Cinq filles, cinq parcours
Au Servette FC Chênois, les différences sont une force

Dimanche, à 15h15, les Servettiennes affrontent le FC Zurich pour tenter de remporter le titre de championnes de LNA, un trophée qui leur échappe depuis trois ans. Cinq joueuses, venues d'horizons divers, détaillent pourquoi leurs différences sont une richesse.
Publié: 25.05.2024 à 09:44 heures
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Dernière mise à jour: 25.05.2024 à 10:03 heures
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Les filles du Servette FC Chênois n’ont qu’une idée en tête avant de partir en vacances d’été: gagner le titre de championnes de Suisse, un trophée qui échappe au club grenat depuis 2021, une éternité pour le meilleur club du pays. Les Genevoises ont déjà gagné la Coupe, voilà quelques semaines, mais la priorité est de terminer la saison en beauté avec le plus magnifique des trophées. La finale face à Zurich aura lieu ce dimanche à 15h15 à Thoune.

Pour y parvenir, le coach Jose Barcala, riche d’une grande expérience, peut compter sur un groupe de joueuses épatant et surtout très cosmopolite. Les filles viennent de Croatie, d’Espagne, de Suède, de France et de Suisse, notamment, et la grande force, tout comme la grande réussite, du club est d’avoir réussi à créer un état d’esprit très fort, qui fait la différence dans les moments compliqués. Si le football féminin est encore loin d’être professionnel en Suisse, Servette a décidé de franchir le pas et d’offrir à ses joueuses les meilleures conditions possible, c’est-à-dire en leur permettant de vivre de leur passion.

Appartements à disposition, salaires, encadrement technique, repas… Les Genevoises sont professionnelles, ce qui leur permet d’attirer de bonnes joueuses venues de l’étranger, tout en développant leur académie. Celle-ci voit déjà éclore ses premiers talents «faits maison», lesquels se battent pour une place de titulaire et profitent de l’expérience et de la qualité des joueuses étrangères pour progresser. Cet ensemble donne un groupe qui fonctionne bien, et surtout qui vit très bien, alors qu’un effectif est d’abord et surtout un mélange parfois fragile d’individualités avec des caractères et des ego divers.

Les Genevoises se nourrissent de leurs différences de cultures pour progresser ensemble, en sachant que le plus dangereux serait précisément de lisser ces différences. C’est justement son parcours individuel propre que chaque joueuse apporte dans la balance pour élever le collectif. Coup de projecteur sur cinq de ces filles, avec leurs ambitions, leurs rêves, leur parcours de vie. Tout ce qui fait leur force.

JOANA MARCHÃO

La défenseure intraitable
27 ans
Portugaise
 

Photo: Nicolas Righetti / Lundi 13


Née à Abrantes, au centre du Portugal, Joana Marchão vit toute seule à Genève, mais est bien entourée. «En fait, j’ai été très heureuse en recevant l’offre de Servette, car j’ai de la famille proche et des amis ici! Servette couplait l’ambition sportive à cet aspect-là de ma vie privée et c’était donc un choix évident. Je peux voir mes proches tous les jours si je veux et ils me donnent de la force», se réjouit la défenseure, fan inconditionnelle du Sporting Portugal, son club de cœur.

Elle qui a joué à Parme avant de rejoindre la Cité de Calvin est, comme toutes ses coéquipières, séduite par la diversité du vestiaire. «Je connais des mots dans toutes les langues désormais. Bon, certains sont des mots qu’on ne peut pas écrire dans un magazine tout public», rigole-t-elle franchement. Elle a cependant un avantage sur ses collègues suédoises, par exemple: le fait que le français est une langue latine, comme le portugais. «Franchement, je le comprends déjà bien», souligne-t-elle, alors qu’elle dévoile vouloir prendre des cours l’année prochaine avec Therese Simonsson, notamment, pour parfaire sa maîtrise de la langue. Comme ses coéquipières, elle peut vivre à 100% du football et ne cherche pour l’heure pas à suivre des études en parallèle. «Je m’implique à fond. Servette nous permet de le faire, mais je sais que ce n’est pas le cas partout ailleurs en Suisse.»

La Suisse, justement? Elle adore. «Le lac, les montagnes… Dès que j’ai un peu de temps libre, je me promène, je profite des beautés du pays. Mais il y a une chose à laquelle je ne m’habitue pas, c’est la météo! Je viens du Portugal, où c’est l’été toute l’année, en exagérant à peine. Donc c’est clair que là, c’est un peu différent, j’ai l’impression qu’il ne fait jamais beau deux jours de suite!» Elle non plus ne sait pas où sa carrière la mènera, mais l’intransigeante Joana Marchão gardera quoi qu’il arrive un excellent souvenir de son aventure genevoise.

