La carrière de Blerim Dzemaili est longue comme le bras: Zurich, Bolton, Turin, Parme, Naples, Galatasaray, Gênes, Bologne, Montréal et Shenzhen. L’international suisse aux 69 sélections en a vu du pays. Il se confie à Blick avant le choc entre Zurich et Young Boys (ce dimanche à 14h15).
Blerim, si vous pariez sur un 0-4 lors du match entre Zurich et Young Boys, vous avez de bonnes chances de ne pas vous tromper!
Blerim Dzemaili: Je ne pense pas que ce soit aussi facile. Pourquoi dites-vous cela?
Parce que le FCZ a perdu ses douze confrontations directes au cours des trois dernières années, dont cinq sur le score de 0-4 contre les Bernois.
Le passé ne compte pas. Nous sommes une équipe complètement différente. Nous accomplissons quelque chose de formidable cette saison. Dimanche, nous avons l’honneur de jouer un match au sommet contre le champion en titre. Nous devrions en profiter, fournir la même performance que jusqu’à présent et ne pas trop réfléchir.
Le premier duel contre YB cette saison a également été perdu 4-0 à Berne. La pelouse artificielle est-elle un facteur important de cette défaite?
Ce serait trop facile de mettre la faute sur le gazon synthétique, mais ça a joué un certain rôle. J’ai le même avis que Gian Piero Gasperini, l’entraîneur de l’Atalanta: le football est un autre sport sur une pelouse synthétique. Je maintiens: cette surface est un énorme avantage pour YB.
Est-ce plus difficile pour vous, à 35 ans, de jouer sur du synthétique?
Oui. J’essaie de jouer le moins possible sur du synthétique. Les courses donnent l’impression de jouer sur un sol en pierre. Cela ne fait pas de bien à mon corps. La surface est trop dure, je souffre pendant les matches. Mais laissons cela de côté. Heureusement, nous allons jouer sur du gazon naturel au Letzigrund. Nous n’avons encore perdu aucun match à domicile cette saison et je souhaite que ça continue ainsi.
YB domine-t-il grâce à sa pelouse?
Non. Young Boys est pour moi la meilleure équipe de Suisse en termes de qualité et de profondeur.
Meilleur que Bâle?
Oui.
Et qu’en est-il de Zurich?
Nous pratiquons un bon football, attractif, et ce n’est pas un hasard si nous sommes dans le haut du classement.
Vous n’êtes pas seulement en haut du classement, vous êtes leaders.
Le classement n’a pas d’importance pour le moment, nous ne devons pas le regarder. Nous devons voir comment nous pouvons rendre la vie difficile à Young Boys dimanche, c’est notre travail.
Quelle est la part de l’entraîneur André Breitenreiter dans le succès?
Très grande, bien sûr. Mais il y a d’autres différences par rapport à la saison dernière. Par exemple, les deux latéraux Adrian Guerrero et Nikola Boranijasevic. Nous ne les avions pas l’année passée et ils font une très bonne saison jusqu’à présent. Et Assan Ceesay marque souvent. Cela fonctionne bien jusqu’à présent.
On remarque aussi le bon esprit d’équipe.
Pour l’instant, tout va bien. Mais j’ai déjà joué dans de nombreuses équipes. Quand tout va bien, l’esprit d’équipe est automatiquement bon. Si ça va mal, l’esprit d’équipe est mis à l’épreuve.
Vous semblez avoir trouvé votre rôle à Zurich…
Oui. La saison dernière a été difficile, j’ai joué avec une blessure, je n’ai jamais été vraiment en forme. Je n’aurais probablement pas joué en Serie A dans cet état, mais je l’ai quand même fait à Zurich.
Pourquoi?
J’ai remarqué que l’équipe avait besoin de moi. Et je voulais absolument aider le club et prendre des responsabilités sur le terrain. Avec le recul, j’aurais pris une autre décision. Mais cela me convient, j’ai pu vraiment me reposer cet été. Désormais, les douleurs ont disparu et je me sens en forme.
Quelles sont vos performances en course à pied?
Je fais partie de ceux qui courent le plus dans l’équipe.
Courez-vous toujours autant de kilomètres qu’avant?
Non, mais cela dépend aussi toujours de l’intensité du jeu.
Peut-être courez-vous aussi plus intelligemment qu’avant?
Je ne pense pas. J’ai certainement encore une marge de progression (rires).
Vous avez été sélectionné 69 fois avec l’équipe de Suisse, vous avez joué pendant des années en Serie A, aux Etats-Unis, en Turquie, vous êtes allé en Angleterre et en Chine. L’entraîneur vous écoute-t-il?
