«J'ai Kvara sur le balcon»
Depuis Neuchâtel et Lausanne, ils soutiennent la Géorgie partout

À la veille du premier match de l’histoire de la Géorgie dans un tournoi majeur, deux Suisso-Géorgiens nous parlent de leur rapport à leur sélection. Direction l'Euro en Allemagne, en passant par la Kvara-mania napolitaine et le Kosovo en solitaire.
Publié: 18.06.2024 à 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 25.09.2024 à 11:50 heures
Thomas Freiburghaus
Ramaz et son fils Shalva, sur le balcon aux couleurs de la Géorgie... et du Napoli.

Ce mardi à 18h à Dortmund, la Géorgie prendra part au premier match de son histoire à l'Euro. Elle prendra même part au premier match de son histoire dans une grande compétition internationale tout court. «Pour nous, c’est un miracle. On est un pays de trois millions d’habitants (ndlr 3,7 millions). C’est une qualification historique», se réjouit Ramaz (41 ans) qui a passé sa jeunesse à Tbilissi, la capitale géorgienne.

La parenthèse enchantée

Une qualification obtenue le 26 mars dernier, au terme d’un match fermé, mais fort en émotion. La Géorgie l'emporte finalement aux tirs au but face à la Grèce, pour un moment d'histoire. «C’était incroyable, j’étais au service au restaurant, je regardais le match en même temps sur mon téléphone», se souvient Mame, le neveu de Ramaz, serveur dans le restaurant familial du Pré-Fleuri, à Lausanne.

Mame, devant le restaurant familial du Pré-Fleuri, avec son maillot floqué Kvaratskhelia.

Des souvenirs gravés, partagés par son oncle, qui a vécu le match en famille depuis son appartement neuchâtelois. «On a tellement crié que les voisins m’ont demandé si tout allait bien. Mais c’était juste les émotions, se souvient-il. Ils savent que je suis un peu taré, j’ai Kvaratskhelia sur le balcon (rires).»

Des souvenirs que tous les Géorgiens fans de ballon rond garderont en tête. «Le 28 mars, deux jours après la qualification, je suis rentré au pays. On était encore comme dans un rêve», raconte Ramaz. Une parenthèse enchantée dans un pays tendu. D’avril à mai dernier, la Géorgie a connu de nombreuses manifestations populaires contre le projet d’une loi «pro-russe» de son gouvernement.

Naissance d'une passion

Une époque tendue, mais un pays uni pour fêter la qualification à l'Euro 2024. Un sentiment encore inconnu. «C’est incroyable de les voir à l’Euro. En 2020, ils s’étaient presque qualifiés, mais ils avaient perdu en play-off contre la Macédoine du Nord. On avait presque connu ce sentiment», retrace Mame à une table du Pré-Fleuri.

Car avant cela, et depuis sa création en 1990, la Fédération géorgienne de football n'a que peu gagné. Oscillant entre la 154e et la 42e place au classement FIFA, elle ne s'était jamais qualifiée à un Euro ou une Coupe du Monde. Ramaz se souvient des matches suivis à Tbilissi. Arrivé en Suisse il y a 28 ans, il se rappelle aussi ce Suisse-Géorgie, disputé en 2002 à Bâle (victoire 4-1 des locaux). Avec quel drapeau sur les épaules? «J’adore l’équipe de Suisse. Mais la vérité, c’est que j’avais le drapeau géorgien (rires)

Mame, le neveu, est, lui aussi, tombé dans la passion de l'oncle, avec un peu de retard. Et pour cause: suivre la sélection géorgienne depuis Lausanne n’est pas chose aisée. «C’était assez difficile de regarder les matches. J’ai commencé à les trouver pendant la première Ligue des Nations, en 2018. On jouait contre des équipes abordables, on pouvait gagner des matches», se remémore le jeune homme de 21 ans. La passion était née, et ne l’a plus jamais quittée.

