D’ordinaire, la bibliothèque Deichmanske d’Oslo est un havre de paix, où règne un profond silence. Mais lundi dernier, un cri de joie est venu briser cette quiétude. Celui de Naina Inauen. «J'étais en train de réviser mon droit quand j'ai appris ma convocation», raconte la milieu de terrain du Lyn Fotball, âgée de 24 ans. «Je ne m’y attendais pas du tout!»
Et elle n’était pas la seule. En Suisse, peu de gens avaient entendu parler d’elle. Même Pia Sundhage, la sélectionneure de la Nati, ne l’avait pas dans son radar. Alors, plutôt que d’attendre, Naina Inauen a pris les devants. Par l’intermédiaire de l’entraîneur des gardiens de son club, elle a obtenu le numéro de Pia Sundhage. «Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Je lui ai écrit pour lui dire que j’aimerais faire partie de l’équipe nationale. Franchement, je ne m’attendais même pas à une réponse.»
Mais Pia Sundhage lui a bel et bien répondu. Et aujourd’hui, Naina Inauen est là, avec la Nati, prête à saisir sa chance.
Depuis 15 ans en Norvège
Si Naina Inauen est encore méconnue en Suisse, c’est en grande partie à cause de son parcours atypique. À neuf ans, elle quitte le pays avec sa famille pour s’installer en Norvège, où ses parents ouvrent une ferme pour chiens de traîneau dans un petit village. «Une vie à la ferme, en pleine forêt, au milieu de nulle part», résume-t-elle. Enfant, elle passe ses journées à s’occuper des 50 chiens et à filer sur les pistes en traîneau.
Mais sa vraie passion, c’est le football. En Norvège, il occupe une place bien différente de celle qu’il a en Suisse, notamment chez les femmes. «Là-bas, quand on dit qu’on joue au foot à un niveau professionnel, on nous demande le nom du club et notre poste. En Suisse, on nous demande surtout ce qu’on fait à côté», glisse-t-elle avec un brin d’ironie.
Le Covid la ramène en Suisse
Malgré tout, sa carrière la ramènera en Suisse en 2020 pour quelques mois. A Rosenborg Trondheim, elle est sur le point d'intégrer le cadre professionnel. Mais en raison des contraintes liées au Covid, les allers-retours entre le secteur junior féminin et l'équipe A ne sont temporairement plus autorisés. Le niveau des juniors étant trop bas pour elle, elle passe au FC Saint-Gall à l'automne 2020. Après six mois et neuf matches, elle retourne en Norvège.
Naina Inauen y évolue d'abord pour le club de deuxième division IF Flöya, puis pour le club rival de Tromsö, où son père Emil reprend le poste d'entraîneur en 2023. L'été dernier, elle est finalement transférée au Lyn Fotball, dans la plus haute division norvégienne. Mais pas tout à fait de son plein gré. Comme son père est licencié de Tromsö, Naina Inauen décide elle aussi de quitter le club et de relever un nouveau défi. C'était un «épisode spécial».
Elle n'a pas manqué une seule minute de jeu
Mais d'un point de vue purement sportif, ce changement était la bonne décision. «J'étais prête et j'avais d'ailleurs déjà reçu des offres de transfert deux ans auparavant», raconte-t-elle. Ses statistiques soulignent qu'elle possède les qualités requises pour une ligue de haut niveau comme la «Toppserien». Bien qu'elle ait rejoint l'équipe en milieu de saison, elle n'a pas manqué une seule minute de jeu en 17 matches de championnat et deux matches de coupe.
En équipe nationale, la débutante devra toutefois se contenter d'un rôle de remplaçante, au début en tout cas, ce qui n'est pas un problème pour elle. «Je me concentre sur chaque entraînement et je veux aider l'équipe du mieux possible. Je ne pense pas encore à l'Euro», assure-t-elle. Et pourtant, Naina Inauen peut tout à fait espérer participer au tournoi de cet été: ce n'est sans doute pas pour rien, ou juste pour lui faire plaisir, que Pia Sundhage a répondu à son SMS et l'a convoquée pour ce rassemblement.