Le FC Guardia fête ses 100 ans
Gazon béni pour les Gardes suisses du Vatican

Voilà cent ans que les gardes suisses jouent au football! Le FC Guardia a disputé un tournoi triangulaire pour célébrer ce beau jubilé et a été renforcé pour l’occasion par trois légendes du football suisse, dont Kubilay Türkyilmaz. Reportage au cœur du Vatican.
Publié: 10.11.2024 à 09:42 heures
|
Dernière mise à jour: 10.11.2024 à 12:21 heures
Eliah Cinotto se prépare à changer de fonction... et d'habits. Le Garde suisse se prépare pour le tournoi du FC Guardia.
Photo: VALENTIN FLAURAUD
Blick_Tim_Guillemin.png
Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Une dizaine de marches au-dessus de l’imposante et magnifique porte de Bronze, Giacomo Porcini monte la garde de manière très solennelle en ce samedi matin. Vêtu de l’habit traditionnel, et si emblématique, de la Garde suisse du Vatican, le Tessinois est concentré sur sa tâche et rien ne peut le perturber. Le jeune homme tient parfaitement son emplacement, il sait exactement ce qu’il a à faire, le regard est perçant, les gestes sont précis. Il ne peut cependant s’empêcher de fendre un peu l’armure et de sourire lorsqu’un prêtre ivoirien lui lance en passant un vibrant et enjoué «Félicitations pour votre 100e anniversaire!», qui détonne un peu dans l’ambiance feutrée du Vatican. Le très dévoué Giacomo remercie d’un geste de la main et, dans sa tête, se plonge alors un peu dans son activité de l’après-midi, une fois que son tour de garde sera terminé: celle de gardien de but du FC Guardia, le club de football qui fête son centenaire en cette année 2024 et permet aux gardes de s’évader un peu de leur quotidien.

Giacomo Porcini, concentré sur sa mission.
Photo: VALENTIN FLAURAUD

Le planning des soldats du pape est en effet immuable: six jours de garde, trois jours de réserve. Le tout pendant deux ans, la durée minimale du service. Alors, pour s’échapper un peu des saluts, des règlements et du quotidien, mais aussi pour garder la forme, les gardes font très régulièrement de l’exercice et le football, sport roi en Italie, est bien évidemment le plus populaire de tous. Les 135 gardes suisses actuellement en fonction au Vatican ont tous leur hobby préféré, et ceux qui aiment le football peuvent intégrer le FC Guardia, qui joue le lundi contre les autres corps de métier représentés dans la cité, à savoir les pompiers, les gendarmes... «Parfois, on prend de sacrées volées, parce que les autres équipes alignent de très bons joueurs, mais aujourd’hui, je pense que ce sera un peu différent», sourit Eliah Cinotti. Le porte-parole des gardes suisses est lui aussi gardien de but, un poste qu’il a occupé durant sa jeunesse au FC Azzurri Bienne, sa ville natale, mais, ce samedi, il jouera latéral droit.

Eliah Cinotti, latéral droit titulaire et gardien occasionnel du FC Guardia.
Photo: VALENTIN FLAURAUD

«J’ai envie de courir un peu», rigole-t-il en faisant son sac pour ce qui ne sera pas un après-midi de football comme les autres. Parce que, ce jour-là, le FC Guardia joue un tournoi triangulaire contre l’équipe nationale du Vatican et une formation composée d’acteurs et de chanteurs italiens. Et que, en bonne jubilaire et organisatrice, l’équipe des gardes s’est octroyé un avantage important: celui d’accueillir trois renforts de choix, à savoir trois anciens internationaux nommés Andy Egli, Thomas Bickel et, le plus populaire d’entre tous, Kubilay Türkyilmaz! «Ils sont Suisses, non? Alors on a le droit de les sélectionner», se marre franchement Eliah Cinotti.

«Kubi, c’est Kubi!»

Le FC Guardia voulait célébrer en beauté son 100e anniversaire et avait placé son destin entre les mains du sergent-major Guillaume Favre, chef de l’événement. «J’avais envie de marquer le coup. L’idée d’un tournoi s’est imposée assez vite et j’ai eu la chance de trouver un stade tout près du Stadio Olimpico, donc on a pu coupler l’événement avec une visite de cette enceinte mythique. Je me réjouis beaucoup. Et, bien sûr, le fait que ces trois joueurs aient accepté de nous rejoindre pour le tournoi, c’est énorme pour nous», explique ce soldat venu d’Assens, dans le Gros-de-Vaud, pour servir Sa Sainteté et qui officie en tant que capo formazione e sport au Vatican.

