On a revu le match de la honte
Huggel, Streller et Gygax retournent en enfer

Ce dimanche (18h), la Suisse affrontera la Turquie dans le cadre de l'Euro. Cette affiche qui rappelle l'un des matchs les plus mémorables de la Nati: le retour du barrage de la Coupe du monde 2005. Nous l'avons revu avec Marco Streller, Benjamin Huggel et Daniel Gygax.
Publié: 20.06.2021 à 06:01 heures
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Dernière mise à jour: 20.06.2021 à 16:02 heures
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Marco Streller, Beni Huggel et Daniel Gygax (de gauche à droite) regardent à nouveau ensemble le match de la Turquie lors du barrage de la Coupe du monde 2005.
Photo: STEFAN BOHRER
Interview: Mämä Sykora (Rédacteur en chef de «Zwölf»)

A l’époque, l’équipe de Suisse courait après sa première qualification pour une Coupe du monde depuis 1994 Le match aller du barrage face à la Turquie au Stade de Suisse s’était bien passé. En novembre 2005, la sélection nationale s’était imposée 2-0 grâce à une solide performance et des buts de Philippe Senderos et Valon Behrami. Mais le véritable test était encore à venir pour les Suisses. Le match au Stade Şükrü Saracoğlu d’Istanbul, quatre jours plus tard, s’annonçait tendu. Et il l’a été. Ce fut l’une des rencontres les plus mémorables de l’histoire du football suisse.

Plus de 15 ans après, nous avons réuni trois protagonistes de l’époque pour raviver quelques souvenirs. Dans le bar «Didi Offensiv» situé à Bâle et ouvert en hommage à Didi Andrey, nous avons amené un enregistrement de la rencontre. Sur le canapé, Marco Streller, Benjamin Huggel et Daniel Gygax n’en ratent pas une miette. Dès le début de la retransmission, le consultant de la SRF Alain Sutter explique au journaliste Matthias Hüppi et au public alémanique combien il sera important pour la Nati d’être courageuse. Le décor est planté. Place aux anciens internationaux qui sont sortis entiers de cette soirée en enfer sur les bords du Bosphore.

Daniel Gygax: Après la première manche au Stade de Suisse, tout allait bien.

Beni Huggel: Nous avons pris le bus de Berne à Feusisberg. Forcément, l’atmosphère était géniale. Nous nous sommes autorisé une bière, avons chanté et écouté de la musique.

Marco Streller: Il y avait des tubes un peu vieux jeu comme «Erna Schabulski». Des choses qui n’étaient pas au goût de «Gygi» (ndlr: Daniel Gygax).

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Huggel: Nous ne sommes rentrés à l’hôtel qu’après minuit et nous avions vraiment envie de sortir et de fêter la victoire. Mais Köbi Kuhn nous a convoqués pour une réunion. Il a dit que nous nous étions mis en excellente position et que maintenant nous devions nous concentrer sur le match retour. Donc il était important de nous reposer…

Gygax: Et nous tous à dire: «S’il vous plaît non! S’il vous plaît non!»

Huggel: Finalement, il a pris la décision que nous devions rester à l’hôtel. Il a ajouté: «Et si vous sortez quand même, ne vous faites pas prendre.»

Streller: Mais personne n’est parti. Même si nous ne sommes pas allés directement au lit, bien sûr (sourires).

Huggel: Nous n’avions aucune idée de ce qui nous attendait au match retour.

Gygax: J’ai grandi avec beaucoup de Turcs. J’ai parlé à l’un d’entre eux au téléphone avant le match et il m’a dit: «Attachez vos ceintures! Ça va être vraiment compliqué pour vous.» Je riais encore à ce moment-là.

Huggel: Christoph Preuss, mon coéquipier à Francfort à l’époque, m’a également mis en garde. Il y avait joué un an auparavant avec les U21 allemands et avait eu de mauvaises expériences. Cela ne m’a pas inquiété. Je pensais que ce serait un match difficile à l’extérieur, comme j’en ai fait des dizaines auparavant.

Streller: Nous savions que ce serait bruyant et animé dans le stade. Puis nous avons atterri à Istanbul, la porte de l’avion s’est ouverte, et il y avait ce drapeau: «Bienvenue en enfer». Il y avait déjà beaucoup de cris.

Gygax: De l’avion à la porte, les gens faisaient la queue, bras dessus, bras dessous. On a dû se faufiler entre les deux, et tout le monde criait «Beş!» «Beş!» «Beş!». Donc cinq, comme le nombre de buts que nous allions ramasser selon eux. Quand nous sommes finalement arrivés au contrôle des passeports, il n’y avait qu’un seul comptoir ouvert.

Streller: Alex Frei est resté au comptoir pendant environ une heure. Le fonctionnaire avait mis le passeport de côté et lisait calmement le journal. L’attente était fastidieuse, mais ce n’était pas encore le pire.

