Autant le déplacement du FC Sion la veille dans le triste décor pluvieux de la grise banlieue zurichoise pour y affronter YF Juventus a été déprimant, autant celui du Lausanne-Sport samedi après-midi a représenté exactement ce qui fait la beauté de la Coupe de Suisse. Le LS était en effet attendu dans «l’Emmental profond», de l’aveu même des membres du FC Aemme, ce club issu d’une fusion récente entre le FC Zollbrück et le FC Hasle-Rüegsau, et qui tire son nom d’une rivière passant à deux pas, littéralement, du centre sportif joliment nommé Tannschachen.
Du vert partout, des collines à perte de vue, six vaches derrière le but, la beauté de l’arrière-pays bernois et une vraie passion pour le sport dans ce coin de terre. Les Langnau Tigers survivent en effet dans l’élite du hockey suisse à quelques kilomètres de là et, à Zollbrück, le football fait office de lien social dans cette campagne accueillante et traditionnaliste. Le Lausanne-Sport était donc invité dans ce décor de rêve pour qui aime le football vrai, pour ce qui était attendu par tout le monde dans la région comme étant le «match d’une vie» et le «plus grand match de l’histoire du club».
Le charme de la Coupe dans tous les coins
Les derbies contre Konolfingen ou Langnau attirent en général jusqu’à 200 personnes, mais ce samedi, sous un joli soleil en début de match, ce sont plus de 1300 spectatrices et spectateurs qui se sont déplacés, dont les ultras locaux, surnommés «Cupfighters» l’espace d’une journée. Le club emmentalois a mobilisé des dizaines de bénévoles ces derniers jours pour construire des tribunes supplémentaires afin d’accueillir tout le monde du mieux possible, y compris les supporters lausannois, et le pari a été largement remporté, même si, grand classique, la sono installée pour l’occasion a pécloté même avant le début du match. Pour ajouter encore au côté délicieusement foot des talus, même les bancs des remplaçants ont été prolongés avec… des buts de juniors D recouverts d’une bâche! Le charme d’un club amateur de la première à la dernière minute. Encore plus fort? La maison mitoyenne posée juste derrière un but (en face des vaches donc), avec trois balcons donnant directement sur le terrain. Sur l’un d’entre eux, une banderole peinte à la main «Hopp Aemme» juste au-dessus d’un «Young Boys Forever» inscrit sur le fronton de… la niche du chien!
Si le FC Aemme a gagné le droit de recevoir le LS ce samedi et de faire la fête, il le doit à sa victoire contre le FC Haute-Ajoie devant 330 spectateurs au premier tour (1-0), mais aussi au fait d’avoir gagné la Coupe bernoise la saison dernière. Les belles histoires existent encore dans le football suisse, grâce à la Coupe, et il y a juste à espérer (implorer?) que l’ASF garde longtemps vivante cette tradition.
Le match? Un tir cadré d’entrée pour Aemme, après tout juste une minute, afin d’être sûr que Thomas Castella, titulaire comme lors du premier tour à Champel, était bien chaud, puis une longue et attendue domination lausannoise, comme de juste. Ludovic Magnin, qui doit trouver des solutions pour recomposer son équipe avec les absences longue durée d’Antoine Bernede et d’Olivier Custodio à mi-terrain, avait décidé de titulariser Diogo Carraco et Jamie Roche dans ce secteur-clé, tandis que Karim Sow, excellent à Berne face à YB avant la trêve, avait gagné le droit d’enchaîner en défense centrale. La donne est claire avec le jeune Broyard, d’autant plus avec le départ de Gabor Szalai: tant qu’il est bon, il jouera. Et il aura sans aucun doute à nouveau sa chance mercredi face à Lugano à la Tuilière. Devant, Ludovic Magnin avait opté pour un quatuor composé d’Alvyn Sanches en soutien de Fabricio Oviedo, avec Teddy Okou et Konrad de la Fuente sur les ailes.
Lausanne a pris les devants dès la 5e, bien plus tôt qu’à Champel (0-7 au final), grâce à une jolie finition de Teddy Okou, puis s’est créé plusieurs occasions d’inscrire le deuxième avant la pause, sans succès. Le FC Aemme ne s’embêtait de son côté pas trop à la construction, doux euphémisme, mais essayait de profiter de chaque ballon récupéré pour aller inquiéter Thomas Castella. Les Emmentalois ne se sont pas créés d’occasion, mais ont tout de même réussi à tirer trois fois au but en première période, sans cadrer, mais deux envois ont terminé à une distance raisonnable du but du gardien lausannois. 1-0 à la pause, donc.
Ludovic Magnin a décidé de faire entrer deux joueurs à la pause, dont le dernier arrivé, le milieu de terrain français Koba Koindredi en lieu et place de Diogo Carraco. L’idée là-derrière, très certainement: accélérer l’intégration de ce jeune joueur arrivé du Sporting Portugal, tant il risque de jouer un rôle important dans les prochaines semaines au vu des absences à mi-terrain. L’autre joueur à être entré à la pause présentait un visage plus familier des fans du LS, puisqu’il s’agissait de Fousseni Diabaté.
Un doublé pour Karim Sow sur corner
Lausanne a repris sa domination, mais s’est fait une frayeur à la 53e lorsque le FC Aemme s’est créé une double occasion, conclue par une frappe peu au dessus de la barre. Il fallait donc se mettre à l’abri pour les Vaudois, ce qui a été fait à la 61e et la 71e grâce à un doublé de Karim Sow sur corner, ce qui est tout de même peu courant! A 3-0, l’affaire était définitivement pliée, mais il serait faux de dire qu’il y ait eu le moindre doute ce samedi sur l’identité du vainqueur. Le 4-0 de Teddy Okou à la 75e est venu ajouter un peu de marge au succès lausannois, ce dont Ludovic Magnin ne se plaindra certainement pas.
La fête pouvait se terminer en beauté pour tout le monde: Le FC Aemme, pas du tout frustré, n’aura pas réussi à créer un exploit auquel il ne croyait de toute façon pas, et le LS s’est qualifié sans trembler pour le troisième tour. Les supporters des deux camps, eux, ont passé un bel après-midi et les fans du Lausanne-Sport ont eu la chance de découvrir un terrain de plus, où ils n’auront sans doute jamais l’occasion de revenir. Et qui sait, peut-être que dans dix, vingt ou trente ans, ils pourront se dire: «Tu te rappelles, l’année où on a gagné la Coupe, on était allés jouer dans l’Emmental en 16es, c’était déjà quoi le nom du bled?».
Prochaines étapes pour le LS avant de rêver à aller chercher une huitième Coupe de Suisse dans son histoire: le tirage au sort des 8es, dimanche soir, puis les réceptions de Lugano (mercredi) et d’Yverdon (dimanche). Semaine passionnante en vue.