Granit Xhaka est catégorique: 2024 fut la meilleure année de sa carrière, avec à la clef, un titre en Budesliga, une coupe d'Allemagne, une finale d'Europa League, et un parcours à l'Euro que les fans de la Nati ne sont pas près d'oublier. Mais à l'heure d'aborder l'année 2025, le capitaine de l'équipe de Suisse réfléchit aussi à l'avenir. Dans une interview exclusive accordée à Blick, il évoque pour la première fois en public l'idée d'une retraite internationale en 2026.
Granit Xhaka, que retiendra-t-on de votre année 2024?
Ce qui me vient à l'esprit en premier, c'est le match décisif contre Brême à domicile, lorsque les supporters sont entrés sur le terrain avant le coup de sifflet final. Je n'oublierai jamais cette image où je me trouvais au milieu du terrain – avec 30'000 spectateurs et les larmes aux yeux.
Qu'est-ce qui vous a le plus touché?
J'ai vu des supporters de 60 ans pleurer, des gens qui ont un abonnement de saison depuis 30 ans et qui attendaient ce moment depuis si longtemps. Ils m'ont simplement dit merci. Aujourd'hui encore, cela me donne la chair de poule. Contre Brême, nous avons vécu le moment magique où nous avons réalisé que nous avions réussi! Dès le lendemain, nous nous sommes juré dans les vestiaires de rester invaincus, d'écrire une histoire sans précédent dans le football allemand.
Après un bref passage à vide, la success story continue à Leverkusen. Au début de la saison, on a toutefois entendu des propos assez critiques de votre part. Pourquoi?
Je sentais que je n'étais pas encore à 100%. Mentalement, pas physiquement. Il me manquait 5%. J'ai fait mon autocritique avant de me rendre compte que nous devions en parler clairement dans le vestiaire. Je suis satisfait du résultat. Au cours des derniers mois, nous avons retrouvé notre rythme. Tout va mieux, nous nous sommes rapprochés. C'est pourquoi les résultats sont de nouveau bons.
Maintenant, les chocs s'enchaînent: Dortmund, la Ligue des champions, le derby en quart de finale de la Coupe contre Cologne, puis le Bayern...
Nous nous réjouissons des 35 jours à venir. Ce sera difficile, mais nous avons tout entre nos mains. Il y a quelques semaines, nous avions neuf points de retard, maintenant nous n'en avons plus que quatre. Tout est possible.
Xabi Alonso, le patron du Bayer, et vous, le chef d'orchestre, une sorte de couple idéal?
Exactement! Je ne le dis pas très souvent, mais le rejoindre à Leverkusen a été de loin la meilleure décision de ma carrière. Il m'a beaucoup appris sur le plan tactique et sur le plan relationnel. En tant que joueur, il était l'un des meilleurs au monde à mon poste. Mais l'aspect humain m'a encore plus impressionné maintenant que je suis en contact direct avec lui. La façon dont il se comporte en tant que coach sous pression, comment il réagit aux erreurs, aux scores défavorables, sa sérénité dans la communication avec nous, wow! Je lui ai demandé un jour d'où cela venait. Il l'a surtout appris au Real Madrid. A Madrid, il y a toujours des phases où ils écrasent tout simplement leurs adversaires. Ils ne connaissent pas le mot «trembler». L'adversaire ressent cette attitude, et à un moment donné, en tant qu'adversaire, tu as peur de te faire submerger. C'est comme ça que fonctionne Xabi. Tout le monde en profite ici.
Avez-vous peur que Xabi Alonso parte cet été?
Que signifie la peur? Cela me ferait évidemment mal de le perdre en tant que personne et entraîneur. Honnêtement, j'ai été agréablement surpris qu'il soit resté chez nous après la saison dernière. De toute façon, c'est un privilège de pouvoir jouer sous sa direction pendant au moins deux ans. S'il devait partir, Leverkusen restera fidèle à sa ligne et à sa philosophie. Je n'en doute pas un seul instant.
Avec le Bayer, vous êtes à nouveau sur la bonne voie. La situation actuelle de la Nati est différente après la relégation en Ligue des Nations. Le prochain automne de qualification pour la Coupe du monde risque-t-il d'être un réveil brutal?