Huggel: Lorsque nous avons finalement franchi le point de contrôle après une heure et demie, nos bagages n’étaient toujours pas là. Au lieu de cela, les employés de l’aéroport se tenaient sur le tapis roulant avec des drapeaux et criaient. Certains d’entre eux se sont placés devant Köbi et ont mis le drapeau sur sa tête. Puis Philipp Degen a dit: «Nous devons intervenir». Nous nous sommes alors placés devant Köbi pour le protéger.

Streller: Finalement, il a été décidé que nous devions aller à l’hôtel pendant que les physios attendaient les bagages. Les pauvres…

Huggel: Dehors, ça a vraiment commencé. Il y avait ces gens avec des notes, «Hurrenson» (ndlr: une forme estropiée de «fils de pute») et ainsi de suite. Nous avons été bousculés, insultés, on nous a craché dessus.

Streller: On a réussi à monter dans le bus. Nous n’étions pas encore arrivés au carrefour que des personnes à moto nous ont rattrapés et nous ont jeté des pierres. Ils ont brisé des fenêtres.

Huggel: A cet instant, il était déjà clair pour nous que c’était une action orchestrée. Nous étions heureux d’arriver enfin dans l’hôtel, avec des murs pour nous protéger. Initialement, une autre séance d’entraînement dans le stade avait été prévue, mais nous étions tous si choqués que nous l’avons annulée. Au lieu de cela, nous avons joué à cinq sur la terrasse en marbre de l’hôtel, ce qui n’était pas une préparation idéale pour le match…

Gygax: Les deux jours avant le match ont été plutôt calmes. Il y a quand même eu cette réconciliation mise en scène entre les présidents d’association, et nous avons pu préparer le match normalement. Oh, nous y voilà, Beni Thurnheer (ndlr: Le commentateur de la chaîne SRF) a pris le relais.

A cet instant, les joueurs ont revêtu leur survêtement et se tiennent debout, en bleu foncé pour les deux hymnes nationaux. Au match aller, il y a eu des remous car les Suisses ont hué l’hymne national turc. La réponse allait suivre. C’est sûr.

Gygax: Les spectateurs turcs sifflaient si fort que nous ne savions même pas si l’hymne était joué ou non.

Huggel: Nous ne savons toujours pas s’ils l’ont réellement joué. Et maintenant l’hymne turc, et tout le stade chante à tue-tête. C’est impressionnant, mais la «Marseillaise» en France l’est aussi.

L’arbitre De Bleeckere donne le coup d’envoi du match qui a tout décidé.

Huggel: Après le match, il a été dit que De Bleeckere avait réalisé un bon match dans ces circonstances. Mais c’était un désastre.

Streller: Ha! Nous avons appris cela de Christian Gross: une longue balle tout de suite et ensuite devant afin de gagner une remise en jeu.

(1ère minute) Frei fait une passe à Wicky, qui était également suspendu à l’aller. Une occasion pour Frei. Le ballon a-t-il touché la main d’un Turc? Cela y ressemblait furieusement. Penalty pour la Suisse!

Huggel: Oh, là, là, Alex! Bien joué!

Streller: Il fait un travail sensationnel. Ce lob sur Alpay! Penalty après même pas une minute de jeu. Mais vous voyez, l’arbitre a hésité un peu.

Gygax: C’était une main claire. Heureusement, sinon il n’aurait pas osé siffler. Fatih Terim a probablement failli exploser sur le banc de touche.

Huggel: Alex me demandait comment il devait tirer le penalty. Je disais toujours: «Comme d’habitude.» Il les a toujours tous tirés de la même manière.

But! 1-0 pour les Suisses à la 2ème minute. Et les Turcs ont désormais besoin de quatre buts pour éliminer les Suisses. Quelques bâtons volent des tribunes sur le terrain.

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Déjà à la réception à Istanbul, tout n'était pas agréable. Obstacles bureaucratiques, longs délais d'attente au contrôle des passeports.
Photo: TOTO MARTI

Gygax: Quand vous applaudissez, vous vous faites insulter. Nous criions tous sur le terrain.

Streller: Je ne me rappelle même pas quel était notre plan de match. En tout cas, nous avons failli ouvrir une bouteille sur le banc (rires).

Huggel: Dans une situation comme celle-là, vous ne devez rien changer. Il faut continuer à jouer vers l’avant, sinon on se fait écraser.

Streller: Vous remarquez tout de suite que nous étions meilleurs dans le jeu après l’ouverture du score. Mais aussi que nous étions toujours un de plus dans chaque duel.

Huggel: Mais il n’y a pas encore les grandes émotions, parce qu’à cet instant l’issue du match est claire.

(9e) Faute de Degen. Et Tunçay réclame un carton jaune.

Streller: Regardez comme ils se plaignent! Et ça fonctionne! Philipp reçoit un carton jaune!

Huggel: L’arbitre aurait dû donner un carton jaune à Tunçay tout de suite. Au lieu de cela, il se laisse influencer ici et donne un jaune à Philipp pour rien. Il ne se rend pas le match plus facile. C’est bien que nous soyons restés calmes, cependant.

