Il n’y a pas que les Suisses à être agréablement surpris de voir leur sélection en quart de finale de l’Euro. La Roja, tombeuse de la Croatie en prolongation au terme d’un match fou (5-3), a déjà rempli un premier objectif a minima. Et, sans faire offense à la Nati, éviter la France au tour suivant a rendu la péninsule optimiste, dans un regain d’espagnolisme triomphant après avoir vécu ces quatre premiers matches dans la torpeur.
Autant l’armada française faisait peur, autant l’équipe de Vladimir Petkovic inspire la méfiance mais sans excès. Alors, pourquoi ne pas rêver d’une place dans le dernier carré pour les Espagnols?
Luis Enrique «con dos cojones»
Peu sont ceux à pouvoir se targuer de connaître véritablement Luis Enrique Martínez Garcia mais tout le monde en est sûr: le sélectionneur est un homme de conviction, pas du genre à se dégonfler. À l’aube de ce quart de finale, tous les regards sont tournés vers l’Asturien. Car si l’Espagne et ses experts étaient dubitatifs, l’entraîneur en était persuadé depuis le début: sa Roja pouvait aller loin dans cette compétition. Les critiques ont été balayées et le natif de Gijón apparaît plus que jamais comme celui qui surmonte toutes les épreuves. De quoi booster encore un ego déjà bien pourvu.
Car des épreuves, la Selección en a connu quelques-unes à l’aube de cet Euro et c’est un euphémisme. D’emblée, Luis Enrique a été contesté dans ses choix en annonçant une liste de seulement 24 joueurs et en ne prenant aucun merengue du Real Madrid. Une première dans l’histoire, un crime de lèse-majesté même. Dani Carvajal et Lucas Vázquez sont blessés et si Nacho Fernández et Marco Asensio auraient pu faire partie de l’aventure, leur absence n’est pas incohérente.
La mise à l’écart de Sergio Ramos, quelques jours avant d’être éconduit de la Casa Blanca, ne souffre, elle, d’aucune contestation sportive. Le capitaine emblématique était apparu apathique et en panne d’énergie lors des quelques matches qu’il a pu disputer cette saison. Zinedine Zidane comptait sur l’Andalou comme on croit en la Vierge Esperanza Macarena pour inverser la tendance contre Chelsea en Ligue des Champions. Il a vite déchanté.
Epidémie de Covid et de critiques
Promu nouveau capitaine, Sergio Busquets n’a pu profiter de son brassard très longtemps. Après un premier match amical (0-0) contre le Portugal, «Busi» a été testé positif au Covid-19. La deuxième partie de «préparation» a dû être disputée par les M21, récemment éliminés en demi-finale de l’Euro espoirs. Bref, c’est tout le travail de fond qui a été tronqué.
Les deux nuls (contre la Suède et la Pologne) n’ont rassuré personne. La quarantaine de Sergio Busquets a inquiété tout le monde. Des tensions exacerbées par Álvaro Morata. L’attaquant de la Juventus ne convainc pas en dépit de sa générosité dans l’effort. Ses nombreux ratés face au but agacent. Même s’il a trouvé la cible contre la Pologne, il a ensuite raté un penalty contre la Slovaquie. Pire, quelques secondes après sa sortie, son remplaçant Ferran Torres marque sur son premier ballon, d’une talonnade. Mais Luis Enrique aime Álvaro et Álvaro le lui a rendu contre la Croatie en prolongation. Heureusement pour tous les deux d’ailleurs, car le retour au pays en cas d’élimination aurait été difficile.
So «Busi»
Pour que l’Espagne se mette de nouveau à rêver après des débuts poussifs, il a fallu le retour d’un grand Sergio Busquets. Le Catalan a tout simplement transformé son équipe. Car «Busi» n’est pas seulement ce fabricant de football, ce créateur de passes destructrices de lignes adverses, il est aussi une béquille. A ses côtés, Koke Resurrección se projette davantage et le tandem s’entend à merveille.
Son expérience est également mise à profit par Pedri, auteur involontaire d’un but contre son camp improbable mais dont l’insolence «iniestesque» sur certaines périodes justifie amplement sa titularisation depuis le début de la compétition.
L’Espagne monte donc en puissance, même si la défense centrale est encore en phase d’expérimentation avec Aymeric Laporte en nouveau taulier. Tous les remplaçants ont démontré qu’ils avaient des profils de titulaires. Avec 10 buts inscrits lors des deux derniers matches, le mutisme offensif n’est plus qu’un mauvais souvenir.
Prudence tout de même pour la Roja. Face au 3-5-2 de la Nati qui a piégé des Bleus un brin arrogants, l’adaptation à ce système de jeu si particulier sera primordiale. Une élimination serait une déception pour l’Espagne, un succès validerait les choix osés de Luis Enrique. Cet Espagne - Suisse à Saint-Pétersbourg n’est pas un Nadal – Federer à Wimbledon mais la sélection ibérique joue sa renaissance sur le devant de la scène internationale après neuf ans d’absence. Il était temps.
Tracy Rodrigo et François Miguel Boudet, Furia Liga