Cantons et CFF s'indignent
«Le nouveau format de la Swiss Football League est dangereux pour la sécurité»

Avec un nouveau mode de compétition, la Swiss Football League veut plus de suspense dans le foot suisse. Cela inquiète les CFF et les corps de police des cantons, et agace des parlementaires qui soulignent que les coûts de sécurité sont à la charge des contribuables.
Publié: 23.06.2022 à 11:45 heures
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Dernière mise à jour: 23.06.2022 à 13:16 heures
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De nombreux supporters, ici ceux du FC Lucerne (qui sont opposés au nouveau mode de play-off), risquent de se retrouver bien plus souvent dans les gradins qu'à l'accoutumée.
Photo: PIUS KOLLER
Daniel Ballmer

Les fans s'y opposent depuis des mois, mais le verdict est tombé: le football Suisse est en train de vivre une petite révolution. À partir de la saison 2023-2024, la Swiss Football League (SFL) fera passer la Super League de dix à douze équipes. Et, après un tour principal et un tour intermédiaire, les champions et les relégués seront désormais désignés lors de playoffs.

Même avec 14 points d'avance, dans une telle situation, le FC Zurich, par exemple, peut trembler pour son titre. Mais la ligue espère ainsi créer plus de suspense – pour plus de spectateurs dans les gradins, et plus de recettes dans les poches de la League.

«Au détriment de la sécurité publique»

Mais la résistance s'organise. «Le mode de jeu des play-off a pour conséquence que les matchs ne soient connus que deux jours à l'avance», déclare le politicien socialiste David Roth. De son point de vue, cela demande un effort supplémentaire conséquent aux corps de police cantonaux: «Et cela se ferait au détriment de la sécurité publique, car les agents manquent alors à d'autres endroits.»

L'ancien chef des jeunes socialistes estime que «l'État ne peut pas tout assumer parce que des clubs ont eu une idée amusante». Avec d'autres personnalités politiques, allant des Verts au PLR, il a déposé une intervention en ce sens au Grand Conseil lucernois. Le gouvernement de ce canton doit ainsi se prononcer contre l'autorisation de manifestations sportives si les participants et les risques qui y sont liés ne sont pas connus au moins deux semaines à l'avance. À titre de comparaison, quiconque souhaite organiser une manifestation doit normalement déposer sa demande quatre à six semaines avant la date.

La Conférence des directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP) évoque elle aussi de grands défis. «Nous étions d'accord avec les représentants de la ligue pour dire que ces changements entraîneraient un surcroît de travail dans le domaine de la sécurité», explique le secrétaire général Florian Düblin. Ainsi, il n'y aurait pas seulement plus de matches. Le mode play-off promet également plus de tension, «et l'expérience montre que celle-ci se traduit de manière violente chez une petite partie des supporters».

«Ce n'est pas possible!»

Le directeur de la sécurité bernois, Reto Nause, s'insurge en outre contre le fait d'avoir été mis devant le fait accompli. «Les autorités chargées de délivrer les autorisations n'ont en aucun cas été impliquées par la Ligue», critique-t-il.

«Nous avons appris cela par les médias. Ce n'est juste pas possible!» Et d'ajouter que l'on «produit des matches supplémentaires à élimination directe», qui sont inéluctablement liés à un déploiement policier considérable. «Les coûts de sécurité devraient augmenter de manière significative», selon le représentant. Il faudrait par conséquent que les clubs mettent la main à la poche, eux aussi.

Une charge supplémentaire pour la police

Les corps de police eux-mêmes se montrent paradoxalement plus sereins. «Vingt-huit matches supplémentaires représentent bien sûr un surcroît de travail, mais nous devrions pouvoir y faire face», déclare Mark Burkhard, président des commandants de police cantonaux.

En outre, l'on a l'habitude des imprévus dans le métier. Mais Mark Burkhard fait également remarquer que la charge de travail des corps de police est déjà très importante aujourd'hui, compte tenu des nombreuses grandes manifestations: «Il n'est pas toujours facile de répondre à toutes les convocations.»

C'est ce que confirme le syndicaliste Adrian Wüthrich. «Un tel mode de fonctionnement entraîne une augmentation du nombre d'interventions. Cela peut devenir une charge supplémentaire notable pour les policiers, déclare le président de l'association de la police bernoise. J'attends de la Ligue qu'elle veille elle aussi à la sécurité des manifestations, en particulier pour les matches à haut risque.» Autrement dit, il faut que le délai d'annonce soit nettement supérieur à 48 heures.

Le contribuable paiera les dégâts

Les corps de police ne sont pas les seuls concernés par cette nouvelle conjoncture. Les CFF sont aussi en première ligne. «Nous nous attendons à une augmentation d'environ 40% des déplacements de supporters», explique leur porte-parole Reto Schärli. Des trains supplémentaires seront nécessaires – un personnel supplémentaire aussi, par conséquent. Les CFF tablent donc sur une augmentation des coûts non couverts d'environ 2 millions de francs par an, pour atteindre au total 5 millions de francs. C'est le contribuable qui paiera.

Là aussi, c'est l'annonce au dernier moment des matches qui pose des problèmes. «Cela signifie qu'il faut vérifier à court terme s'il y a des conflits avec des trains spéciaux pour d'autres événements ou avec des chantiers ferroviaires prévus, explique Reto Schärli. Cela représente un grand défi pour la planification.»

«Des efforts supplémentaires pour tout le monde»

La Ligue elle-même dit vouloir calmer le jeu: l'on a discuté avec les autorités de l'influence des changements sur la sécurité, assure le porte-parole Philippe Guggisberg: «L'augmentation du nombre de matches ainsi que le nouveau mode de jeu exigeront à cet égard des efforts supplémentaires de la part de toutes les parties concernées.» Le plan d'action concret sera clarifié au cours des prochains mois.

Mais le politicien socialiste David Roth ne veut pas se contenter d'attendre en croisant les bras: «Il n'est pas acceptable que les organisateurs privés obtiennent une position particulière dans la pratique d'autorisations, et placent leurs propres exigences au-dessus des intérêts de la société, qui doit ensuite les assumer.» Il espère que son intervention au Grand Conseil lucernois fera des émules dans d'autres parlements: «Car cela concerne presque tous les cantons.»

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