Streller: Gygi fait le pressing tout seul (rires).

Huggel: Nous avions très peu de possession. A cet instant, on peut sentir que cela n’allait pas être si facile.

Streller: Mais ils n’ont pas encore eu l’occasion de marquer.

Gygax: Ce n’est pas possible! Regardez! Il prend le ballon qui était bien trop haut de la main. Et il n’écope pas d’un jaune pour ça?

Huggel: Je te l’ai déjà dit! L’arbitre n’était pas bon.

(15e) Spycher a fait un bon début de match. Mais sur ce tacle, le joueur turc a joué la balle mais l’a également touché.

Streller: Si «Wuschu» (ndlr: son surnom) est couché au sol, ce n’est sûrement pas de la simulation.

Huggel: Ils y vont très fort. Même s’il frappe la balle, c’est tout de même une faute.

Streller: Mais le coup franc ne donne rien car Alex Frei est parti trop tôt. Hors-jeu.

Huggel: Alex a probablement dû jouer ainsi parce qu’il n’était pas le plus rapide. Il était toujours sur le fil du rasoir.

Streller: Philipp était même plus en avance que lui. Et puis il revient en courant. La vache! Il avait une sacrée énergie!

Gygax: Oui, Degen était très offensif.

Huggel: Je crois que Patrick Müller avait à chaque fois une crise cardiaque dès que Philipp sprintait vers l’avant.

Streller: C’était un défenseur latéral extrêmement moderne. S’il n’avait pas été blessé aussi souvent, il aurait pu être l’un des meilleurs en Europe.

(18e) Oooh, la frappe est déviée en corner. Et les Turcs réclament encore un penalty. Ils pensent qu’un joueur a bloqué le ballon avec sa main. Et ça y ressemble presque.

Gygax: Ouf, je ne me souvenais pas de ça. Ce n’était pas le bras de Wicky?

Huggel: Eh bien, selon les règles d’aujourd’hui, ce serait certainement un pénalty.

Streller: Nous avons été assez chanceux sur ce coup. Je ne me souviens pas non plus de la scène.

Huggel: La façon dont ils ont poussé l’arbitre! Emre lui a même arraché le bras! Au moins, il a reçu un carton jaune.

Streller: Bel arrêt, Gygi! Oh, est-ce qu’il t’a donné un coup de genou en passant?

Gygax: Oui, mais j’ai évidemment trouvé que c’était drôle. Secrètement, dans les matches chauds, vous attendez des occasions comme celle-ci où vous pouvez frapper votre adversaire. Nous étions tellement excités à ce moment-là que nous aurions pu déplacer des montagnes (rires).

(21e) Faute de Cabanas. Ah, ici encore Emre donne un coup bas.

Streller: Emre, Tunçay et Volkan ont été les pires dans ce match.

Huggel: Même lorsque les choses s’enveniment, vous vous rappelez toujours qui joue fair-play et qui joue moins comme ça. Tu ne peux pas mettre toute l’équipe dans le même panier.

Streller: Ce ne sont que trois ou quatre Turcs qui sont allés trop loin. Les autres étaient parfaitement corrects. Avant cela, Selçuk a reçu un jaune pour une faute, mais il s’est excusé tout de suite.

Gygax: Hakan Şükür était aussi un vrai gentleman: toujours juste, toujours correct.

Spycher trouve Gygax. Gygax entre et… met la balle au fond. Oh non, il a manqué le but. Il était un peu gêné. C’était difficile, bien sûr, mais c’était une autre grande occasion de marquer.

Streller: Hé, où est-ce que tu vas?

Gygax: Qu’est-ce que j’ai fait là?

Huggel: Tu ne peux pas la remettre au milieu pour Alex? Ou tenter ta chance du cou-de-pied?

Gygax: Je ne sais pas ce que je faisais là. C’était nul.

(24e) Il y a coup franc et l’égalisation tombe. 1-1, 24e minute. Tunçay, comme déjà mentionné ici a déjà marqué trois buts contre Manchester United, il inscrit le 1-1 contre la Suisse.

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Gygax: Bien sûr, c’est encore plus ennuyeux vu qu’on a eu cette action juste avant. Mais Tunçay est aussi très libre au deuxième poteau.

Huggel: Je ne me souviens pas qui devait le marquer. Normalement, on assigne quatre ou cinq joueurs sur les meilleurs joueurs adverses, et Tunçay était de cette trempe. Barnetta est là dans le duel avec lui, mais ce n’était certainement pas son homme. Catastrophique.

Et une faute sur Gygax. Gygax s’est blessé à l’épaule dans la chute. La question est de savoir s’il pourra continuer à jouer. En ce moment, les soigneurs se précipitent vers lui.

Streller: Faute violente!

Huggel: Il a sauté le genou en avant vers ton épaule?

Gygax: Oui, à partir de ce moment-là, j’étais cassé.

Streller: On m’a envoyé m’échauffer. Seul. Ce n’était pas très agréable juste devant les tribunes.

