Désormais à la retraite
Valon Behrami, le réfugié devenu héros de la Nati

Valon Behrami a souvent fait du bruit – sur et en dehors du terrain. Il vient d'annoncer sa retraite à 37 ans. Retour sur sa vie tumultueuse.
Publié: 30.05.2022 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 02.06.2022 à 14:19 heures
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Valon Behrami met un terme à sa carrière. Retour sur celle-ci en images.
Photo: TOTO MARTI
Andreas Böni

Pour comprendre Valon Behrami, il faut parler à son père. C’est en 1990 que Ragip Behrami, son épouse Halime, Valon et sa soeur Valentina fuient la guerre au Kosovo. Valon n’a alors que quatre ans et demi. Il n’existe pas de photo de la famille au pays. «Nous avions des centaines de photos de nos enfants, mais elles ont toutes brûlé. Des bombes sont tombées sur notre maison», souffle le paternel.

Sa famille arrive au Tessin, dans le bourg de Stabio à la frontière avec l’Italie. Elle reçoit de l’argent de la commune pendant trois mois. «C’était une honte pour moi, martèle le père. Je voulais travailler.» Dans son pays, avant la guerre, il était chef de vente dans une usine de plastique. En Suisse, il accepte un poste de camionneur: «Pendant 20 ans, j’ai livré du salami pour Rapelli. Je me levais à cinq heures du matin.»

Presque expulsé

Bien installée en Suisse, les Behrami vont vire un nouveau choc en 1998: ils doivent quitter le pays. Valon joue alors pour les juniors de Giubiasco. Le conseiller d’État tessinois Alex Pedrazzini, dont le fils évoluait dans la même équipe, intervient en leur faveur. Dans la région, 2000 signatures sont récoltées pour que la famille puisse rester. Deux ans plus tard, ils sont naturalisés.

À cette époque, Valon Behrami a plus de succès en course à pied qu’en football. À 13 ans, il doit choisir un sport. Il privilégie le ballon rond et rejoint le centre de formation de l’Association suisse au Tessin. «Il devait prendre le bus à 5h40 en direction de Mendrisio. De là, il prenait le train pour Bellinzone. Puis en bus jusqu’à Tenero. Il rentrait à la maison à 21 heures. Il n’avait jamais le temps de sortir.»

Deux ans plus tard, le milieu de terrain évolue à Lugano. À cette époque, Grasshopper et Bâle le courtisent. En raison de la proximité du Tessin, il part plutôt au Hellas Vérone – où il est élu meilleur joueur de Serie B. Et en 2005, il fait ses débuts en équipe nationale sous la direction de Köbi Kuhn lors des qualifications pour la Coupe du monde contre la France (1-1). Dès son deuxième match, le barrage aller contre la Turquie, Behrami marque un but extrêmement important pour la Nati. Grâce à sa victoire 2-0, la Suisse pourra se contenter d’une défaite à Istanbul (2-4) et accédera à la Coupe du monde 2006 en Allemagne.

«Je suis tellement fier de pouvoir porter les couleurs de la Suisse, explique Valon Behrami. Je peux me battre pour un pays qui m’a tant donné, à moi et à ma famille.» Mais très tôt, on sent qu’il veut aussi foncer tête baissée.

Le scandale de la course d’école

Début 2007, il provoque un premier scandale. Alors que l’équipe nationale dispute des matches amicaux en Floride, il qualifie cela de «voyage scolaire». Pendant des semaines, ses mots font la une des journaux.

Valon Behrami dira plus tard: «C’était la plus grosse erreur de ma carrière. Mais je crois que j’en ai tiré des leçons. Quand on est intelligent, on apprend de ses erreurs. À l’époque, j’en ai aussi commises beaucoup dans mes relations avec mes coéquipiers, mais à cet âge, on a encore le droit.»

Le Tessinois ne cesse de susciter des discussions avec son look extravagant qui ne fait pas l’unanimité. Cheveux teints, Porsche noire, apparitions en Ferrari.

