Jordan Siebatcheu n'a même pas eu besoin de deux saisons pour se faire un nom dans le football suisse. Celui qui a fait les beaux jours de Young Boys (88 matches, 42 buts) s'épanouit désormais à Union Berlin, sous la houlette du Zurichois Urs Fischer. Rencontre, dans les travées du Stadion An der Alten Försterei, où l’international américain se sent déjà comme chez lui.
Ce samedi, vous disputerez le derby berlinois Union - Hertha. En face, vous retrouvez votre ancien coéquipier à YB, Wilfried Kanga. Êtes-vous toujours en contact?
Oui, on se voit toujours. J’ai d’ailleurs mangé avec lui cette semaine. À Berne, on s’est bien entendu, même si on joue au même poste. Quand j’ai su qu’il allait arriver à Berlin, je lui ai tout de suite envoyé des messages. Après voilà, le derby reste le derby. On se doit de gagner contre le Hertha. Il faut aller chez eux et jouer notre football. Avec Wilfried, on sait que pendant 90 minutes, s’il faut se casser, pas de souci. Mais ça reste du foot et on sera toujours des potes après.
Comment se passe votre nouvelle vie berlinoise?
Très bien, dès le premier jour. En arrivant ici, je ne connaissais personne, mais j’ai été très vite intégré. C’est vraiment comme si je faisais déjà partie de l’équipe, qu’on se connaissait déjà. Je suis content d’être venu à Berlin qui me correspond un peu mieux. Ça bouge un peu plus que Berne qui est un peu trop calme (rires). Entendre un peu de bruit de temps en temps, ça ne fait pas de mal.
À Berlin, vous avez aussi retrouvé un entraîneur suisse: Urs Fischer.
Tout se passe vraiment très bien avec lui. On échange bien, puisqu’il parle aussi français. C’est un coach passionné. Ça se voit au bord du terrain: il est à fond. Mais en dehors, c’est quelqu’un d’assez tranquille, qui plaisante, qui rigole. Il transmet cela aux joueurs. Quand il y a un souci, on peut en parler. Il nous dit: «Peu importe ce que c’est, je préfère que vous veniez m’en parler plutôt que de le garder en vous». Une fois, après un match où il ne m’avait pas fait jouer, il est venu m’expliquer de lui-même pourquoi. Tu peux mieux comprendre et accepter.
Et d’un point de vue linguistique, vous êtes plutôt Hochdeutsch ou Schweizerdeutsch?
«Bon allemand». Ce n’est pas encore parfait, mais on s’accroche. Le suisse-allemand, j’essayais de le comprendre, mais je n’y arrivais pas (soupir). Ici, on m’a dit que même les Allemands avaient de la peine.
Au niveau du jeu, avez-vous remarqué des différences entre l’Allemagne et la Suisse?
La Suisse, c’est un peu le petit frère de l’Allemagne, que ce soit dans le travail ou dans le jeu. Mais, c’est encore beaucoup plus intense ici. Les entraînements, c’est comme si on avait match tous les jours.
En venant de France, vous avez vu la Suisse comme un tremplin?
J’ai fait le choix de signer en Suisse parce que j’avais déjà envie de venir en Allemagne. Quand j’étais au Stade Rennais, j’avais la possibilité d’aller directement en Bundesliga. Mais je voulais arriver prêt, faire une étape intermédiaire. À Berne, les choses étaient claires pour le club comme pour moi: je venais pour me relancer, reprendre goût au foot et marquer des buts. Ça a plutôt bien marché (rires). C’est pour ça que mon transfert vers Berlin s’est fait rapidement. C’était programmé.
Comment jugez-vous votre première partie de saison avec l’Union?
Moyenne, je dirais. Ça a très bien commencé, avec deux buts et deux passes décisives en quatre matches. Puis, j’ai été freiné par de petits pépins physiques. Il fallait surtout que je m’adapte à cette intensité. Je me souviens du premier camp d’entraînement, c’était super dur. Je dois bien me préparer pour la suite de la saison et ça va revenir tout seul. Sans se prendre la tête.
Et dans le vestiaire? On sait que la musique est importante pour vous.
L’ambiance est parfaite. Pour la musique, il n’y avait même pas besoin de prendre le dessus, ils ne forcent pas sur les sons allemands, on écoute de tout. Une fois, à Berlin, ils ont passé des musiques françaises et il y en a un qui a crié: «Jordy, c’est pour toi!» Ces petits trucs font que tu te sens bien accueilli dans le groupe.
Et le Stadion An der Alten Försterei? C’est un endroit à part.
On m’a raconté l’histoire du club, comment le stade a été construit (ndlr: environ 2500 fans ont travaillé bénévolement pour le rénover). Chaque fois que l’on joue ici, c’est magnifique. Lors du match du week-end dernier (ndlr: 3-1 contre Hoffenheim), on perdait 1-0, mais c’est comme si on savait que le match allait basculer. Peu importe ce qu’il se passe, ils seront toujours là. Même un simple amical devient un match de coupe d’Europe. Mes proches sont venus ici et ont dit, qu’en termes d’ambiance, ça fait partie des meilleurs stades qu’ils ont connus.
Union a occupé la tête de la Bundesliga. Est-ce qu’il y avait de l’effervescence dans le groupe?
Non, même pas. Les joueurs, les personnes qui encadrent le club, les fans, tout le monde a les pieds sur terre. On entend souvent la formule «match après match», mais ici, c’est vraiment ça. Si on a perdu, la rencontre n’est déjà plus dans nos têtes.
Vous êtes encore dauphin du Bayern, avec trois points de retard. Que peut-on encore vous souhaiter cette saison?
Le seul objectif clair, c’est le maintien. Le reste, ce n’est que du bonus. En arrivant, avec la bonne saison dernière, l’Europa League, je me disais qu’on viserait à nouveau l’Europe. Mais non. On a encore eu une réunion après le match de samedi et on y a parlé du maintien.
Et vous, vous ne voulez pas retrouver la Ligue des Champions?
C’est sûr que la Ligue des champions, la musique, les meilleures équipes d’Europe: tout le monde en rêve. Quand tu l’as disputée une fois, tu as envie de la jouer à chaque fois. Il faut aller la chercher, maintenant!