Gygax: J’étais dans une douleur extrême. On m’a mis de la glace, dit quelques bons mots, mais j’ai dû ressortir. Je voulais vraiment continuer à jouer, mais ça n’avait pas de sens. On peut voir de loin que je ne suis plus dans le coup, que je ne me lance pas dans les duels. Là, je fais le signe vers le banc.

Streller: Je n’étais pas encore chaud, Gygi!

Huggel: Marco n’avait probablement pas encore attaché ses chaussures ou mis ses protège-tibias (rires).

Streller: Ce n’était certainement pas le match le plus simple pour faire son entrée en jeu. Mais il fallait que je me fasse remplacer!

Huggel: J’ai toujours voulu entrer aussi, sauf pour le 0-7 avec Bâle contre le Bayern, où j’ai gentiment refusé.

Gygax: Bien sûr, je suis retourné sur le terrain (sourire). Je voulais encore grappiller quelques secondes de plus. Si tu fais signe au kiné que ce n’est pas si grave, il le saura. Ici, je voulais quitter le terrain le plus lentement possible, mais tout le monde m’a poussé jusqu’à ce que je sois sur le banc.

Streller: Wow, j’était aussi bouclé qu’un mouton (rires)! Et nos maillots étaient beaucoup trop grands!

(35e) Coup franc à bonne distance du but: presque 30 mètres. Dommage que Magnin ne soit pas là aujourd’hui. Ce sera soit Cabanas, soit Frei.

Streller: Tu vas tirer de là, Alex?

Huggel: J’espère que non.

Streller: Oh, Ricci! Bien essayé. Cabanas a été extrêmement utile pour le groupe. Nous avions une grande équipe à l’époque.

Huggel: Et un grand esprit d’équipe. Il n’y avait pas de clan.

Streller: C’est vrai, je n’ai jamais vécu une telle expérience avec une autre équipe. Les Romands étaient peut-être plus solidaires, mais Magnin, Wicky et Müller étaient bilingues, donc on se mélangeait bien.

Gygax: Cela n’avait aucune importance que quelqu’un joue avec Bâle, Zurich ou GC. Nous étions très souvent tous ensemble.

Huggel: Wow, c’était une faute grave de Degen. Ce n’était pas intentionnel, mais il a glissé et a touché Hakan Sükür avec la jambe tendue. Sur le banc, on avait constamment peur qu’il soit expulsé. C’est pour ça qu’il a été remplacé à la pause.

Ooooh, Zuberbühler ne peut rien faire, Hakan Şükür marque à la 38e minute. Maintenant, bien sûr, ça chauffe, lentement mais sûrement. Hakan Şükür n’a pas marqué lui-même, cela a été repris au centre. La balle serait probablement entrée de toute façon. On voit le buteur ici, c’est encore Tunçay.

Huggel: Ce genre de scène ne devrait jamais arriver. Quand «Wuschu» doit aller au duel de la tête contre Şükür, cela ne peut pas fonctionner.

Gygax: On commençait à s’en inquiéter. Je suis resté sur le banc après mon remplacement, je ne pouvais pas aller dans le vestiaire. C’était de l’autre côté du terrain et l’entrée était pleine de gens. Je préférais être avec l’équipe de toute façon.

Streller: Après le but, c’est redevenu plus bruyant dans le stade. Impossible de comprendre les instructions du banc, nous n’entendions rien sur le terrain.

Gygax: Même nous, les joueurs, devions nous crier dessus.

Streller: Nous étions organisés de toute façon. C’était l’équipe nationale, donc tout le monde savait ce qu’il avait à faire.

(41e) Faute sur Streller. Tolga Seyhan est un joueur très dangereux.

Gygax: Fauché par-derrière et même pas de carton jaune?

Huggel: Tu te lèves trop vite, Marco!

Streller: Quand j’étais par terre, tout le monde me tirait. Il y avait des pieds et des mains partout.

Huggel: Je savais que les Turcs allaient y aller fort. Mais qu’il y ait eu autant de fautes et qu’elles soient si dangereuses…

Gygax: Coup franc obtenu par Alex. Tenir le ballon comme il le fait ici, il était déjà très bon dans ce domaine.

Streller: Et voilà le «rouleau de sushi»! C’est comme ça qu’on l’appelait quand Alex se laissait tomber au duel.

Gygax: Tu as aussi dû presser, Marco.

Huggel: Presser avec Alex ce n’était vraiment pas facile. Il avait des qualités incroyables, mais le pressing n’en faisait pas vraiment partie.

(45e) Streller est au sol car il a été touché par le tir de Volkan.

Streller: En plein dans la tronche!

Huggel: Super tête (rires).

Streller: C’était un coup dur. Je me suis effondré directement.

Huggel: Mais ce n’est pas possible! Tu es allongé sur le sol, encerclé et harcelé par les Turcs, et aucun de nous n’est là? J’aurais été là immédiatement, tu le sais.

Gygax: Il y en a un autre qui te touche la main! Et Volkan qui te pousse. C’est vraiment une peste de premier ordre.

