L'arrivée d'Ulisses Garcia à l'Olympique de Marseille en janvier dernier a fait grand bruit. D'abord en France, où le choix de l'OM de se renforcer avec le Genevois a soulevé pas mal d'interrogations et de moqueries, ensuite en Suisse, où les railleries sont mal passées.
«Si Ulisses Garcia est titulaire à l'OM, c'est que l'OM est en deuxième division. Le championnat suisse est de deux, voir troisième zone», jugeait Polo Breitner, consultant pour RMC Sport dans l'After Foot, au soir de l'officialisation du transfert. Un avis tranché, qui passe mal compte tenu notamment du CV de l'international suisse et de la situation actuelle du club phocéen. Mais qui soulève aussi une interrogation.
La Super League n'est pas visible en France
Cet avis est-il vraiment celui que cultivent majoritairement les médias français au sujet du football helvétique? «Non, répond Zahir Oussadi, rédacteur en chef du magazine «Onze Mondial». Ici, beaucoup sont ceux qui parlent sans n'avoir rien vu et qui prennent ensuite un peu tout le monde de haut. Mais nous devrions avoir un peu plus d'humilité et nous inspirer de ce que les autres font de bien. Les clubs suisses réalisent de belles choses et nous pouvons en tirer des enseignements.»
De son côté, Hervé Mathoux, présentateur football sur la chaîne Canal + et ancienne voix du jeu vidéo FIFA, estime que le manque de couverture de la Super League nuit à son image et à celle de ses protagonistes. «Je pense que les gens connaissent mal les joueurs du championnat suisse, car ils ne le suivent pas. La Super League n'est pas visible en France, donc quand un joueur arrive, il y a un a priori. Surtout que les cracks du football suisse qui ont signé chez nous par le passé ne signent plus en Ligue 1 aujourd'hui, mais préfèrent aller en Allemagne ou en Italie.»
«Les clubs français pensent exactement l'inverse»
Et il faut dire aussi que l'offre en matière de football ne manque pas dans l'Hexagone, de quoi logiquement pousser les experts à observer d'autres championnats. Sans oublier que même les dernières rencontres de Young Boys en Ligue des champions - comme celles à venir en Europa League face au Sporting - n'étaient pas visibles à la télévision française. «Le grand public ici ne voit que les championnats intouchables pour leur club. Aller dégoter un joueur en Angleterre, en Allemagne, en Italie ou en Espagne est très compliqué. C'est davantage de l'ignorance. Une mauvaise connaissance qui fait que lorsque nous voyons arriver un joueur que nous ne connaissons pas, ce qui arrive de plus en plus souvent, les gens sont sceptiques», explique Hervé Mathoux.
Toutefois, les acteurs du monde du foot prennent ces avis à contrepied. «Les clubs français pensent justement exactement l'inverse, poursuit le journaliste. Ils vont de plus en plus faire leur marché en Suisse, parce qu'il y a de bons joueurs et parce que c'est un des rares championnats sur laquelle le championnat de France peut être attractif. Nous sommes les parents pauvres du top cinq européens. Nous nous alimentons beaucoup sur le championnat belge, et maintenant de plus en plus sur le Suisse aussi.»
L'Euro 2021 n'a rien changé
Les moqueries, comme celles de Raymond Domenech avant le huitième de finale entre la Suisse et la France, ne seraient donc que des cas isolés. Elles permettraient d'après Zahir Oussadi d'éclipser momentanément quelques faiblesses. «Cela peut être une manière de se rassurer, de se dire qu'ils sont nuls. Mais en attendant, nous nous faisons sortir par des clubs suisses en Coupe d'Europe. Les Suisses font des progrès et nous n'avançons pas forcément de notre côté. Notre sélection, qui est très forte, cache certaines choses.»
Concernant l'équipe de Suisse, Hervé Mathoux l'assure, l'élimination de la France en 2021 n'a rien changé à son image dans l'Hexagone. «Nous avons toujours eu la vision d'une équipe respectée, appuie-t-il. Pas crainte dans le sens de la peur, mais nous savons qu'elle est difficile à jouer. Elle n'a pas eu besoin de la qualification à l'Euro pour obtenir ce statut. Les matches ont toujours été serrés entre l'équipe de Suisse et la France, sauf une fois en 2014 au Brésil. Nous savons que ce n'est pas insurmontable, mais que ce n'est jamais facile. Il n'y a pas de gros complexe de supériorité face à la Nati.»
La victoire de l'Euro peut toutefois être vue comme l'élément déclencheur de l'arrivée abondante de joueurs suisse dans le championnat français. «En France, nous sommes très marqués pour suivre les tendances, explique Zahir Oussadi. La Suisse a fait un super parcours à l'Euro 2021 et cela a mis la lumière sur son football. Le grand public, mais surtout les recruteurs, braquent ensuite leurs projecteurs sur ce pays.»