L’équipe de France de football vient de perdre à nouveau son étoile. Impossible, après les propos tenus dimanche 8 janvier sur la radio RMC par son président Noël Le Graet, de ne pas s’interroger sur l’envers du décor de cette organisation portée aux nues par les supporters, après l’extraordinaire finale perdue par les Bleus contre l’Argentine, le 18 décembre 2022.
Impossible surtout de ne pas imaginer, dans les couloirs de la Fédération française de football (FFF), une ambiance digne des pires polars.
Un «menhir» qui devient tueur en série
Dans le rôle du tueur en série? Un «menhir» breton de 81 ans (depuis le 25 décembre), industriel de l’agroalimentaire, ancien patron de l'En avant de Guingamp (ndlr: club breton de football), au pouvoir depuis 2011 après avoir présidé la Ligue professionnelle de football entre 1991 et 2000.
Dans le rôle de la victime froidement exécutée d’une balle radiophonique dans le dos? Zinédine Zidane, 50 ans, Ballon d’or 1998, considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs joueurs français de tous les temps, aux côtés de Michel Platini qui remporta trois fois le Ballon d’or (1983, 1984, 1985).
Dans le rôle du public médusé? Soixante millions de Français, les «Bleus» et le gouvernement. «Zidane, c’est la France», a réagi sur Twitter Kylian Mbappé, le héros de la finale perdue. Un jugement sans appel.
Rien de tout cela, pourtant, n’est si étonnant. Car depuis des mois, la FFF et son budget annuel de 266 millions d’euros ressemblent, tout comme son siège du 87, boulevard de Grenelle à Paris, à une forteresse cernée par les assauts.
Accusations de harcèlement sexuel contre Noël Le Graët, soupçons de conflits d’intérêts à tous les étages, plaintes pour homophobie, mise en cause de la directrice Florence Hardouin… Le tout, au point de déclencher une série d’enquêtes qui, justement, redémarrent cette semaine après la trêve de fin d’année. C’est ce mardi que le président de la FFF et celle qu’il a installée pour le seconder doivent répondre aux inspecteurs dépêchés par le Ministère des sports.
Vendredi 6 janvier, le comité exécutif de l’organisation a été dominé par ce sujet après l’annonce, sans surprise, de la reconduction jusqu’en 2026 du sélectionneur Didier Deschamps. «Le Graët n’était déjà plus de notre époque, s’énerve un cadre de la Fédération. La Coupe du monde au Qatar a encore aggravé son déphasage.»
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Choix arbitraires
L’octogénaire breton, connu pour ses sorties machistes et son franc-parler, s’est souvent retrouvé mis en cause pour ses choix arbitraires. Dans l’affaire Benzema, qui a conduit l’avant-centre du Real Madrid à être tenu pendant des années à l’écart des Bleus avant son retour lors de l'Euro en 2021, les partisans du joueur l’ont même plusieurs fois taxé de racisme anti-arabe.
Difficile, dès lors, de ne pas voir dans ses sorties contre Zidane au micro de RMC une simple embardée dans un talk-show de foot désireux de faire le buzz. Déclarer «qu’il n’avait rien à secouer» de savoir si Zidane pouvait, un jour, prendre la tête de l’équipe brésilienne, revenait à jeter une allumette sur un fagot déjà incandescent.
Avec, en plus, le risque de gâcher la reprise pour un Didier Deschamps qui se retrouve par ricochet dans le collimateur. «S’il voulait diviser les Bleus, il ne s’y serait pas pris autrement», affirmait sur France Info, lundi, l’ancien défenseur et coéquipier de Zidane, Bixente Lizarazu.
Retrouvez les propos de Noël Le Graet sur RMC:
Quel épilogue?
L’épilogue de l’histoire? Sans doute le départ anticipé de ce dinosaure du football français, élu jusqu’au 31 décembre 2024. Dès ce mardi, dans le cadre d’une conférence de presse sur la préparation des Jeux olympiques 2024, la ministre des Sports devrait remettre les points sur les i et accroître la pression.
D’autant que ce spectacle désolant à la FFF suit de peu l’autre feuilleton sportif détestable de la fin d’année 2022: celui de l’ex-président de la Fédération de rugby, Bernard Laporte, qui refuse toujours de démissionner après sa condamnation à deux ans de prison avec sursis.