Donc, la pause est là. La Turquie mène 2-1 contre les Suisses. La quatrième mi-temps de ces deux matchs sera décisive. Les Suisses ont un avantage sur les scores cumulés.

Gygax: Les Turcs n’ont pas vraiment eu beaucoup d’occasions.

Huggel: Non, mais nous n’avons pas eu le ballon longtemps. Ils l’ont toujours récupéré après deux ou trois passes. On ne voit plus de matchs de ce genre à ce niveau, la possession ne change pas si souvent.

Gygax: La personne qui avait la balle était toujours soumise à une forte pression. Est-ce que je me trompe, ou est-ce que les joueurs ont parfois même plus de temps de nos jours?

Huggel: Ce sont plutôt les joueurs qui sont devenus meilleurs, surtout sur le plan technique. À l’époque, on faisait plus d’erreurs sous pression. Patrick Müller, par exemple, était loué à l’époque pour son calme dans la construction, mais nous avons vu quelques relances incontrôlées que personne ne ferait aujourd’hui. Aujourd’hui, chaque équipe inclut le gardien de but dans le jeu comme un joueur de champ, ce qui n’existait pas à l’époque.

Streller: Mais j’ai le sentiment que les défenseurs défendaient mieux à l’époque et étaient plus forts dans les duels en un contre un. Entre-temps, cet aspect a été quelque peu sacrifié au profit de joueurs défensifs plus forts.

Huggel: Je ne me souviens pas de ce qui s’est passé dans le vestiaire pendant la pause.

Streller: Hmmm, je n’en ai aucun souvenir non plus. Probablement que «Zubi» et «Ricci» nous encourageaient.

Gygax: Köbi était plutôt le genre de gars qui nous disait de rester calme. Dans les discours avant les matches, par exemple, il disait simplement: «Les gars, que puis-je vous dire? Tout a été dit. Rendez tout le monde fier.»

Huggel: Tactiquement, bien sûr, vous avez moins d’options avec la Nati qu’en club. Dans ses discussions tactiques, il était très étroitement guidé par ce que l’ASF lui dictait. Il y avait ce cercle qui représentait toutes les phases du jeu – possession, perte du ballon, gain du ballon – et il revenait sans cesse.

Gygax: Mais cela ne signifie pas que nous ne l’avons pas respecté.

Huggel: Bien sûr que non! Il a été un meilleur joueur d’équipe nationale que nous trois réunis.

Streller: Il était exactement ce dont nous avions besoin en tant qu’équipe. Il était fantastique sur le plan relationnel!

Gygax: Köbi te prenait aussi à part lors de l’entraînement et te parlait de Dieu ou du monde. Vous sentiez tout de suite senti que vous étiez entre de bonnes mains. Comme quand tu parles à ton grand-père.

(50e) Ergün tirera le coup franc, l’un des six nouveaux venus, vainqueur de la Coupe UEFA 2000 avec le Galatasaray Istanbul. C’est bien frappé, dangereux… et penalty! J’aimerais voir ça au ralenti.

Streller: Oui, je sais: un attaquant dans sa propre surface de réparation… Je laisse toujours traîner mon pied en arrière. Bien sûr, le Turc cherchait le penalty. Mais cela n’arrive pas à un défenseur qui est habitué à ces moments.

Gygax: Tu ne le touches même pas!

Huggel: Il doit le donner, je pense.

Streller: Je ne peux pas me plaindre, de toute façon. Pour moi, c’était vraiment difficile: j’entre et je provoque un penalty. Mais Müller est venu me voir tout de suite et m’a encouragé.

Gygax: Wow, la tête que fait Alpay quand il célèbre. Il était vraiment bouillant. Tu as joué avec lui plus tard à Cologne. Comment était-il là-bas?

Streller: Il était complètement différent là-bas. Plutôt affable et sympathique.

(59e) Senderos commet une autre erreur d’inattention sur une passe en retrait à Zuberbühler. C’est une phase difficile pour l’équipe nationale suisse.

Gygax: Il n’y a personne qui veut vraiment jouer. Presque personne ne se propose.

Streller: Et Frei est seul contre cinq Turcs devant.

Huggel: Ce serait différent dans la Nati d’aujourd’hui. Xhaka, par exemple, s’offrirait à tout moment et réclamerait le ballon.

Gygax: Vogel avait un excellent jeu de placement et il était très sûr de lui. Mais ce n’est pas lui qui a accéléré et fluidifiait le jeu. Il dirigeait beaucoup moins la manœuvre que Xhaka aujourd’hui.

Huggel: Les Turcs sont encore plus motivés par ce score.

Streller: Ils n’avaient besoin plus que d’un but supplémentaire. Vous pouvez l’entendre tout de suite, l’ambiance est encore montée d’un cran.

Huggel: J'étais déjà en train de courir et les spectateurs me jetaient des objets. Puis j’ai rejoint Yıldıray Baştürk et j’ai toujours couru sous sa protection (rires).

