Gökhan Inler en a-t-il mangé?
Voici enfin toute la vérité derrière la photo des Luxemburgerli

Dix-sept ans plus tard, la photo de Gökhan Inler en train de manger des Luxemburgerli est toujours aussi magnifique. Le capitaine de la Nati a-t-il mangé les fameux macarons après la séance? Retour en 2008, au coeur d'une histoire qui a énormément fait parler.
Publié: 25.03.2025 à 07:22 heures
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Dernière mise à jour: 25.03.2025 à 07:27 heures
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La défaite 2-1 contre le Luxembourg est l'un des plus grands échecs de l'histoire de la Nati.
Photo: Blicksport
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Stefan Kreis

En 30 ans de carrière, le photographe de Blick, Toto Marti, a immortalisé d’innombrables instants. Mais certaines de ses photos n’ont jamais vu le jour. Comme celle de Christian Schwegler, l’ancien joueur de Red Bull, qui, lors d’une visite à Salzbourg, s’était prêté au jeu en revêtant un costume de Mozart. L’idée aurait pu être savoureuse… si son frère Pirmin n’avait pas mis un coup d’arrêt à l’opération à la dernière minute.

Autre cliché qui a bien failli rester dans l’ombre : la légendaire photo du Luxemburgerli de Gökhan Inler en 2008. «Marco von Ah, alors chef des médias de l’équipe nationale suisse, a tenté d’en empêcher la publication le soir même», se remémore Toto Marti. Sans doute flairait-il déjà la tempête qui s’abattrait sur l’ASF et Inler en cas de contre-performance face au Luxembourg lors des qualifications pour la Coupe du monde.

Mais ses efforts furent vains. L’article a été publié, photo à l’appui. Pour le meilleur. Parce que 17 ans plus tard, l’anecdote reste savoureuse. Et à l’heure où la Nati s’apprête à retrouver le Luxembourg mardi soir à Saint-Gall (20h45), il est toujours bon de ressortir certaines histoires du tiroir.

La photo diffusée au téléjournal allemand

Le 10 septembre 2008, Blick publie une photo qui deviendra culte bien au-delà des frontières suisses. Même le journal télévisé allemand relaie l’image: celle de Gökhan Inler, capitaine de la Nati, glissant nonchalamment une poignée de Luxemburgerli dans sa bouche. Une scène anodine en apparence, mais qui en dit plus long que mille déclarations de footballeur. Certes, dans l’article, l’ancien joueur de l’Udinese affirme que «ces Luxembourgeois ne sont pas des nains» et qu’il y a «toujours des surprises dans le football». Mais au fond, il n’y croit pas.

Les Luxemburgerli, ces macarons miniatures créés par la confiserie Sprüngli, doivent leur nom à un simple hasard: un stagiaire luxembourgeois avait introduit la recette en Suisse alémanique. Un détail historique qui prendra une saveur bien particulière après la débâcle qui suivra.

«Lorsque j’ai pris la photo, je n’imaginais pas une seconde ce qu’elle allait déclencher», confie aujourd’hui Toto Marti. Et pour cause: la Suisse ne pouvait pas perdre. Entre 1995 et 2007, le Luxembourg n’avait gagné aucun match de qualification. La dernière victoire des amateurs contre une équipe renommée remontait à 1964. La seule interrogation avant le match était donc l’ampleur du triomphe helvétique.

Ce qui s’ensuit restera comme l’un des plus grands embarras de l’histoire du football suisse. Pour son deuxième match à la tête de la Nati, Ottmar Hitzfeld assiste à une entame crispée de ses joueurs. Incapables de poser leur jeu au Letzigrund, ils se font punir dès la 28e minute. Jeff Strasser, capitaine luxembourgeois et l’un des rares professionnels de son équipe, envoie un coup franc à ras de terre qui surprend Diego Benaglio et fait trembler les filets. Stupeur dans les tribunes: plus de 20’000 spectateurs sont abasourdis. Ce n’est clairement pas le scénario qu’Ottmart Hitzfeld avait imaginé pour son premier match à domicile.

Les médias luxembourgeois se vengent

Le coup de grâce intervient à la 82e minute, sur un coup franc aussi osé qu’inattendu. Comme une cerise sur le gâteau de la débâcle suisse. Toute la défense se fige une nouvelle fois, laissant Alphonse «Fons» Leweck surgir librement devant le mur. Le joueur de Jeunesse Esch ne se fait pas prier et propulse le Luxembourg dans la légende.

Le lendemain, le Tageblatt luxembourgeois ironise: «Les médias suisses voulaient beaucoup de buts. Voilà, on aide comme on peut!» Pendant ce temps, Blick titre sur une «faillite du siècle». Ottmar Hitzfeld, d’ordinaire mesuré, est cinglant: «Nous nous sommes ridiculisés jusqu'à l’os. Nous sommes la risée de la nation.» Il évoque même «l'un des coups les plus durs de sa carrière».

Dans la zone mixte du Letzigrund, les joueurs suisses, trempés et abattus, peinent à trouver leurs mots, débitant des platitudes sur la nécessité de se relever. Pendant ce temps, les héros du jour, eux, exultent. Les «nains» du football fêtent leur exploit avec énormément d'enthousiasme, livrant au passage une scène d’anthologie: un livreur de bière, emporté dans la fête, se joint à eux! 

Ottmar Hitzfeld tire les leçons de l'échec

Des années plus tard, Ottmar Hitzfeld confiera à la Basler Zeitung que cet échec retentissant face au Luxembourg avait, paradoxalement, été un mal pour un bien. Ce soir-là, l’Allemand réalise qu’il doit durcir le ton. Jusqu’ici, après l’ère Köbi Kuhn, les joueurs rejoignaient la Nati dans une ambiance détendue, presque trop relâchée. «Je me suis dit: 'Eh bien, ce n’est pas mon style, mais ça leur a réussi dernièrement.'» L’humiliation du Luxembourg change tout. Ottmart Hitzfeld, habitué à la rigueur du Bayern Munich, resserre la vis.

Avec succès. Portée par le duo Frei-Nkufo, la Suisse enchaîne cinq victoires de rang (dont le retour 3-0 au Luxembourg avec un doublé de Philippe Senderos) et décroche son billet pour la Coupe du monde 2010. Et là, coup de théâtre: pour son entrée en lice, la Nati fait tomber l’Espagne, championne d’Europe en titre et future championne du monde. Ce jour-là, l’un des hommes du match n’est autre que… Gökhan Inler, l’homme des macarons luxembourgeois! 

Ironie du sort, Gökhan Inler ne s’est plus jamais exprimé sur cette photo qui l’a marqué à vie. Pourtant, il aurait pu enfin rétablir la vérité. Car, comme le révèle aujourd’hui Toto Marti, il n’a en réalité jamais croqué dans les macarons. «Après la séance, on lui a proposé de les garder, mais il a refusé. Trop de sucre», glisse le photographe dans un sourire.


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