ÉLODIE NAKKACH

Leader par l’exemple
Etudiante en community management
29 ans
Fanco-marocaine
 

Photo: Nicolas Righetti / Lundi 13


Née dans le Limousin, Elodie Nakkach apporte sa hargne à mi-terrain ou en défense au Servette FC Chênois Féminin, où le brassard de capitaine se marie bien à son état d’esprit combatif. Etudiante à distance en community management, la Française de 29 ans se plaît à Genève, mais aimerait un peu plus de professionnalisme dans le football féminin en Suisse. «Que ce soit au niveau des infrastructures, des terrains... Ce n’est pas digne d’un football professionnel. On n’a même pas de ballons communs dans le championnat! Chaque club a ses propres balles, donc chaque weekend on joue avec des ballons différents. Ce serait bien que l’Euro féminin qui arrive permette au football féminin en Suisse de passer un cap», espère-t-elle.

Elodie Nakkach ne joue cependant pas en sélection pour la France, mais pour le Maroc, son autre pays. Et c’est toujours avec beaucoup de fierté qu’elle porte le maillot des Lionnes de l’Atlas, le surnom de la sélection nord-africaine. «En fait, le foot féminin, au Maroc, c’est très nouveau. Et cette émergence provoque quelque chose au niveau des mentalités dans le pays, même si c’est un pays qui est assez ouvert. Disons que notre équipe met un peu en valeur la place de la femme au sein de la société. Et je pense sincèrement qu’on en a aidé beaucoup lors de la dernière Coupe d’Afrique au travers de nos matchs, aussi avec tous les hommes qui étaient présents pour nous encourager. C’était superbe! Et une grande fierté, le mot est bien choisi.»

Travailleuse de l’ombre, elle se sacrifie pour les autres et fait briller les attaquantes. Ce rôle, parfois ingrat, ne la dérange pas plus que ça, au contraire. «C’est comme ça chez les milieux défensifs! C’est un poste très important, mais ce n’est pas le poste le plus mis en avant dans les matchs, à tous les niveaux. Mais c’est un travail nécessaire qui permet de faire la transition entre la défense et l’attaque. Si tu n’as pas un bon milieu, c’est compliqué de jouer au foot.» Une leader, une vraie.

LAURA FELBER

La Genevoise qui monte
Etudiante à l’Unil en gestion du sport et des loisirs
20 ans
Suissesse
 

Photo: Nicolas Righetti / Lundi 13


«Mon frère jouait au foot et je voulais faire pareil que lui. Au début, c’était vraiment ça la démarche. Je n’étais pas une fan du Servette FC ou une mordue. Je l’ai suivi. Mais j’ai vraiment aimé, j’ai croché, j’ai progressé et me voilà ici devant vous», sourit Laura Felber. Son frère a arrêté le foot depuis, mais elle a gravi les échelons du football suisse jusqu’à se retrouver en équipe première du Servette FC Chênois Féminin et à y être une défenseure en vue. «J’ai débuté à Compesières, puis j’ai rejoint le Team Genève et enfin Servette», détaille celle qui est originaire de Vessy et conseille parfois ses coéquipières étrangères sur ses restaurants préférés à Genève. «Mais c’est vraiment si elles me demandent parce que, pour être honnête, je ne suis vraiment pas celle qui connaît le mieux ma ville. Mais bon, ça va, je sais où chercher quand même si elles ont besoin de quelque chose!»

Dans le vestiaire, d’ailleurs, la langue la plus pratiquée est l’anglais, y compris pour les entraînements. «Le coach parle dans cette langue, on la comprend toutes, c’est plus simple. Mais je peux parler français quand même, il y a des Françaises et des Suissesses dans l’équipe», précise Laura Felber, qui a des bases d’italien et d’allemand également.

Se verrait-elle un jour être «l’étrangère de l’équipe», en jouant dans un championnat voisin, voire plus lointain? La réponse est oui. «Pourquoi pas, en effet? Ce serait bien de vivre une nouvelle expérience un jour, de m’enrichir sur le plan culturel et d’améliorer ma maîtrise des langues. Je n’irais pas n’importe où, mais j’aimerais bien le vivre.»

En attendant, elle a un titre de championne à aller chercher avec Servette, tout en suivant les cours de gestion du sport et des loisirs à l’Université de Lausanne, à Dorigny.