Streller: Köbi était aussi très ému!

Huggel: Oui, il se tient debout devant le banc, c’est un signe indubitable (tout le monde rit). Mais lorsque vous avez joué sous la direction de Christian Gross pendant dix ans, vous êtes habitué à quelque chose de complètement différent.

(67e) Jaune pour ce tacle de Behrami. Et à juste titre. Est-ce que ça finira avec onze hommes de chaque côté?

Huggel: Nous avons beaucoup félicité Valon pour ce tacle! C’était juste en face de notre banc.

Streller: «Roxitoxi» était-il assis sur le banc?

Gygax: Qui?

Streller: Lustrinelli. Il avait les noms de ses chats, Roxi et Toxi, gravés sur ses chaussures.

Gygax: Ah oui, c’est vrai! Oui, il était là, ainsi que Vonlanthen et Grichting.

Huggel: Qui était le gardien de but remplaçant?

Gygax: Coltorti. Je m’en souviens parce qu’il a joué sur l’aile à l’hôtel la nuit avant le match.

(73e) Faute et coup franc pour la Suisse. Maintenant, ooh, carton jaune. Barnetta est bousculé. L’arbitre a vu la scène, ça s’est passé juste devant lui.

Gygax: Hallo? C’est une agression de Tümer, non? Il donne des coups de pied!

Streller: Et l’autre voulait m’en donner une avec son coude.

Huggel: Dans un autre match, ils auraient reçu un rouge direct pour ça.

Streller: Donc quand «Wuschu» est impliqué dans une mêlée…

Gygax: Pourquoi tant de Turcs se tiennent-ils autour de Vogel, qui est allongé sur le sol et qui est soigné?

Huggel: Même notre physio Stephan Meyer est tiré par la tête.

Streller: Steph a presque dû en faire les frais.

Huggel: Vous pouvez dire aussi longtemps que vous voulez à l’arbitre de faire reculer les adversaires. S’il n’applique pas ça, vous êtes impuissant. Et si vous vous défendez, vous serez renvoyé. Le football est injuste. Le seul moyen dont vous disposez pour riposter, c’est de perdre du temps.

Streller: Vous pouvez clairement voir à quel point nous étions nerveux.

(79e) Streller, le but est vide! Libre dans l’axe. Mais Streller y va. C’était quoi ce geste du gardien Volkan?

Huggel: Lâche la balle!

Gygax: Il a touché ton pied?

Streller: Je pense que oui, en tout cas j’ai commencé à boiter.

Huggel: Et ensuite tu rates le but? Et avec ton pied fort!

Streller: Pour être honnête, je ne sais pas ce que j’essayais de faire.

(84e) C’est dangereux, ça sent le but, mais ça ne rentre pas. Et maintenant une erreur de Tolga dont les Suisses devraient profiter. Voilà Streller! Maintenant, s’il vous plaît, s’il vous plaît, s’il vous plaît… Ooouuuuuiiiii!

Gygax: Bien joué!

Streller: Si Volkan plonge avec ses mains, il la sort.

Huggel: Tu n’avais pas beaucoup de place, l’angle était assez fermé.

Streller: En étant sur mon pied fort, je pouvais faire un crochet assez loin. C’était un énorme soulagement, tu peux le voir dans notre célébration. Je n’avais jamais marqué un but aussi important, le moment était incroyable.

Streller: J’ai été remplacé juste après le but. Une fois de plus, on a pensé: «Maintenant, nous l’avons fait».

Huggel: Et je suis entré. Je ne me souviens d’aucune de mes actions de jeu. C’est aussi un mystère pour moi que je porte le 14.

(89e) Frei est hué. Je pense que les spectateurs se résignent un peu. Attention… La balle est au fond. La balle termine au fond à la 89e minute. C’est 4-2. Aïe aïe aïe, et encore une fois nous allons trembler.

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Huggel: C’était totalement inutile.

Gygax: Pour les téléspectateurs à la maison, cela a dû être l’enfer.

Huggel: Cette agitation, cet espoir, tu ne le vis pas sur le terrain. Tu n’as pas le temps pour ça. C’est incroyable à quel point ce match s’est gravé dans la mémoire des Suisses. Chacun se souvient de l’endroit où il se trouvait lorsque ce match a eu lieu. Presque comme le 11 septembre.

Streller: Je tremblais sur le banc. Surtout sur le coup franc des 18 mètres peu avant la fin. J’ai failli faire pipi dans mon pantalon.

(94e) Bien joué de Wicky. L’arbitre regarde sa montre – et donne le coup de sifflet final! La Suisse participera à la Coupe du monde en Allemagne! Oui, monsieur! Et les Suisses sprintent vers la sortie, ne voulant pas se faire agresser. Est-ce que j’ai déjà autant souffert pendant un match? Est-ce que j’ai déjà autant tremblé? Non, c’était vraiment l’enfer.

Gygax: Quand nous avons vu les gars quitter le terrain en courant, nous les avons suivis.

