«C'est très grave, lance d'emblée Nicole Petignat au téléphone. C'est très grave qu'en 2023, on doive encore m'appeler pour un sujet sur une femme qui siffle chez les hommes. Cela devrait pourtant aller de soi depuis longtemps et ne plus valoir un scoop.»
La Jurassienne a bien sûr raison. Aujourd'hui âgée de 57 ans, elle est une pionnière. Elle sifflait déjà dans les années 90 dans les deux plus hautes ligues masculines de Suisse, et plus tard aussi en Coupe de l'UEFA, l'ancêtre de l'Europa League. Et pourtant, c'est un scoop si, samedi prochain, à la veille de Noël, une femme arbitrera pour la première fois les hommes en Premier League.
Rebecca Welch est l'élue. Cette Anglaise de 40 ans sifflera la rencontre entre Fulham et Burnley. La mère patrie du football suit donc un quart de siècle après les apparitions de Petignat en Suisse. «En retard», commente la Jurassienne, qui ne connaît pas sa consœur et ne l'envie pas. «En tant que femme, on est particulièrement sous les feux de la rampe, on doit être irréprochable et malgré tout, on doit toujours s'attendre à des critiques qui ne sont pas objectives».
Chants injurieux lors d'un match de deuxième ligue
Rebecca Welch est cependant endurcie, comme toutes les arbitres féminines qui sont parvenues au plus haut niveau masculin. Comme l'Allemande Bibiana Steinhaus (44 ans), qui a sifflé son premier match dans la plus haute ligue masculine en 2017, comme la Française Stéphanie Frappart (40 ans), arbitre de la Ligue 1 française depuis 2019, qui a même pu siffler la Coupe du monde masculine au Qatar en 2022, ou comme Maria Sole Ferrieri Caputi (33 ans) en Série A. Elles ont toutes surmonté bien des épreuves sur leur chemin vers le sommet, sinon elles ne seraient pas là où elles sont aujourd'hui.
Il y a un mois encore, Rebecca Welch a dû supporter des chants misogynes lors du match de championnat entre Birmingham City et Sheffield Wednesday. Elle les a professionnellement ignorés. Ils lui sont tout simplement indifférents. Deux jeunes ont ensuite été arrêtés pour trouble à l'ordre public. «Je me demande avec quelle image de la femme de tels jeunes ont grandi. Qui sont leurs mères?», se demande Petignat. La colère est audible.
«La VAR sape la personnalité des chefs»
Bien sûr, elle a aussi dû essuyer de temps en temps des critiques subjectives, ce qui n'a pas toujours été agréable. «Mais je referais tout comme avant, car les bons moments et les expériences importantes que j'ai pu faire l'emportent». Nicole Petignat est tout de même contente que cette époque où il fallait toujours faire ses preuves soit révolue. Ce d'autant plus que c'est une autre affaire aujourd'hui avec l'arrivée de l'assistance vidéo. «La VAR enlève un peu de pression, mais elle peut aussi saper la personnalité des arbitres lorsqu'elle révèle impitoyablement des erreurs.» Selon elle, c'est sans doute plus facile pour les femmes aujourd'hui qu'à leur époque, car les aspects de la condition physique et du physique ne figurent plus en tête des priorités.
Maria Sole Ferrieri Caputi a arbitré dimanche dernier le match de série A opposant la Fiorentina à Vérone (1-0). Il est frappant de constater que les joueurs ont beaucoup réclamé et protesté contre ses décisions. Mais elle ne s'est pas laissée déstabiliser par les remarques incessantes, elle a tenu bon et a finalement dirigé le match de manière souveraine.
La guilde des entraîneurs se réjouit de l'arrivée de Welch
Les entraîneurs de Premier League ont salué cette arrivée. De l'entraîneur de City Guardiola ("C'est une excellente nouvelle") au manager de Newcastle Howe ("C'est un grand moment") en passant par l'entraîneur de Chelsea Pochettino ("Je suis vraiment heureux"), tous sans exception se montrent enthousiastes pour les débuts de Rebecca Welch. Cela constitue une aide précieuse pour l'Anglaise. Prochaine étape? Ne plus à avoir à appeler Nicole Petignat parce qu'une femme arbitre dans une Ligue, mais que ce soit dans les mœurs. Ce Fulham - Burnley sera un pas dans cette direction.