C'était, déjà, il y a un quart de siècle. Ce jour de solstice d'été et de Fête de la musique, le 21 juin 1998, a lieu le «père de tous les matches», comme on l'a appelé à l'époque. Iran contre États-Unis. Le duel des ennemis jurés. Politiquement, l'affrontement le plus explosif de l'histoire. Et au milieu de tout cela, un Suisse, l'arbitre Urs Meier.
«Le plus beau moment de ma carrière», se souvient le Zurichois aujourd'hui. L'arbitre se rappelle de «l'atmosphère enivrante» du stade Gerland, à Lyon, qui a donné de «l'extase pure» à Urs Meier: «On sentait qu'il se passait quelque chose d'historique. Je n'avais jamais vécu cela auparavant.»
Le fait qu'on lui ait attribué ce match ne l'avait pas étonné à l'époque. Pourquoi? Parce qu'il était Suisse. «Urs Meier est doublement neutre: arbitre, et Suisse», avait rigolé Bela Rethy, le commentateur de l'époque à la télévision allemande.
«Le football a été le grand gagnant»
Le contexte tendu de la partie a-t-il donné des sueurs froides au directeur de jeu? Urs Meier assure qu'il n'a jamais craint que ce match dépasse le cadre du football et débouche sur des troubles politiques: «Pour moi, il était évident que ce serait une rencontre saine. Tous les acteurs voulaient montrer au monde entier que le fair-play était possible.» C'est effectivement ce qui s'est passé: l'Iran s'est imposé 2-1 et tous les joueurs se sont félicités mutuellement à la fin de la rencontre.
«L'Iran bat les USA et remporte sa Coupe du monde», écrivait à l'époque «Le Temps». La FIFA, elle, préfère se souvenir dans sa vidéo commémorative d'un match «où le football a été le grand gagnant».
L'arbitre suisse a apporté sa pierre à l'édifice. Non seulement Urs Meier a réalisé un sans-faute durant le match, mais il avait senti le caractère historique de l'événement et a organisé une séance photo commune avec les deux équipes avant le coup d'envoi.
Quelques secondes plus tard, le Zurichois s'est retrouvé avec... un ballon de baudruche rose dans les mains. Aujourd'hui encore, l'objet est un mystère aux yeux du directeur de jeu. «Je l'ai sorti du terrain, car je ne savais pas quelle était sa signification. Si je l'avais fait éclater avec le pied, cela aurait pu créer une polémique.» En signe de paix, les Iraniens ont, eux, offert des œillets blancs aux Américains avant le coup d'envoi.
Sous le signe des manifestations
Ce mardi soir (20h, heure suisse), presque 25 ans plus tard, les deux nations se rencontrent à nouveau. Et une fois de plus, le match est imprégné d'une grosse composante politique. Parce que les Iraniens sont descendus dans la rue pour protester contre le régime. Et parce que l'équipe nationale s'est solidarisée avec les manifestants et a boycotté l'hymne lors du premier match de groupe.
Pour Urs Meier, l'attitude des joueurs perses a été très courageuse: «En fin de compte, tout est question de valeurs, qu'il faut défendre et représenter sur cette scène très médiatisée.» Comme ce fut le cas ce jour de juin 1998 lors du match le plus explosif de l'histoire.