La Suisse et les huitièmes de finale des grands tournois, c’est une histoire de désamour. Entre la Coupe du monde 1994 et l’édition 2018, la Nati n’a jamais réussi à franchir ce palier pour entrer dans les huit meilleures nations mondiales ou européennes. Cinq échecs consécutifs, dont trois pour la génération actuelle. Lundi soir face à la France, Granit Xhaka et Cie parviendront-ils à vaincre la malédiction des tours éliminatoires? Retour sur ces cinq défaites avec des internationaux ayant foulé la pelouse lors de ces rencontres.
1994: «On aurait dû passer»
2 juillet 1994, Robert F. Kennedy Stadium, Washington DC. L’équipe de Suisse affronte l’Espagne en huitièmes de finale de la Coupe du monde, 28 ans après sa dernière apparition dans un tournoi majeur. Au sein du XI de la Nati formé par Roy Hogdson, Christophe Ohrel tient sa place sur la droite du terrain.
3-0, le score est sans appel. Pourtant, plus de 25 ans plus tard, l’ancien joueur de Lausanne et de Servette martèle: «On aurait dû passer. Il y a eu 1-0 pendant très longtemps et nous avons eu d’énormes occasions. Le gardien adverse avait tout sorti». Andoni Zubizarreta était en état de grâce ce jour-là.
Le résultat final paraît donc trop sévère aux yeux du Franco-Suisse. Alors que le coup de sifflet final approchait, les protégés de Roy Hogdson poussaient et, sur contre, les Espagnols ont pu marquer le deuxième et le troisième buts. Mais les regrets de Christophe Ohrel et de ses coéquipiers ont aussi été nourris par l’adversaire qui les attendait en quarts: «On savait que, si on passait, on allait tomber contre l’Italie. Les Transalpins ne voulaient pas jouer contre nous car on les avait battus en qualifications de cette Coupe du monde à Berne et on avait fait match nul à Rome», se souvient le double vainqueur de la Coupe de Suisse.
2006: les larmes de Ludovic Magnin
Douze ans plus tard, la Suisse a de nouveau rendez-vous avec l’histoire face à l’Ukraine. «C’est une des défaites que j’ai le plus mal digérée», décrit Ludovic Magnin. L’ancien international était en pleurs ce soir-là à Cologne, après la cruelle séance de tirs au but.
Pour la première fois, une nation a été éliminée de la Coupe du monde sans avoir encaissé un seul goal. Et, pour l’arrière gauche de la Nati, ce match s’est surtout joué dans les têtes: «Il y avait certes le facteur fatigue qui était important. Mais nous étions déjà satisfaits d’avoir atteint notre objectif, qui était les huitièmes de finale, et il nous manquait ce petit quelque chose pour voir plus grand.»
2014: «Une génération au sommet de son art»
Il faut ensuite attendre huit ans pour retrouver l’équipe de Suisse en huitièmes de finale. C’était en 2014, face à une grande équipe d’Argentine. Le future finaliste comptait notamment dans ses rangs Lionel Messi, Gonzalo Higuain ou Angel Di Maria. Dans le stade de Corinthians, la fin fut toujours aussi cruelle pour la Suisse.
«Ce jour-là, la génération 84-85-86 était au sommet de son art. La première mi-temps de la prolongation était extraordinaire mais ça n’a malheureusement pas tourné en notre faveur», se rappelle Gelson Fernandes. Le nouveau vice-président du FC Sion, qui était entré en jeu à la 66e minute à São Paolo, se dit «fier» de ce match, malgré la défaite 1-0 après prolongations.
2016-2018: le manque de réalisme
En 2016, lors de l’Euro en France, il vit une nouvelle désillusion face à la Pologne, toujours en huitièmes de finale. Il remplace Valon Behrami à la 77e et voit son équipe s’incliner aux tirs au but. «Lors de ce match, nous avons raté les occasions et nous aurions dû tuer le match quand nous en avions la possibilité», regrette Gelson Fernandes.
Lors du périple russe lors de la Coupe du monde 2018, le Valaisan fait également partie de l’effectif mais ne foulera pas les pelouses russes. La Suisse est à nouveau stoppée aux portes du top 8. Trop fébriles face à la Suède (0-1), les hommes de Petkovic se sont inclinés sur une malheureuse déviation de Manuel Akanji, qui sera encore titulaire lundi soir contre la France.
2021: «J’espère voir un ou deux Français voler»
La Suisse peut-elle donc conjurer cette malédiction? «C’est un truc de journalistes de prendre les statistiques et de dire que tel ou tel pays est maudit», rigole Christophe Ohrel. Pour lui, la Nati n’a rien à perdre et jouera crânement sa chance face aux Bleus.
Un avis que partage Gelson Fernandes qui prendra la direction de Bucarest lundi («j’y crois et c’est pour cela que je me rends sur place»). Ludovic Magnin s’attend à un match compliqué pour la Nati. «Il faudra être prêt à souffrir, prévient-il. Ça va être une soirée difficile, avec Mbappé, Benzema et Griezmann en face. Ce ne sera pas le stade des Trois Sapins d’Echallens». Selon l’ex-entraîneur de Zurich, les Suisses devront combler le déficit individuel et technique par leur force mentale et leur intensité physique. «J’espère voir un ou deux Français voler dès les premiers duels», sourit-il.
Les confrontations face à la France sont synonymes de bons souvenirs pour l’ancien défenseur de Stuttgart. Il était à l’origine d’un but face à Zidane et Cie lors du match de qualifications à la Coupe du monde 2006. Vladimir Petkovic va-t-il l’appeler pour délivrer des conseils aux troupes? «J’attends surtout son appel pour jouer, répond Magnin. S’il y a des coups francs comme ceux-là, je peux encore les tirer.» Le Vaudois peut même se targuer de n’avoir jamais perdu contre la France. «Pour un Romand, je suis plutôt fier de cela», lâche-t-il.