Le nouveau numéro 1 est prêt
Avec Gregor Kobel, la Nati prend de la hauteur

L’ère Yann Sommer est terminée. Le nouveau visage de la Nati s’appelle Gregor Kobel. Moins populaire en Suisse, le colosse zurichois d'1m95 part de loin pour gagner les coeurs. Sur le terrain, par contre, il possède des atouts légitimes pour s’imposer immédiatement.
Publié: 05.09.2024 à 10:14 heures
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Dernière mise à jour: 05.09.2024 à 10:18 heures
Gregor Kobel a une nouvelle occasion de prouver sa valeur ce jeudi à Copenhague.
Photo: TOTO MARTI
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Ce jeudi peu avant 20h45, au moment d’allumer leur téléviseur avant le match de l’équipe de Suisse au Danemark, les téléspectatrices et téléspectateurs les moins au fait de l’actualité du football auront un petit choc. Qui est ce gardien qui chante l’hymne national en lieu et place de Yann Sommer? Où est passé le chouchou de la nation? David Lemos, le commentateur de la RTS, leur apportera la réponse: le portier de 35 ans a pris sa retraite internationale après l’Euro en Allemagne. En une phrase: il ne jouera plus jamais pour l’équipe de Suisse.

Moins lisse, plus rugueux, moins gendre idéal

A «sa place», celle qui était la sienne dans les buts de la Nati depuis 2014 (94 matches internationaux au total), les supportrices et supporters de l’équipe de Suisse découvriront Gregor Kobel, un portier zurichois de 26 ans. Et le choc promet d’être rude, tant le successeur de Yann Sommer présente un profil différent. Moins lisse, plus rugueux, moins gendre idéal, plus brut de décoffrage. Là où le natif de Morges faisait office de «fils de la nation», le Zurichois joue plutôt le rôle du gamin rebelle, qui a quitté tôt le pays direction l’Allemagne, où il est devenu l’un des meilleurs gardiens d’Europe et où sa progression a été linéaire (Hoffenheim, Augsbourg, Stuttgart, Dortmund). Au point d'avoir été nommé ce mercredi, comme Yann Sommer d'ailleurs, parmi les dix finalistes du très prestigieux Trophée Yachine, c'est à dire les dix meilleurs gardiens du monde.

Le Zurichois a notamment été finaliste de la Champions League avec le Borussia Dortmund.
Photo: Getty Images

Gregor Kobel le sait: sur le terrain de la popularité, il n’a aucune chance par rapport à Yann Sommer. Il part de trop loin face à «Mister Perfect», ce gardien de but reconverti en icône de publicité. Et pour ce qui est des spécialistes de football? L’avis est plus nuancé, moins unanime, plus en sa faveur. Déjà, il faut bien relever que Murat Yakin a effectué un choix fort cet été, dans la foulée d’un Euro collectivement très réussi.

Si la retraite de Xherdan Shaqiri relève de la volonté du joueur, ce n’est pas le cas de celle de Yann Sommer, ou de manière moins directe. A 35 ans, le gardien de la Nati a disputé un Euro plus que correct sur le plan personnel, se montrant au niveau de la tâche. Mais la prochaine Coupe du monde au Mexique, aux Etats-Unis et au Canada aura lieu à l’été 2026 et Murat Yakin s’est dit, c’est sa responsabilité de sélectionneur, que son gardien serait alors âgé de 37 ans, un âge pas rédhibitoire, mais tout de même sujet à des interrogations légitimes.

Un changement de cycle

Alors, en vacances à Palma de Mallorca, Murat Yakin a pris le temps d’accorder une interview à Blick, dans laquelle il a suggéré que le choix de changer de portier était déjà bien avancé dans son esprit. En clair, que le gardien qui serait dans les buts en septembre au Danemark sera celui qui aura la lourde tâche d’emmener la Nati à la Coupe du monde américaine. Aucun nom n’avait été lâché. Mais pour qui sait lire entre les lignes, le message était clair: merci pour tout l’ancien, place au jeune!

Photo: Getty Images

Yann Sommer l’a bien compris et, plutôt que de devoir s’asseoir sur le banc des remplaçants, une situation intenable, il a pris la meilleure décision possible: dire au revoir en pleine gloire. Il l’a donc fait, avec un regret: que l’information ait fuité dans la presse avant son annonce officielle. Ce roi de la communication s’est fait prendre de vitesse sur son terrain de jeu préféré et il n’a pas aimé.

