La Super League en danger
Le trading est en train de tuer le football suisse

Depuis des années, la Super League suisse s'impose comme un championnat de passage, sacrifiant la formation locale au profit de jeunes étrangers revendus à prix d’or. Une stratégie risquée, qui menace sa compétitivité, son avenir européen et l'équipe nationale.
Publié: 10:13 heures
La Super League est en danger.
Photo: keystone-sda.ch
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Bastien FellerJournaliste Blick

Depuis plusieurs années maintenant, l'Europe du football s'est pour ainsi dire scindée en deux. Pour caricaturer, nous avons désormais les championnats qui achètent, et ceux qui les alimentent en vendant leurs meilleurs éléments. Et autant dire tout de suite que la Super League fait partie de ce deuxième groupe. Celle-ci n'est d'ailleurs devenue plus qu'un championnat de passage, dans lequel transitent de jeunes joueurs étrangers.

Repérés en Amérique du Sud, en Afrique, en Europe de l'Est ou dans les équipes réserves des grands clubs, ces joueurs débarquent en Suisse pour y disputer quelques matches seulement. Cela dans l'espoir de les revendre à prix d'or après quelques mois seulement. Renato Veiga en est un des bons exemples récents. Acheté par le FC Bâle au Sporting B à l'été 2023 pour un peu plus de 4 millions de francs, le défenseur portugais n'a passé qu'une saison au Parc Saint-Jacques avant de partir pour Chelsea pour un montant trois fois supérieur. Et cette stratégie, tous les clubs de Super League ou presque semblent la suivre, espérant pouvoir renflouer leurs caisses de cette manière.

Le suspense en championnat? Pas un point positif

Si ces apports de joueurs, encore en développement et dont l'arrivée se fait souvent à bas coût, ont des succès variables, ils ont des conséquences négatives sur le long terme et posent deux problèmes majeurs. Tout d'abord, ils nuisent à la stabilité des équipes puisque le brassage incessant des effectifs empêche le développement collectif, celui-là même prôné par les clubs en quête de succès. Cette saison, le niveau du championnat est loin d'être exceptionnel et il ne faut pas voir le suspense de la course au titre comme un point positif. Les prestations helvétiques sur la scène européenne (Zurich, Young Boys et Saint-Gall), le montrent d'ailleurs bien. Le football suisse a besoin de locomotives (YB et Bâle) qui puissent le pousser vers le haut.

Ensuite, cette stratégie empêche l'éclosion de talents locaux et le cas du FC Bâle le démontre bien. En effet, c'est de son campus qu'est sortie la colonne vertébrale de l'équipe de Suisse version 2014-2024 avec les Yann Sommer, Fabian Schär, Granit Xhaka ou encore Xherdan Shaqiri. Mais depuis maintenant de nombreuses années, la formation bâloise peine à alimenter la Nati. Noah Okafor s'est fait une place en équipe première en 2018 avant de partir tenter sa chance à l'étranger en 2020, mais il reste encore à ce jour une exception, même si Leon Avdullahu, 20 ans, s'est récemment imposé à mi-terrain. Cette saison, 42,1% du temps de jeu est octroyé à un joueur au passeport helvétique au FCB, dont les indéboulonnables Marwin Hitz (37 ans), Xherdan Shaqiri (33 ans) et Dominik Schmid (26 ans).

La Super League est en danger

En Super League, malgré un savoir-faire reconnu concernant la formation, 39,6% du temps de jeu est octroyé à des joueurs suisses. Taux qui tend à expliquer les nombreux départs de très jeunes éléments vers d'autres championnats.

Yverdon Sport se classe dernier de ce classement particulier avec... 10,9%. Winterthour se trouve de son côté en tête avec 75,6%. Le club zurichois se trouve toutefois à la place de lanterne rouge de Super League après 20 journées, à quatre unités d'Yverdon justement. Comme quoi, la réalité se trouve entre les deux et la balance n'est pas facile à trouver. Il faudra toutefois le faire, au risque que le football suisse se perde définitivement.

Répartition des minutes

Pourcentage de minutes jouées par les joueurs locaux:

Winterthur: 75,6%
Young Boys: 61,8%
Sion: 53,0%
Lucerne: 53,0%
Bâle: 42,1%
Servette: 36,1%
Zürich: 35,3%
Lugano: 32,1%
Grasshoppers: 30,5%
Lausanne-Sport: 23,1%
Saint-Gall: 21,2%
Yverdon Sport: 10,9%


Moyenne Super League: 39,6%


Pourcentage de temps de jeu des joueurs étrangers:

Winterthur: 24,4%
Young Boys: 38,2%
Sion: 47,0%
Lucerne: 47,0%
Bâle: 57,9%
Servette: 63,9%
Zürich: 64,7%
Lugano: 67,9%
Grasshoppers: 69,5%
Lausanne-Sport: 76,9%
Saint-Gall: 78,8%
Yverdon Sport: 89,1%

Moyenne Super League: 60,4%

Pourcentage de minutes jouées par les joueurs locaux:

Winterthur: 75,6%
Young Boys: 61,8%
Sion: 53,0%
Lucerne: 53,0%
Bâle: 42,1%
Servette: 36,1%
Zürich: 35,3%
Lugano: 32,1%
Grasshoppers: 30,5%
Lausanne-Sport: 23,1%
Saint-Gall: 21,2%
Yverdon Sport: 10,9%


Moyenne Super League: 39,6%


Pourcentage de temps de jeu des joueurs étrangers:

Winterthur: 24,4%
Young Boys: 38,2%
Sion: 47,0%
Lucerne: 47,0%
Bâle: 57,9%
Servette: 63,9%
Zürich: 64,7%
Lugano: 67,9%
Grasshoppers: 69,5%
Lausanne-Sport: 76,9%
Saint-Gall: 78,8%
Yverdon Sport: 89,1%

Moyenne Super League: 60,4%

Au classement UEFA, le top quinze dans lequel se trouve encore la Super League est en danger en fin de saison et les espoirs reposeront sur les épaules de Luganais encore engagés en Conference League. Sortir du groupe des quinze meilleures nations européennes serait un véritable coup dur puisque la route menant aux phases de ligue se compliquerait davantage pour les clubs suisses. Ce qui entraînerait donc une perte de visibilité, d'attractivité et donc de revenus.

Quelles solutions?

Chez nos rivaux pour ce fameux top quinze, tous ou presque font bien mieux que la Super League pour des résultats sur la scène européenne sensiblement similaires, voire meilleurs: Pologne 48%, Danemark 48,6%, Autriche 53,9%, Suède 60,1%, Israël 66,2%, Norvège 70,1%. Seule l'Écosse fait moins bien avec 32,7% de temps de jeu pour ses joueurs locaux.

Durant ce mercato hivernal, les clubs de Super League ont manqué de relever un peu leur pourcentage, en faisant revenir au pays des éléments prometteurs barrés à l'étranger. Roggerio Nyakossi fait par exemple partie de ces derniers. Mais malgré l'intérêt au dernier moment de Lucerne, Saint-Gall et Lugano, le défenseur genevois, capitaine de l'équipe de Suisse M20, a préféré opter pour le championnat belge (OH Leuven), nouvel eldorado des jeunes talents helvétiques.

Le football suisse devra donc trouver des solutions (quota minimum de joueurs formés localement sur la feuille de match?) pour éviter de tomber dans une impasse.

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