Les derniers matches ressemblaient plus à des matches amicaux. Il faut que cela change à l'avenir. Il s'agit maintenant d'une qualification pour la Coupe du monde qui pourrait être la dernière pour moi – pas seulement pour moi, peut-être aussi pour quelques autres membres de l'équipe. Nous ne rajeunissons pas. Pas moi, pas Ricci (Rodriquez) ni Remo (Freuler), et quatre ou cinq autres joueurs non plus. Il pourrait y avoir un énorme bouleversement en 2026. En conséquence, nous ferons tout pour atteindre cette phase finale. Je veux absolument participer à la Coupe du monde 2026.
La septième phase finale pourrait donc être votre dernière? Et en club?
J'ai encore un contrat de trois ans et demi à Leverkusen. Après 2026, il me resterait deux saisons. Pour qu'il n'y ait pas de malentendu: Je ne pense pas à un éventuel retrait de l'équipe nationale. J'ai simplement en tête un scénario très, très lointain: la prochaine Coupe du monde pourrait être mon dernier tournoi. Dans le football, il vaut rarement la peine de planifier à trop long terme. Mais je pense bien sûr déjà à cette Coupe du monde, car je suis fasciné par le fait qu'elle se déroule aux États-Unis, au Mexique et au Canada.
Vous êtes un leader en club et en sélection. A la fin de l'été, vous paraissiez vous aussi un peu plus discret. Etes-vous tombé dans un trou après les émotions de l'été?
Je ne dirais pas cela. Il te manque tout à coup 5 ou 10%. Tu veux bien faire, mais tu n'y arrives pas. Cela n'a rien à voir avec de l'arrogance ou un manque de détermination. Il s'est passé tellement de choses l'année dernière qu'il faut les assimiler et tu n'es peut-être pas prêt mentalement à tout avaler ou à tout balayer d'un revers de main. Je ne suis pas le seul à l'avoir ressenti en début de saison.
La baisse des performances au niveau de la Nati est-elle liée à la vague de retraites internationales qui a suivi l'élimination dramatique en quart de finale de l'Euro contre l'Angleterre?
Ce n'est pas une phase facile pour le football suisse. Il est tout à fait normal que tu ne puisses pas remplacer un Yann Sommer, un Fabian Schär ou un Xherdan Shaqiri à l'identique. Il s'agissait de figures de proue sur et en dehors du terrain, de classe internationale. Tu ne peux pas remplacer du jour au lendemain une expérience de plus de 300 matches internationaux. Réussira-t-on à les remplacer à l'avenir? C'est un énorme point d'interrogation. La Suisse a-t-elle le potentiel pour vivre ce que nous avons vécu ces dix dernières années? Là je mets le point d'interrogation suivant. Il me semble qu'il manque actuellement un petit quelque chose. Nous avons quelques talents qui sont partis très tôt à l'étranger. Jouent-ils régulièrement? Parfois, je ne vois pas chez tous l'envie absolue de tout sacrifier chaque jour à leur carrière.
Dans quelle mesure la relégation en la Ligue des Nations a-t-elle agacé le perfectionniste Granit Xhaka?
Ce n'était pas une bonne campagne, point. Mais à mon avis, la Ligue des Nations était aussi là pour donner une chance à de nombreux joueurs. Elle n'est pas comparable à une qualification pour la Coupe du monde. Muri (Yakin) a essayé près de 15 nouveaux joueurs au cours de ces trois mois, ce qui était tout à fait justifié. En fait, c'est un chiffre étonnant pour un pays d'un peu plus de neuf millions d'habitants. Nous ne sommes pas l'Allemagne avec un gigantesque bassin de population. Au vu de nos performances, il est néanmoins permis de se demander si cela suffit ou si ce n'est plus suffisant.
En septembre, vous allez retrouver l'équipe nationale du pays d'origine de vos parents. Une nouvelle positive ou est-ce surtout pénible?
J'étais chez le physio et je lui ai dit pendant le tirage au sort que je n'aimerais pas jouer contre trois nations: le Kosovo, l'Albanie et la Serbie. Et que s'est-il passé? Le Kosovo! Ce n'est vraiment pas ce que je souhaitais. Les choses vont à nouveau se corser lors des qualifications. Mais nous avons déjà vécu cette situation par le passé. Il faut simplement que cela se passe mieux que lors des dernières éliminatoires de l'Euro contre cette sélection (2-2 et 1-1 lors des dernières qualifications pour l'Euro).
