Jérémy Frick n'est pas défenseur. Pourtant, le gardien servettien a posé un tacle très appuyé après le derby perdu contre Sion. «Même à domicile, on joue à l'extérieur.» La phrase assassine n'était pas destinée à ses supporters mais à l'état de la pelouse genevoise. Une surface de jeu qualifiée de «catastrophique» par son homologue valaisan. «Nous ne nous entraînons jamais sur ce terrain, a précisé le portier grenat. Il faudrait que la Fondation du Stade nous donne un coup de main.»
Le courroux de Frick est forcément remonté jusqu'aux oreilles de Jean-Marc Guinchard, président de la dite Fondation et propriétaire de l'enceinte. «Je suis partisan de la liberté d'expression et je me réjouis d'en parler avec Jérémy après le match contre Zurich dimanche. Cela dit, je dois avouer que je n'ai pas compris ses critiques, dans le sens où on fait tout notre possible pour que Servette joue dans les meilleures conditions possibles.»
Le président du SFC, Pascal Besnard, avait lui aussi émis des réserves, selon Jean-Marc Guinchard. Le club grenat renvoie d'ailleurs vers la Fondation pour tout commentaire sur le sujet.
Le gazon ne prend pas racine
Comment expliquer que ce gazon genevois se retrouve dans pareil état? Le champignon qui avait décimé la verte pelouse en 2019 est-il de retour? Que nenni. «Tout le monde oublie de mentionner que c’est une très jeune pelouse qui n'a été posée que cet été», justifie Christophe Ayer, chef de projet chez RealSport et responsable de l'ouvrage.
Durant l'intersaison, le Stade de Genève s'est transformé en chantier à ciel ouvert. Exit donc le revêtement hybride destiné à faire cohabiter football et de rugby dans la cité de Calvin. Des rouleaux d'une épaisseur de quatre centimètres, en provenance d'Allemagne, ont été déroulés pour composer l'aire de jeu. «La nature prend son temps. Cette technique permet de jouer rapidement, mais l'enracinement se fait surtout de septembre à octobre, puis de mars à juin.»
Même si les joueurs du Servette Rugby Genève ne labourent désormais plus la «Praille», la pelouse reste très sollicitée. Trop, à en croire le spécialiste. «En l'espace de six jours en octobre, il y a eu trois matches et plusieurs entraînements entre le Servette FC, la Ligue des champions féminine et l'équipe de Suisse. Le terrain a été mis à très rude épreuve par cette utilisation intensive.»
Silence, ça pousse
La situation n'est pas près de s'améliorer à court terme. «Ces stigmates ne disparaitront pas du jour au lendemain malgré notre travail.» Mandaté par la Fondation du Stade, RealSport délègue «au minimum» une personne à temps plein durant la semaine. «Nos équipes œuvrent sur place tous les jours pour soigner la pelouse, détaille Christophe Ayer. Des moyens auxiliaires sont mis en œuvre comme le chauffage et la luminothérapie.» Le jour des matches, une vingtaine de mains s'activent pour gommer au mieux les mottes et autres trous provoqués par les deux équipes.
Des soins intensifs dont les coûts se chiffrent à environ 300'000 francs par année estime Jean-Marc Guinchard. Un investissement qui ne portera ses fruits, ou plutôt ses brins, qu'à moyen terme. Jérémy Frick et les Servettiens devront donc prendre leur mal en patience. L'équipe grenat, qui traverse une crise sportive, avec cinq défaites consécutives, ne jouera pas (encore) sur un billard ce dimanche pour la réception «à l'extérieur» de Zurich (14h15).