Huggel: Nous aurions dû rester sur le terrain et attendre que tout se calme.

Streller: La crainte était que les spectateurs prennent d’assaut le terrain. L’atmosphère était très chaude. Volkan vient de percuter Köbi!

Huggel: C’est à ce moment-là que les événements se sont précipités. L’assistant turc a fait trébucher Behrami, je lui ai donné un coup de pied en retour, puis Alpay a donné un coup de pied à «Strelli», je l’ai tiré en arrière et j’ai trébuché parce que j’ai reçu un coup de pied. Alors j’ai volé dans le tunnel des joueurs.

Streller: Et c’est là que tout le monde a commencé à nous frapper: sécurité, police, joueurs. Nous devions arriver au vestiaire d’une manière ou d’une autre.

Huggel: C’était un tel chaos que vous ne saviez pas qui était ami et qui était ennemi.

Streller: Fatih Terim voulait prendre d’assaut notre vestiaire! Et de plus en plus de gens sont venus.

Huggel: Les cameramans ont été empêchés de filmer le couloir. Et nous avons joint nos forces pour garder la porte de la cabine fermée. Au bout d’un moment, j’ai remarqué que Marco avait disparu, alors j’ai voulu sortir tout de suite pour le chercher.

Streller: J’ai dû aller au contrôle antidopage! Je l’avais déjà vécu une fois, à l’époque après la victoire du FCB sur Manchester United. J’y suis allé pour permettre aux autres de faire la fête. Je voulais faire ça rapidement.

Huggel: Rapidement? Tu es parti pendant une heure! Nous avons fini par rester dans les vestiaires pendant deux heures et demie, le temps que tout se calme.

Gygax: Le vestiaire a aussi beaucoup souffert.

Huggel: Imaginez juste: Erich Burgener, notre entraîneur des gardiens de but, qui était d’habitude si décontracté, était tellement énervé qu’il a fait tomber les panneaux du plafond sous le coup de la colère!

Streller: Et Ernst Lämmli, le délégué de la Nati, les a remis en place (rires).

Huggel: Stéphane Grichting a été le plus touché. Il a reçu des coups de pied entre les jambes et saignait dans la douche.

Streller: C’était vraiment horrible. L’ambiance était morose, même si nous nous étions qualifiés pour la Coupe du monde. Même lorsque nous sommes rentrés à l’hôtel, la tension était toujours là.

Gygax: Nous ne savions pas jusqu’où certaines personnes iraient. La veille du match, certains des joueurs ont reçu des menaces de mort par téléphone, et ils ont appelé directement leur chambre d’hôtel!

Huggel: Je ne savais pas que les scènes après le match pouvaient encore avoir des conséquences. Ce n’est que lorsque j’ai vu que seul mon coup de pied était diffusé à la télévision turque que je m’en suis rendu compte.

Streller: Le lendemain matin, nous avons été conduits directement sur le tarmac et il y avait une bannière disant «Bienvenue au paradis» sur l’avion. Je n’ai pas vraiment pu pousser un soupir de soulagement avant que nous soyons dans les airs. Et cela en dit long pour moi, puisque je déteste tellement prendre l’avion.

La qualification pour la Coupe du monde en Allemagne a déclenché l’euphorie dans le pays. La demande de billets pour les matchs de la Nati est énorme, et lors du match contre le Togo à Dortmund, le virage nord du Westfalenstadion devient un «mur rouge». En tant que vainqueur du groupe, devant la France, la Suisse s’est qualifiée pour les huitièmes de finale. Elle y a été éliminée par l’Ukraine aux tirs au but – la première équipe de l’histoire de la Coupe du monde à sortir sans encaisser de but. «Beni» Huggel a reçu une suspension de quatre matches pour son coup de pied et il a manqué la Coupe du monde. Cependant, comme Daniel Gygax et Marco Streller, il a également fait partie de l’équipe pour le championnat européen de 2008. La structure de l’équipe est restée en place pendant longtemps, et la Suisse est devenue une habituée des phases finales.

Streller: On pouvait voir à quel point notre esprit d’équipe était bon par le fait qu’il y avait toujours du monde qui se réunissait dans les chambres de l’hôtel lorsque nous étions ensemble, pour discuter ou jouer aux cartes. La plupart du temps dans la chambre de «Gygi», qui était toujours le fumoir (rires).

Gygax: Tout le monde venait toujours chez nous pour fumer. Il y avait souvent huit ou dix personnes.

Huggel: Nous pensions que nous étions vraiment intelligents parce que nous enlevions toujours nos chemises à l’avance pour ne pas sentir l’odeur (tout le monde rit).

Streller: Nous avions quelques fumeurs dans l’équipe.

Huggel: Köbi n’a pas fait attention à cela. Il est même passé une fois, tu te souviens?

Streller: C’est juste, ça devait être avant le championnat d’Europe de 2008, lorsqu’il s’est assis avec nous tard dans la nuit pour prendre un verre de vin.