Un état d'esprit particulier est-il nécessaire de votre côté?
J'ai déjà perdu beaucoup d'énergie en dehors du terrain par le passé – en Russie lors de la Coupe du monde contre la Serbie, au Qatar contre la même équipe, contre l'Albanie à l'Euro 2016, lors des premiers matches contre le Kosovo. Toute ma famille est originaire du Kosovo, c'est comme ça. Mais je suis maintenant à un âge où je peux supporter des situations extraordinaires. Je suis assez professionnel pour faire abstraction pendant 90 minutes. J'ai choisi la Suisse et je ne regrette pas ma décision une seule seconde. Je porte ce maillot avec beaucoup de fierté, sinon je n'aurais pas disputé 135 matches internationaux.
Il est d'ores et déjà clair qu'il y aura des changements dans le staff de la Nati. Giorgio Contini a signé en décembre à Young Boys.
Son départ est une très grande perte. J'ai appris à le connaître comme une personne extrêmement sympathique. Un homme avec une énorme connaissance du football et une grande expérience. Ses apports étaient perceptibles dès le premier jour, sa communication parfaite était extrêmement précieuse. Ses discours avant les matches, sa bonne humeur restent un excellent souvenir de lui. Un type cool! Il fallait s'attendre à ce qu'il fasse à nouveau son propre truc à un moment donné. Il devait accepter l'offre d'YB, c'est clair. Mais justement, pour nous les joueurs et pour Muri, son départ est une perte énorme. Muri a senti à quel point Giorgio lui a fait du bien. Il a fait du bien à tout le monde.
Quels sont les atouts que devra avoir son successeur?
Le contact avec les joueurs est décisif. Dans notre équipe, il y a plusieurs joueurs qui évoluent au quotidien à très haut niveau. Il faut donc faire preuve de beaucoup de compréhension tactique et de discernement. Giorgio a relevé ces défis avec brio. Sans un successeur comparable, ce sera difficile. Il doit être au moins du même niveau.
La liste des candidats est restreinte.
Je ne connais pas non plus 100 noms qui pourraient entrer en ligne de compte. Ce n'est pas non plus ma décision. Je n'en ai jamais parlé avec Muri. L'ASF doit simplement bien réfléchir à qui elle veut engager.
Les noms des anciennes stars de la Nati Stephan Lichtsteiner et Alex Frei circulent. Est-ce que les deux conviendraient?
La personnalité est indispensable. Stephan Lichtsteiner et Alex Frei sont tous deux des personnalités. Ils savent comment gagner. Ils savent ce que cela signifie d'être un leader sur le terrain. Ils comprennent les joueurs. Quand j'étais jeune, j'ai pu constater sur le terrain à quel point Alex avait soif de succès. Steph, j'ai eu le privilège de l'avoir comme coéquipier à Arsenal pendant un an. Il est pour moi un énorme modèle. A 35 ans, il entrait encore tous les jours sur le terrain d'entraînement de manière très professionnelle. Cela mérite le plus grand respect, je l'apprécie énormément. Pour moi, ces deux noms doivent figurer sur cette liste.
Malgré son passé glorieux, Stephan Lichtsteiner est prêt à apprendre le métier d'entraîneur de A à Z au FC Wettswil-Bonstetten, un club de quatrième division.
C'est ainsi que j'ai appris à le connaître. En équipe nationale, à Arsenal. Proche du terrain, serviable. Quand il vous dit quelque chose, vous le croyez. Quand je vois ce qu'il a accompli pendant ses sept années à la Juventus, je ne peux que lui tirer mon chapeau. Il a gagné beaucoup de titres en tant que titulaire, pas comme simple membre de l'effectif. Je l'apprécie énormément. Le fait qu'il avance maintenant pas à pas en tant qu'entraîneur, en partant de zéro, mérite la plus grande reconnaissance. Je suis convaincu qu'il est suffisamment bon pour pouvoir nous aider en équipe nationale.