A quelques jours du début de l'Euro allemand ressurgissent chez les supporters de l'équipe de Suisse le mythique souvenir de la Coupe du monde 2006 et notamment du match contre le Togo à Dortmund. La Nati s'était alors imposée devant plusieurs dizaines de milliers de supporters confédérés... alors qu'au total, ce sont, selon les estimations de l'époque, plus de 100'000 Suisses qui se trouvaient dans la Ruhr ce jour-là!
Témoin privilégié de cette compétition, Michel Pont en était surtout l'un des acteurs principaux, lui qui était l'adjoint du sélectionneur Köbi Kuhn. Le Genevois, pour Blick, revient sur ces semaines complètement folles, ponctuées par la malheureusement inoubliable défaite aux tirs au but face à l'Ukraine.
Il fallait prendre les bonnes décisions
«Cette Coupe du monde 2006, c'est l'apothéose de ce que l'on avait construit depuis janvier 2002, explique Michel Pont. Lorsqu'on a repris l'équipe avec Köbi Kuhn, à la suite d'Enzo Trossero, nous avons eu six mois pour évaluer la situation et prendre les bonnes décisions. Il y avait des clans dans l'équipe, des bagarres internes... Il fallait faire le ménage et nettoyer tout ça pour repartir de zéro, ou presque.»
En six mois, le duo a cherché à identifier les leaders sur lesquels s'appuyer, la Suisse sortant d'une période noire. Après le renouveau de la Coupe du monde 1994, puis la participation à l'Euro 96, un tunnel avait suivi: aucune qualification pour la Coupe du monde 98, pour l'Euro 2000 et la Coupe du monde 2002! Autant dire qu'il fallait reconstruire et ramener un certain enthousiasme, ce qui n'allait pas forcément de soi.
Trouver les bonnes personnalités
Köbi Kuhn et Michel Pont s'y sont attelés. «La clé, c'était vraiment de trouver les personnalités avec lesquelles il était possible de construire un état d'esprit pour avancer. Le défi n'était pas tactique ou technique, même si ces deux aspects comptent aussi bien sûr, mais bien de créer un groupe Nati, avec des gars qui s'identifient à ce maillot et comprennent les enjeux derrière.» Simple à dire, pas si simple à mettre en place.
«Nous étions deux entraîneurs suisses et nous avons alors expliqué aux joueurs ce que représentait la Nati. Tous n'étaient pas forcément conscients des enjeux, je peux le dire aujourd'hui. Participer à un Euro ou à une Coupe du monde, c'est faire vivre la Fédération, c'est créer des programmes de formation, cela permet d'alimenter tout l'écosystème et cela profite à tout le football suisse. Ce n'est pas juste venir faire un match et rentrer chez soi, que l'on ait gagné ou perdu. L'équipe de Suisse, c'est bien plus que ça! En club, ils sont payés, c'est facile, c'est leur boulot. Mais pour la Nati, ils viennent jouer gratuitement. La motivation, elle devait être de porter ce maillot, mais ce n'était pas aussi évident au début», enchaîne le Genevois.
«On voulait que le fan s'identifie à 400% à cette équipe»
Afin de créer un élément de sympathie autour de la sélection, Köbi Kuhn et Michel Pont décident d'ouvrir le maximum d'entraînements au public. «On voulait que les joueurs sentent la ferveur, qu'ils signent des autographes, qu'ils ressentent cet amour, mais aussi cette pression, de la part du public. On voulait que le fan s'identifie à 400% à cette équipe, que ce soient ses joueurs, qu'il n'y ait pas de tricheur. Ce sentiment s'est encore renforcé avec la double confrontation face aux Turcs. Avec tout ce qui s'est passé à Istanbul, on a vraiment senti une unité autour de l'équipe. Les gens ont vu les valeurs de ce groupe.»
Johan Vogel est revenu halluciné aux vestiaires
L'apothéose, pour reprendre le terme de Michel Pont, a donc été ce «mur rouge» à Dortmund face au Togo lors du deuxième match de la Coupe du monde. «Les docteurs étaient déjà allés se promener en ville le matin. Quand ils sont rentrés, ils nous ont dit qu'il y avait sans doute près de 100'000 Suisses. On n'y croyait pas! Et puis après, on a compris en arrivant au stade la folie dans laquelle on se trouvait... Je me souviens encore de Johan Vogel qui vient vers nous, complètement choqué avant l'échauffement et qui nous demande après avoir vu les tribunes si on avait changé de pays!»
La Suisse bat le Togo 2-0, enchaîne avec un succès face à la Corée du Sud et, grâce à son 0-0 d'entrée face à la France, termine même en tête de son groupe! Le tableau lui réserve alors un adversaire a priori abordable, l'Ukraine. Certes, la Zbirna compte Andreï Shevchenko dans ses rangs, tout comme Sergeï Rebrov et Anatoly Tymoschuk, mais la Suisse, qui n'a encaissé aucun but lors de la phase de groupe, semble de taille à passer. Pascal Zuberbühler garde d'ailleurs une nouvelle fois sa cage inviolée, mais l'Ukraine s'impose 3-0 (!) aux tirs au but, la Nati n'en marquant pas un seul... «Cette série de tirs au but, je l'ai encore en travers de la gorge. Si on passe aux penalties, qui sait jusqu'on peut aller ensuite... On était solides, unis, déterminés», enrage encore aujourd'hui Michel Pont.
2006, la base des succès futurs de la Nati
Même avec cette fin tragique, le bilan global de la Coupe du monde 2006 reste largement positif pour Michel Pont. «Au-delà du résultat brut, parce qu'on aurait pu faire mieux, c'est surtout l'héritage de cette Coupe du monde qui a été important. Quelque part, c'était la première pierre des succès futurs», explique le sélectionneur adjoint. Le changement de génération entre les grosses personnalités qu'étaient Ricardo Cabanas et Alexander Frei, entre autres, et les nouveaux venus emmenés par Valon Behrami, avant l'éclosion de la génération Xhaka-Shaqiri, a pu se faire de manière optimale, sur les bases de cette Coupe du monde 2006 exemplaire au niveau de l'état d'esprit du groupe.