Huggel: C’est à ce moment-là que nous avons rencontré à nouveau la Turquie et que nous avons perdu 2-1. Mais aucun de nous n’a joué dans ce match.

Streller: Cette «vengeance» était principalement un sujet pour les médias. Nous savions que les événements de cette soirée seraient ravivés. Pour nous, le match a été une expérience désagréable, mais après, nous l’avons mis derrière nous. Il n’y avait aucun désir de vengeance et aucun problème fondamental avec la Turquie de toute façon. Et maintenant, en été, lorsque la Suisse retrouvera la Turquie au championnat d’Europe, ce match ne devrait plus jouer de rôle. C’était il y a plus de 15 ans, et aucune des personnes impliquées n’est encore active. Ce sera donc un match de l’Euro tout à fait normal. Bien sûr, ce match de 2005 a été un moment décisif pour nous, et il nous a permis de nous rapprocher encore plus en tant qu’équipe.

Huggel: C’est aussi la transformation de l’équipe nationale suisse en une équipe capable de tenir son rang dans les matches importants. Cela a commencé par la victoire à domicile contre l’Irlande lors des éliminatoires du championnat d’Europe 2004 et ça s’est poursuivi à Istanbul.

Streller: J’ai toujours été impatient de jouer pour la Nati, c’était toujours un moment fort.

Huggel: On sait pourquoi…

Streller: Oui, aussi parce que c’était toujours un peu comme un camp de vacances. Nous ne nous sommes jamais beaucoup entraînés.

Huggel: Vers la fin, cela m’a un peu dérangé. Après l’équipe nationale, j’ai toujours eu un retard d’entraînement que je devais rattraper au club.

Streller: Tu étais juste un peu plus âgé, donc tu as dû le sentir passer.

Gygax: Aujourd’hui, l’équipe nationale a probablement un programme plus chargé. Je me demande s’ils réagiraient de la même manière que nous après les matchs à l’extérieur. Notre «running gag», c’était de dire: «0h30 à la réception». Et puis il y avait vraiment 14 joueurs prêts. On partait et on revenait ensemble.

Streller: Une fois, on est même allés au Kaufleuten (ndlr: boîte zurichoise) en bus (rires).

Huggel: Nous avons vécu de bons moments ensemble. A Tel Aviv, à Innsbruck, au «Chilbi» et à «Lachen». Ou à Saint-Gall, où nous sommes tous allés en discothèque ensemble.

Gygax: Exactement! A l'«Éléphant». Imaginez ça aujourd’hui, toute l’équipe nationale dans une discothèque. Pas séparément ou dans une zone VIP, juste au milieu de la foule, à discuter, faire la fête et danser.

Huggel: La génération actuelle de Nati a grandi différemment. «Strelli» et moi avions une jeunesse différente en matière de football. Nous avons joué au football régional quand nous avions 17 ou 18 ans. Les matchs à domicile avaient toujours lieu le dimanche à 15h15, et nous rentrions rarement avant 2 heures du matin. Les retrouvailles après le match ont toujours fait partie du football pour nous, que ce soit au FC Arlesheim ou avec la Nati.

Gygax: J’ai connu le football junior de haut niveau à partir des M15, mais ce n’était pas très différent pour moi.

Streller: Oui, notre génération de vieux était géniale. Nous étions toujours sur la route ensemble. Si l’un de nous était parti seul en piste, il aurait pu avoir des problèmes. Mais quand c’était l’équipe entière…

Gygax: Ce n’est pas comme si nous étions en train de nous faufiler. Köbi savait toujours quand on sortait. Puis il levait son verre et nous souhaitait une bonne nuit.

Huggel: Sous Hitzfeld, cela s’est un peu effrité. Les joueurs avaient davantage peur des conséquences. Dans le même temps, les caméras des téléphones portables sont devenues si performantes que l’on peut voir les visages même dans l’obscurité. A partir de là, on devait faire plus attention. On peut dire que, jusque-là, on ne s’était pas toujours comportés de manière totalement professionnelle.

Streller: Aurions-nous été meilleurs si nous n’étions pas sortis? Je ne sais pas. Nous avons simplement investi davantage dans l’esprit d’équipe, et c’est ce qui nous a rendus si forts. Les grandes nations étaient certainement meilleures que nous en termes de football, mais nous avons tout de même obtenu quelques succès respectables. Aujourd’hui, la Nati est certainement plus proche du sommet en termes de potentiel.

Huggel: Êtes-vous retourné en Turquie depuis 2005?

Streller: Oui, en vacances.

Gygax: Moi aussi, plusieurs fois en fait. Istanbul est une ville formidable! Lorsque j’y étais il y a trois ans, quelqu’un m’a dit: «La Suisse? Play-off!» Il m’a reconnu! Mais ce n’était pas un problème du tout, je lui ai même payé un verre.

Huggel: Ok, je pense que je vais attendre un peu avant d’y retourner (rires).

Cet article a été dans un premier temps publié dans le magazine alémanique «Zwölf». Il a été adapté et en partie repris par Blick.

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