Battre la France dans un tournoi européen à la fin juin, cela pourrait presque devenir une tradition pour l’équipe de Suisse. Mercredi, les Bleus ont été balayés 4-2 lors du championnat d’Europe des réfugiés, l'Euro Unity Cup. Un tournoi à huit équipes organisé mercredi par l’UEFA et le Haut-Commissariat des Nations Unies au stade de Colovray à Nyon (VD).
Murat Yakin dans le vestiaire
Le club genevois de Galaïca Onex a porté fièrement les couleurs suisses, ne s'inclinant qu'aux tirs au but de la finale contre l’Allemagne. «Qu'importe le résultat, ce qui compte, c'est que mes joueurs se sentent libres sur le terrain», s’est félicité l’entraîneur-président Baidy Ndiaye.
Durant la matinée, celui qui travaille comme paysagiste pour sa commune a reçu le soutien d’un assistant de luxe: Murat Yakin, qui a remis les maillots aux joueurs. Son discours rassembleur a été applaudi et ovationné avec un peu de latence, le temps que ses propos soient traduits en français.
Le sélectionneur s’est prêté au jeu, même les arbitres ont sollicité des selfies après le coup de sifflet final. «Avec un peu d’entraînement, certains joueurs pourraient peut-être rejoindre mon équipe de Suisse», s’est amusé «Muri». Mais ça risque d’être trop court pour la Coupe du monde.
«Ce tournoi est une belle initiative, poursuit le Bâlois. Le football est un vecteur d’intégration sociale et d’échange. Gamin, je jouais dans la rue avec mes copains. Ici, les joueurs ont un billard.»
Le football, comme bouée de survie
Le capitaine, Zakaria («comme Denis», le joueur de la Juventus) Mahamat se souviendra longtemps de cette journée sous le soleil nyonnais: «C’est un honneur de pouvoir représenter la Suisse et d’être coaché par un tel entraîneur.»
Cet étudiant en relations internationales est arrivé fin 2019 à Genève. Le Tchadien de 33 ans ne sait pas encore s’il pourra rester dans le pays. «Au début, le football n’était qu’une passion, aujourd’hui c’est devenu ma thérapie. Le ballon me permet de tenir bon, et de me faire des amis aussi. Pendant 90 minutes, je suis un joueur comme un autre.»
Sur le terrain, la cohésion des Genevois saute aux yeux. La plupart jouent ensemble depuis les juniors, lorsque le club d’Onex a intégré les deux premiers migrants dans son effectif. Depuis, le projet a pris de l’ampleur. L’équipe a même fêté une promotion en 4e ligue cette saison.
Des difficultés financières
L’équipe de Suisse n’a pas eu les moyens pour organiser un camp de préparation en altitude ou dans un palace. «Nous avons de la peine à boucler les fins de mois, en rigole Baidy Ndiaye. La plupart de nos joueurs n’ont pas les moyens de payer une cotisation.»
Le club genevois est accompagné par l’Association suisse de football qui fournit du matériel d’entraînement et une aide administrative. En Suisse, une soixantaine d’équipes profitent du programme «Together» qui encourage l’intégration de migrants.
Chaude ambiance à l’heure du repas
À Nyon, toutes les sélections présentes n’ont pas le même niveau de jeu et de préparation. Les deux finalistes (la Suisse et l’Allemagne) sont les seules équipes à ne pas aligner une équipe en partie mixte. «Pourtant, plusieurs filles s’entraînent avec nous mais ce n’était pas possible pour elles de venir», regrette Baidy Ndiaye.
Les résultats sportifs restent secondaires lors de cet Euro Unity Cup. Même si le maillot n’est pas le même, les équipes se mélangent. La pause de midi se transforme en fête. Niveau ambiance, l'Irlande est championne d’Europe. La musique et le football font tomber les dernières barrières. Le temps d’une journée au moins.