Il n'échappera pas aux parallèles

Place donc à Gregor Kobel (195 cm), plus grand que Yann Sommer (183 cm), prenant plus de place dans les cages, mais moins fort dans le jeu au pied, la grande force de celui qui aura donc gardé les buts de la Nati de 2014 à 2024. Il n’échappera pas aux parallèles, ni aux raccourcis, il le sait. Ainsi est le jeu du football en équipe nationale, où il faut être très bon à un moment donné, et plaire autant à son entraîneur qu’à l’opinion publique, ce que Yann Sommer savait parfaitement faire. Si Gregor Kobel est un excellent gardien en club, où il réalise des performances très solides chaque semaine avec le Borussia Dortmund au point d’être sur les tablettes chaque été des clubs les plus riches (Paris Saint-Germain, Manchester United, Chelsea, Bayern Munich…), son histoire en équipe nationale est pour l’heure plutôt contrariée.

Pour l'heure, Gregor Kobel ne compte que cinq sélections en équipe nationale.
Photo: keystone-sda.ch

Remplaçant de Yann Sommer, il a vécu cette situation avec plus ou moins de bonne humeur. Très positif durant le dernier Euro (avait-il déjà l’assurance de Murat Yakin qu’il serait dans les buts dès l’automne?}, il l’avait moins été en 2023 lorsqu’il avait quitté deux fois l’équipe nationale en plein rassemblement, suggérant des douleurs physiques, alors que bien des observateurs les jugeaient plutôt mentales. Vexé d’être numéro 2 d’un gardien qu’il n’estime pas plus fort que lui? Il a eu l’intelligence de ne jamais l’exprimer ouvertement, en tout cas, laissant le soin à son agent d’envoyer les balles à sa place. Mais évidemment qu’il l’a pensé, comme l’avait fait Roman Bürki avant lui. Celui qui était également gardien du Borussia Dortmund, coïncidence, n’arrivait plus à se contenter des miettes laissées par Yann Sommer et avait claqué la porte de la Nati, criant à la concurrence déloyale. Gregor Kobel y a pensé, mais n’a jamais franchi le pas, préférant attendre son heure. Elle est désormais venue. Et il n’a pas le droit de se rater.

Un gardien qui impressionne les adversaires

Les forces du colosse zurichois sont connues, ses faiblesses aussi. Techniquement, il n’est pas aussi propre que l’impeccable Yann Sommer. Ses pieds, on l’a dit, ne sont pas aussi précis. Mais sa carrure est une force incroyable, son envergure aussi même si, étonnamment, il n’est pas souverain dans le jeu aérien.

La Suisse ne peut toutefois que progresser dans ce secteur vu que Yann Sommer… ne sortait jamais de son but, ayant pris le parti dans la préparation à la Coupe du monde 2018 de ne plus partir à l’aventure. Intelligent et pragmatique, il avait accepté le fait que sa petite taille relative l’empêchait de rivaliser avec les géants dans ce secteur et d’aller s’imposer dans les airs. Il avait donc décidé, en concertation avec l’entraîneur des gardiens Patrick Foletti, de défendre la ligne plutôt que l’espace, ce qui lui a magnifiquement réussi. Avec Gregor Kobel, la Suisse prend donc de la hauteur et récupère un gardien qui, de prime abord, impressionne les adversaires physiquement, dès le couloir avant le match.

Patrick Foletti, l'entraîneur des gardiens de l'équipe nationale, a même parlé de «Brutalität» pour le définir, un terme qu'il ne faut pas traduire tel quel avec un sens négatif, mais plutôt parler de «dominance» et d'un côté presque minéral, dur comme du granit. «Et il est l'un des meilleurs au monde pour défendre son but.»

Avec Patrick Foletti, l'entraîneur des gardiens de la Nati
Photo: TOTO MARTI

La mine sombre, les épaules carrées, la mâchoire serrée, Gregor Kobel intimide et se fiche pas mal de sa cote de popularité, répondant aux critiques sur le terrain. Il lui faudra cependant également se débarrasser de ses petits soucis musculaires qui l’empêchent souvent d’enchaîner les matches, ce qui est embêtant en club, et l’est encore plus en équipe nationale. «Mais c'est réglé», assure Patrick Foletti. Le spécialiste explique que Gregor Kobel a mis en place des processus pour prévenir ces soucis physiques, ce qu'a confirmé le principal intéressé ce mercredi à Copenhague.

Les soucis physiques sont-ils derrière?

«Il y a toujours plus de matches chaque année. On joue tous les trois jours. J'ai acquis de l'expérience et mis en place des habitudes qui me servent à améliorer cet aspect-là, y compris dans la gestion des entraînements.» Ce jeudi, au Danemark, Gregor Kobel sera en pleine forme. Prêt à montrer qu'il est le digne successeur de Yann Sommer, prêt à rester dix ans dans les buts de la Nati.

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