné (rires).