Tout a commencé la semaine dernière, lorsque le FC Vétroz, club amateur valaisan, a posté une histoire remplie d’incompréhension et d’émotion sur son compte Instagram. «C’est avec une immense tristesse que nous nous voyons obligés de dire adieu à un jeune qui a profondément marqué notre club par son courage, sa gentillesse et sa force.»
Ce jeune, c’est Mafoudji Diouf qui évolue avec les Juniors A du club valaisan. À 18 ans, ce Sénégalais a vécu de terribles épreuves: après avoir perdu ses parents, il décide de quitter son pays d’origine en quête d’un avenir meilleur. Son chemin va passer par la Mauritanie et l'Algérie. Mais le sort s'acharne: il doit encore affronter la douleur de perdre son frère. Son parcours le mène finalement en Suisse, où il croise la route du FC Vétroz.
Pas de guerre, pas d'asile
Hébergé à Sion dans une structure d’accueil pour les requérants d’asile, il trouve alors un semblant de stabilité. «Il est rapidement devenu l’âme de l’équipe, son pilier silencieux, toujours prêt à apporter son soutien», écrit son club sur Instagram.
Mais en ce début novembre, c’est le coup de massue: Mafoudji doit quitter le territoire suisse, sans quoi il sera expulsé par la force. Motif: puisqu’il a atteint sa majorité et qu’il n’est pas originaire d’un pays en guerre, il est tenu de retourner au Sénégal. «Le coach nous a annoncé la nouvelle après un entraînement», racontent en chœur ses coéquipiers, qui sont tous venus sur leur terrain pour parler à Blick ce lundi et soutenir Mafoudji. Dans leurs paroles, souvent les mêmes mots: incompréhension, tristesse et colère. «Pourquoi lui?, demande Amin. C’est tellement dommage et injuste. Il ne mérite pas ça.»
Une intégration idéale
Il faut dire que l’intégration du jeune footballeur a tout d’une réussite. Lui qui ne parlait pas français il y a encore neuf mois mène désormais des conversations courantes sans difficulté. Loué par l’ensemble du club pour sa «bienveillance et son calme», il a même été nommé capitaine de son équipe, inspirant le respect de ses coéquipiers.
Mieux encore, en dehors des terrains, Mafoudji a réussi à décrocher une place d’apprentissage en carrosserie. «Quand on voit certaines personnes qui peuvent rester, on se dit que rien, mais absolument rien du tout, ne justifie une telle mesure. De toute façon, pour l’administration, ce sont juste des numéros et des dossiers à traiter», désespère Jonathan Bonnaz, le président du FC Vétroz.
Une cagnotte porte ses fruits
Face à la situation, ce dernier n’a pas pu rester les bras croisés. Avec l’ensemble du club, il a lancé une cagnotte dans l’espoir de trouver un avocat et de payer les procédures. En à peine cinq jours, 8000 francs ont été récoltés. «On a désormais bloqué la cagnotte, car on ne saurait pas quoi faire de tout cet argent», explique Jonathan Bonnaz.
D’autant que le premier objectif a été atteint. Une avocate genevoise spécialisée dans le droit d’asile va s’occuper du dossier. «C’est une bonne nouvelle, même si, parfois, je trouve dingue que personne, ici en Valais, ne puisse sortir du bois», confie-t-il.
Gora Diouf et le FC Sion en soutien
La procédure est donc en suspens pour le moment. Face à l’incertitude et à l’attente, Mafoudji peut toutefois continuer de s’entraîner avec son équipe: «Quand je suis avec eux, ça va», assure-t-il à Blick. Pendant que la paperasse fait son œuvre, le défenseur peut compter sur le soutien de son club, mais aussi du grand voisin du FC Sion.
Dans la pénombre de ce lundi soir, une éclaircie sur le terrain de Vétroz: Gora Diouf, joueur de Tourbillon, vient à la rencontre de Mafoudji. Comme lui, il est défenseur. Comme lui, il est Sénégalais. L’occasion d’échanger des mots réconfortants et d’incarner quelques instants ce que la cagnotte laissait déjà penser: à travers Gora Diouf et le FC Sion, c’est tout le Valais qui est touché par le sort de Mafoudji.
«C’est très dur au Sénégal, assure le joueur de Super League. Moi, j’ai vécu là-bas, et j’avais pourtant la chance d’avoir mes parents. C’était déjà difficile, alors je n’ose pas imaginer sans eux.» Il a logiquement été touché par l’histoire de Mafoudji et souhaite affirmer son soutien: «C’est important de montrer qu’on est là. On le fera encore plus s’il le faut.»
«Ça aurait pu être nous»
Plus loin, les coéquipiers du FC Vétroz regardent la scène avec bienveillance. Leur silence en dit beaucoup sur l’attachement qu’ils portent à Mafoudji. «Et vous, vous êtes Suisses?», lâche alors Blick. Les langues se délient. «Non», rigolent-ils. Diogo, Amin, Ruben, Diego et Rafael indiquent alors fièrement leurs nationalités. Ils sont Portugais, Albanais, Ethiopiens ou Espagnols. Ils regardent à nouveau vers Mafoudji. «En fait, ça aurait pu être n’importe qui d'entre nous.» Difficile de croire qu’ici, en plein cœur de la vallée du Rhône, sur un terrain rempli de jeunes qui s’adonnent à leur passion, certains puissent frémir à cette idée.
Pour s'aérer l'esprit, Mafoudji et ses coéquipiers ont d’ailleurs pu se rendre à Tourbillon lors du dernier match contre Lucerne. Les joueurs sédunois ont choisi ce rendez-vous pour mettre fin à une série de trois mois sans victoires (4-2). Peut-être le signe que le vent tournera aussi à l’avenir pour le jeune Sénégalais.
À la question, «tu rêves de devenir joueur professionnel un jour?», ses yeux brillent. Il sourit et énonce un grand «oui». Avec le soutien de son club, pourquoi ne pas y croire?