Pourtant, Valon Behrami a toujours été prêt à se donner corps et âme pour la Suisse, au sens propre du terme. Blessures au genou, côtes cassées, blessures à la hanche et à la cuisse, tout cela fait partie de sa carrière. Lorsqu’il parle aux journalistes après le match, il a souvent un sac de glace sur son genou.

Les gros titres de la Coupe du monde

Ses participations à la Coupe du monde n’ont jamais été de tout repos. En 2010 en Afrique du Sud, il voit rouge lors du deuxième match contre le Chili (0-1) après un coup de coude. L’entraîneur Ottmar Hitzfeld s’énerve et l’équipe sera éliminée au premier tour. En 2014 au Brésil, contre l’Équateur, il tacle un adversaire dans sa propre surface de réparation. Un magnifique geste défensif qui déclenche une contre-attaque héroïque pour le 2-1 de Haris Seferovic inscrit dans les arrêts de jeu. En 2018 en Russie, il muselle Neymar avec son jeu dur contre le Brésil (1-1).

Et en dehors du terrain? Il devient papa de deux enfants avec sa petite amie. Il fait à nouveau les gros titres en 2015 lorsqu’il joue à Hambourg et se bat avec son coéquipier Johan Djourou dans les vestiaires. Ses passages à la Lazio, West Ham, la Fiorentina, Naples, Hambourg, Watford, Udinese, Sion et le Genoa restent moins dans les têtes que sa carrière en équipe nationale.

C’est alors que Lara Gut entre dans sa vie.

Tourbillon en 2018

Le 18 mars 2018, ils officialisent leur relation. Quelques semaines plus tôt, Valon s’était officiellement séparé de sa compagne. Plus tard, le couple Gut-Behrami se marie et Lara apparaît régulièrement dans l’entourage de la Nati lors de matches à l’extérieur.

La skieuse va et vient à l’hôtel lors de la Coupe du monde en Russie – et ce même quelques heures avant les matches. Le tout est longtemps accepté, car Valon Behrami est un pilier de l’équipe avec un total de 83 sélections. Des grognements se font entendre et tout explose après l’élimination en huitièmes de finale contre la Suède (0-1).

Après la rencontre, Valon Behrami annonce en zone mixte qu’il souhaite continuer à jouer. Mais, le sélectionneur Vladimir Petkovic veut donner leur chance aux jeunes, en arrêtant de convoquer systématiquement les joueurs plus âgés.

Critique sévère à l’encontre de Petkovic

De son côté, le vétéran tessinois appelle immédiatement les journalistes de la RSI. Il donne alors une interview très dure. «Je pensais qu’il s’agissait d’un appel de courtoisie de la part de Vladimir Petkovic. Mais il voulait me mettre à la porte de l’équipe nationale. Et cela un mois après l’élimination de la Coupe du monde. Il a créé des dynamiques qui ne me plaisent pas.»

Le milieu de terrain n’en reste pas là. «L’entraîneur peut dire ce qu’il veut. C’est une décision politique. Je suis déçu. Je suis aussi un être humain, j’ai des sentiments. Je parle ici de l’entraîneur, de tout le groupe. Je pensais pouvoir faire confiance à certaines personnes dans la mesure où elles prendraient une telle décision au moins avec moi. Me regarder en face. Me mettre la main sur l’épaule. Et ne pas m’annoncer que je n’ai plus ma place en trente secondes par téléphone.»

Valon Behrami en rajoute encore une couche sur son désormais ex-sélectionneur: «Je ne veux pas de telles personnes dans ma vie. Je ne veux pas avoir de relation avec eux. Je veux des gens courageux. Heureusement, je n’ai pas besoin de travailler avec lui. Plus maintenant.»

Et maintenant, la retraite…

Behrami se retire de plus en plus de la vie publique. Il supprime ses comptes sur les réseaux sociaux. Il refuse catégoriquement une cérémonie pour marquer son départ de la Nati, comme le veut la tradition. Finalement, le vieux lion prend discrètement sa retraite de joueur à Brescia, en Serie B, pour devenir l’assistant du directeur sportif à 37 ans. Après avoir longtemps fait les grands titres, Valon Behrami tire sa révérence le plus discrètement possible.

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