La grande famille géorgienne

Chez le tonton, cette passion se ressent sur chaque mur et dans chaque armoire de l'appartement. Celle-ci l'a mené jusqu'au Kosovo, en octobre 2021. Ramaz se rend à Pristina pour le compte des qualifications pour la Coupe du Monde 2022. «J’ai senti que je n’étais pas le bienvenu. C’était assez dangereux, j’étais le seul Géorgien. Quand j’ai sorti mon drapeau, ce n’était pas drôle du tout. J’ai senti la pression des supporters», raconte celui qui a récolté insultes et briquets. Après le match, le staff lui propose de rester à l’hôtel avec l’équipe, «pour ne pas prendre de risque». «Les joueurs m’ont dit que j’avais été courageux de venir ici, seul, avec mon drapeau. Ils se sont demandés comment j’étais rentré du stade», préfère en rire le père de famille.

Une expérience marquante pour celui qui a rencontré «tout le monde» à l'hôtel. Aujourd’hui, il se réjouit de chaque like des internationaux géorgiens sur les photos de son fils, Shalva. À 6 ans, ce dernier est partout sur les réseaux du paternel. Un «projet Kvara» est en cours pour celui qui sera «un futur joueur de l’équipe nationale». En attendant, le père l’emmène partout, pour apprendre de ses idoles. «On est allé voir Kvaratskhelia à Naples. On a été très bien accueilli par les Napolitains, parce qu’on était Géorgiens.» Une plongée dans la Kvara-mania qui a envahi la ville de Campanie.

Il va voir les joueurs géorgiens partout

Une folie qui se ressent jusqu’à Lausanne et au restaurant du Pré-Fleuri. «Quand je dis que j’aime le foot et que je viens de Géorgie, on me parle directement de Kvara», explique Mame, le neveu.

Mais Ramaz ne s’arrête pas au numéro 77 napolitain. «La dernière fois, on est allé à Annecy avec les supporters bordelais pour voir Zuriko Davitashvili», raconte-t-il. «On est aussi allé voir Gabriel Sigua, le nouveau joueur de Bâle, en Coupe de Suisse à Saint-Blaise. Mon petit avait un maillot de Kvara et Sigua lui a donné le sien après le match», se souvient Ramaz avec des étoiles dans les yeux. «Il a dit que ça faisait plaisir de rencontrer une famille géorgienne en Suisse. Je l’ai invité à Neuchâtel. On va lui faire une belle cuisine géorgienne, il viendra faire des passes avec le petit.»

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Direction Hambourg

Kvaratskhelia n’est donc pas seul, et la Géorgie pourra s’appuyer sur d’autres joueurs de qualité en Allemagne. Giorgi Mamardachvili, gardien de Valence, sort d’une excellente saison en Espagne. Georges Mikautadze, auteur d’une deuxième partie de saison fantastique avec Metz (14 buts en 22 matches) est suivi par les meilleurs clubs français. Mais pour Mame, le joueur frisson de l’Euro 2024 côté géorgien sera Giorgi Chakvetadze, meneur de jeu de Watford. «Les premiers matches de Nations League que je regardais, il n’y avait pas Kvaratskhelia. Chakvetadze était sensationnel, il mettait des buts de fou. À ce moment-là, on pensait qu’il allait être meilleur que Kvara», tonne-t-il.

Tous les espoirs sont permis pour la Géorgie, dans un groupe F homogène composé du Portugal, de la Turquie et de la République Tchèque. «On espère sortir du groupe. Mais ce sera de toute façon historique», rêve déjà Ramaz, qui sera à Hambourg samedi prochain, pour le match contre la République Tchèque.

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Mame, quant à lui, suivra l’Euro à distance, depuis Lausanne. Pour la première fois, il pourra y supporter son pays. «Quand il y avait des pays de mes amis, j’aimais bien supporter avec eux. Et maintenant, c’est à mon tour. Je questionne mes amis pour savoir s’ils vont supporter la Géorgie avec moi. Et ils me disent 'bien sûr!'». À deux ou à mille, la Géorgie pourra compter sur Mame et Ramaz dès mardi (18h) face à la Turquie.

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