«Un jour, j’aimerais bien travailler à la FIFA ou à l’UEFA», dévoile-t-elle. Pour pouvoir, pourquoi pas, contribuer activement au développement du football féminin?

RIMANTE JONUSAITE

La «petite dernière» prêtée par l'AC Milan
20 ans
Lituanienne
 

Photo: Nicolas Righetti / Lundi 13


Après avoir marqué 141 buts (!) en 60 matchs avec son club de Gintra, en Lituanie, l’attaquante balte a été repérée par l’AC Milan, qui l’a prêtée à Servette cet hiver. Elle vit donc ses premiers mois en grenat, et fait office de «petite dernière» du haut de ses 20 ans. «Mais je connaissais un petit peu la Suisse, parce que je m’intéresse beaucoup aux pays dans lesquels je voyage avec ma sélection nationale. J’étais déjà venue à Thoune et à Zurich et, depuis que je suis à Genève, j’en profite pour voir le plus de choses possible. Je veux emmagasiner le maximum.»

Curieuse, très ouverte d’esprit, la Lituanienne de 20 ans se concentre sur le football pour l’instant et profite de son temps libre pour déconnecter au maximum. «Mais ce n’est pas simple!» sourit-elle. Les études? Peut-être pour l’année prochaine, dans un domaine qu’elle maîtrise déjà un peu, celui de la préparation physique. «Je me vois bien coach physique. Comment prévenir les blessures, comment optimiser le potentiel de chaque personne...» détaille celle qui ne parle pas français et s’exprime avec ses collègues dans un anglais parfait.

«Je n’avais jamais rencontré un vestiaire tel que celui-ci, avec huit langues différentes! C’est tellement enrichissant. J’aime leur parler de mon pays, qui représente beaucoup pour moi.» Elle retournera d’ailleurs après la finale passer ses vacances dans l’Etat balte, elle qui vient d’une petite ville nommée Mazeikiai, tout près de la frontière avec la Lettonie. «Dès que j’ai un peu de temps, je parle avec ma famille, bien sûr, explique celle qui est donc passée cet hiver de Milan à Genève. C’est différent. Genève est plus tranquille, moins bruyante. Il y a beaucoup de nature.» Sur le terrain, par contre, Rimante est tout sauf tranquille, elle qui met beaucoup de cœur dans tout ce qu’elle fait et a pour objectif, comme ses coéquipières, de ramener la coupe de championne de Suisse à Genève.

THERESE SIMONSSON

L’attaquante décisive
Etudiante en nutrition sportive
25 ans
Suédoise
 

Photo: Nicolas Righetti / Lundi 13


L’attaquante de 25 ans ne connaissait rien de la Suisse avant d’y arriver en juillet 2023. «Je n’avais jamais visité votre pays, même pour le ski», sourit la Suédoise, qui apprécie la vie à Genève mais ne s’est pas mise à l’apprentissage du français pour l’instant. «Je suis encore sous contrat la saison prochaine, je vais m’y mettre», promet-elle, elle qui, entre deux matchs et deux entraînements, prend des cours à distance pour devenir nutritionniste du sport.

«C’est un domaine qui me passionne», explique l’attaquante, qui apprécie plus que tout le fait de côtoyer des filles venues de différents horizons. «C’est vraiment enrichissant pour moi, comme pour toutes les autres. Lorsque j’ai eu l’opportunité de venir ici, j’ai décidé de la saisir tout de suite», enchaîne Therese, qui avait déjà tenté l’aventure en Espagne en 2022, pour sa première expérience footballistique hors de son pays natal.

Après l’Andalousie, place à Genève la cosmopolite. «Je me sens très bien ici, le club fait beaucoup d’efforts pour qu’on se sente bien. Je vis seule, mais ce n’est pas ennuyeux du tout. On forme un vrai groupe avec les autres filles, on sort ensemble, on passe du temps ensemble.» Si Servette fait tout pour placer ses joueuses dans les meilleures conditions possible, ce n’est pas le cas partout en Suisse, et Therese Simonsson en est consciente.

«Je dirais que, de ce point de vue, la Suède est en avance. La Suisse est dans un processus d’amélioration, mais il y a encore du travail. Ce n’est pas du tout qu’il y a une égalité parfaite dans le football entre hommes et femmes en Suède, bien sûr que non, mais l’équilibre est tout de même meilleur.» Après la finale, place aux vacances pour tout le monde et la Suédoise se réjouit de rentrer chez elle, retrouver sa famille. «Oh oui, je suis impatiente de passer du temps chez moi. Mais ce sera encore mieux si je rentre avec la médaille de championne autour du cou!»

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