Le jour où Breel Embolo leur a permis de garder la foi

La Garde suisse a eu droit à un grand honneur (ou est-ce plutôt l’inverse?) en recevant l’équipe de Suisse de football, la vraie, à quelques jours de l’historique huitième de finale contre la France, lors de l’Euro 2021. «Ils se préparaient à Rome et ils sont venus ici, au Vatican. C’était une belle occasion d’échanger et je dois dire qu’ils ont été vraiment très respectueux et très intéressés par notre travail», explique Eliah Cinotti.

«C’est dans ces moments-là en particulier que l’on remarque à quel point le Vatican est bien plus qu’un endroit religieux. Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri ont beau être de confession musulmane, ils ont été sincèrement conquis par la solennité des lieux et ils nous l’ont dit. Je peux vous dire que les deux avaient la chair de poule. C’était un beau moment, vraiment», continue le garde suisse.

Au moment de se quitter, plusieurs soldats du pape ont alors confié à quel point ils étaient inquiets pour ce huitième de finale qui allait se disputer à Bucarest trois jours plus tard.

«On leur a dit que la France, c’était costaud! L’un de nous a même dit que ce serait impossible, ou en tout cas très difficile de gagner. Et là, Breel Embolo nous a répondu que tout était possible dans le football et qu’ils pouvaient gagner. Je peux vous dire que quand Yann Sommer a arrêté le penalty de Kylian Mbappé, on y a tous repensé très fort! Je n’avais jamais vécu une telle scène d’euphorie à la caserne, on était comme des fous, certains ont même pleuré de joie. Ils étaient auprès de nous quelques jours avant et voilà qu’ils gagnent l’un des matchs les plus mémorables de l’histoire du football suisse. On en garde tous un souvenir émerveillé», continue Eliah Cinotti qui, en bon gardien de but amateur, a particulièrement apprécié le contact avec Yann Sommer.

«Comme tout le monde, je l’imaginais plus grand, rigole-t-il. Mais quel bon gardien! Et, surtout, quelle classe!»

La Garde suisse a eu droit à un grand honneur (ou est-ce plutôt l’inverse?) en recevant l’équipe de Suisse de football, la vraie, à quelques jours de l’historique huitième de finale contre la France, lors de l’Euro 2021. «Ils se préparaient à Rome et ils sont venus ici, au Vatican. C’était une belle occasion d’échanger et je dois dire qu’ils ont été vraiment très respectueux et très intéressés par notre travail», explique Eliah Cinotti.

«C’est dans ces moments-là en particulier que l’on remarque à quel point le Vatican est bien plus qu’un endroit religieux. Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri ont beau être de confession musulmane, ils ont été sincèrement conquis par la solennité des lieux et ils nous l’ont dit. Je peux vous dire que les deux avaient la chair de poule. C’était un beau moment, vraiment», continue le garde suisse.

Au moment de se quitter, plusieurs soldats du pape ont alors confié à quel point ils étaient inquiets pour ce huitième de finale qui allait se disputer à Bucarest trois jours plus tard.

«On leur a dit que la France, c’était costaud! L’un de nous a même dit que ce serait impossible, ou en tout cas très difficile de gagner. Et là, Breel Embolo nous a répondu que tout était possible dans le football et qu’ils pouvaient gagner. Je peux vous dire que quand Yann Sommer a arrêté le penalty de Kylian Mbappé, on y a tous repensé très fort! Je n’avais jamais vécu une telle scène d’euphorie à la caserne, on était comme des fous, certains ont même pleuré de joie. Ils étaient auprès de nous quelques jours avant et voilà qu’ils gagnent l’un des matchs les plus mémorables de l’histoire du football suisse. On en garde tous un souvenir émerveillé», continue Eliah Cinotti qui, en bon gardien de but amateur, a particulièrement apprécié le contact avec Yann Sommer.

«Comme tout le monde, je l’imaginais plus grand, rigole-t-il. Mais quel bon gardien! Et, surtout, quelle classe!»

Si ces trois légendes de la Nati (plus de 200 sélections à eux trois) ont fait le voyage jusqu’à Rome en ce samedi, c’est donc grâce à l’opiniâtreté de Guillaume Favre, qui a multiplié les coups de fil et a su se montrer suffisamment convaincant. «Kubi», en tout cas, est conquis. «Franchement, je n’ai pas hésité. J’ai quand même demandé si je pouvais vraiment jouer avec la Garde suisse en tant que musulman, mais Guillaume m’a rassuré tout de suite», rigole le mythique buteur de la Nati, qui est venu en famille. «On va rester deux ou trois jours, on veut visiter le Vatican. C’est une occasion énorme pour nous, ce n’est pas tous les jours que l’on a cette chance», enchaîne le Tessinois, qui a reçu son maillot (le 11 bien sûr) des mains de Giacomo Porcini, un brin ému. Le soldat devenu gardien de but depuis le matin a tenu à remettre lui-même la tunique à son prestigieux coéquipier d’un jour.

Giacomo Porcini a gardé la Porte de Bronze le matin, et le but du FC Guardia l'après-midi.
Photo: VALENTIN FLAURAUD

«Kubi, c’est Kubi, attention! En tant que footballeur amateur tessinois, je suis très impressionné de jouer avec lui aujourd’hui», glisse celui qui s’apprête à faire des prouesses dans le but du FC Guardia dans ce très amical et très sympathique triangolare, ce tournoi à trois équipes. «Waouh, on a un très bon gardien!» l’a même complimenté Thomas Bickel après la première rencontre, gagnée 2-1 contre les acteurs italiens. Kubi s’est occupé de tout avec deux passes déci sives en attaque et, de l’autre côté du terrain, Giacomo Porcini a multiplié les parades de classe. Le deuxième match sera un peu plus compliqué, mais, au final, le FC Guardia occupera un méritoire, et anecdotique, deuxième rang.

Souper au Vatican

Guillaume Favre, lui, est aux anges, si l’on ose cette expression. Son tournoi s’est magnifiquement déroulé, tout le monde est heureux, et les trois vedettes du jour se sont parfaitement adaptées à leur environnement du moment. «J’avais bien travaillé ma sélection, on avait un défenseur, un milieu et un attaquant! Mais surtout, ils ont été top. Je n’avais aucun doute, mais ils ont parfaitement compris l’esprit de notre équipe», se réjouissait le Vaudois, auquel il ne restait plus qu’une mission en ce samedi: organiser le souper de remerciement. Tout ce petit monde s’est donc retrouvé à la caserne pour un dernier moment de convivialité dans la splendeur du Vatican, au cœur de cette épatante Garde suisse.

Kubilay Türkyilmaz, Andy Egli et Thomas Bickel garderont un souvenir ému de leur voyage au Vatican.
Photo: VALENTIN FLAURAUD

Un moment privilégié, hors du temps, et l’occasion pour Andy Egli, Thomas Bickel et Kubilay Türkyilmaz d’en apprendre un peu plus sur ce qui pousse 135 jeunes (dont 40 Romands) à venir servir pendant deux ans entre les murs de cette cité emplie de mystères. Tous sont catholiques, bien sûr, et tous ont en commun des valeurs de dévouement et de sacrifice. «Ce qu’on fait, on ne pourrait pas le faire dans un service normal, qui n’aurait pas un sentiment particulier et intime. Ou en tout cas pas pendant deux ans. Oui, il y a l’expérience, oui il y a la découverte d’une nouvelle culture, d’une nouvelle langue. Mais ce qu’on cherche ici, et ce qu’on trouve surtout, c’est du sens et de la profondeur à notre mission. Nous sommes fiers de servir Sa Sainteté», glisse l’un d’eux, qui n’hésitera pas à prolonger son séjour. Après les vingt-quatre mois obligatoires une fois l’engagement signé, il est en effet possible de continuer et d’assumer des responsabilités supplémentaires, tout en bénéficiant d’un peu plus de libertés au fur et à mesure, dont celle de se marier après cinq ans de service.

Servir sa Sainteté, une vocation.
Photo: VALENTIN FLAURAUD

«Les liens que l’on tisse ici sont indéfectibles. Quand vous avez été garde suisse un jour, vous l’êtes toujours. La camaraderie est primordiale, elle fait partie intégrante de notre quotidien. Si vous voulez rester seul dans votre chambre, vous pouvez. Mais si vous avez envie de manger avec quelqu’un, vous ne le ferez jamais seul», glisse un camarade, ce que confirme volontiers Eliah Cinotti. Le Biennois est l’un des garants de cet esprit de groupe, qui se transmet de génération en génération. «Quand vous passez deux ans, au minimum, dans le même environnement, vous ne pouvez pas être sérieux et concentré chaque minute. On rigole beaucoup entre nous, on se chambre. Mais dès que le boulot commence, c’est fini. Parfois, on peut vraiment parler de tout et de rien et, d’une seconde à l’autre, être rigoureux comme personne. C’est un peu notre marque de fabrique.» Assumée et comprise par tous. La preuve: après le deuxième match, Giacomo Porcini a pris sa douche et est revenu à la caserne sans prendre le temps de participer au repas collectif. «Il était de garde avant et après le tournoi, c’est comme ça», sourit Guillaume Favre. Pas de chance pour le Tessinois, qui gardera tout de même un souvenir lumineux de sa journée et s’en souviendra aussi comme étant celle de sa rencontre avec Kubilay Türkyilmaz. Ça ne vaut pas le pape, sans doute, mais c’est tout de même pas mal!

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la