Je suis un joueur et je n’interviendrai jamais dans les décisions personnelles de l’entraîneur. Il fait un excellent travail. Quand on voit les résultats, il n’a pas non plus besoin de mes conseils. Mais bien sûr, nous parlons souvent ensemble et il me demande de temps en temps mon avis. Ce qui est important pour moi, c’est de sentir l’importance que j’ai dans cette équipe et dans ce club. C’est agréable.
Vous souvenez-vous de votre premier match contre YB?
Oui. C’était à l’été 2003, au stade de Neufeld (ndlr: le stade utilisé par YB pendant la construction du Wankdorf). J’avais 17 ans, je venais d’intégrer la première équipe et je jouais en défense centrale. Je devais jouer contre Stéphane Chapuisat. C’était très spécial. Il a marqué un but et nous avons perdu 2-1.
Qu’est-ce que ça fait de se rendre compte qu’on a le double de l’âge de certains coéquipiers?
On se rend alors compte qu’il est temps de chercher un nouveau job. Blague à part, ce qui est formidable, c’est que sur un terrain de football, l’âge ne joue aucun rôle. Ce qui compte, c’est la performance. D’ailleurs, je n’ai pas encore l’impression d’avoir 35 ans.
Quel âge avez-vous alors?
20 ans tout au plus (rires).
Quand avez-vous découvert vos premiers cheveux blancs?
Bien trop tôt. Déjà à Parme, quand j’avais 24 ou 25 ans.
Maintenant, on ne peut plus les cacher…
…Malheureusement. Croyez-moi: s’il y a quelque chose qui me dérange dans ma vie, ce sont mes cheveux blancs. Si un jour je devais être aussi blanc que l’était Fabrizio Ravanelli (ex-joueur de l’équipe nationale italienne, ndlr), je ne jouerais plus au football.
La solution serait de vous raser la tête.
Jamais.
Que pensez-vous de la qualification de la Nati pour la Coupe du monde?
C’était sensationnel. Murat Yakin a réussi son coup. Personne ne s’y attendait, car il y a eu beaucoup d’absences. Chapeau! Murat est le grand gagnant.
Contrairement à beaucoup d’autres, vous ne vous êtes jamais retiré officiellement de l’équipe nationale. Pourquoi?
Pourquoi devrais-je le faire? Je suis d’avis que l’on ne démissionne pas de la Nati. On finit simplement par ne plus être convoqué. C’est tout.
Allez-vous mettre un terme à votre carrière cet été?
Je n’en suis pas encore là. Je ne ressens aucune pression pour prendre cette décision. J’ai toujours dit que je jouerais tant que j’aurais du plaisir. Et en ce moment, j’ai du plaisir. Physiquement, je pourrais encore jouer trois ou quatre ans, je n’ai pas de douleurs. Mais on ne sait jamais ce qui peut arriver.
Si Zurich devient champion, vous pourriez prendre votre retraite. Ce serait assez kitsch.
On peut voir les choses ainsi.
Vous entameriez alors une carrière d’entraîneur?
Être entraîneur ne m’intéresse pas du tout pour le moment. Je me verrais plutôt dans le management. Dans un club ou peut-être à mon compte.
Pourquoi pas entraîneur?
Honnêtement, ma situation familiale n’est pas très simple. Mon fils Luan vit à l’étranger avec sa mère, et je veux lui rendre visite le plus souvent possible. J’imagine que ce n’est pas facile avec un poste d’entraîneur qui prend beaucoup de temps.
Il y a un an, vous aviez le mal du pays à Zurich. Est-ce que tout s’est passé comme vous le pensiez?
Oui, cela s’est passé exactement comme je l’espérais. Les collègues, les amis, la famille, tout le monde a été là pour moi.
Luan vous manque-t-il toujours autant?
Absolument. Et comment! Mais c’était évident. J’aurais été nostalgique, peu importe où je jouerais et vivrais.
Avez-vous une nouvelle partenaire depuis?
Non. Je suis célibataire. Mais je rêve toujours d’une grande famille avec beaucoup d’enfants. J’adore les grandes familles. Je n’ai pas encore abandonné ce rêve. Mais si j’avais une nouvelle petite amie, je ne le crierais pas sur les toits. J’ai tiré les leçons du passé.
Qu’est-ce que cela signifie?
J’ai été trop médiatisé avec mes relations. Il y a des choses que l’on regrette après coup. Aujourd’hui, je serais moins ouvert. Je protégerais davantage ma vie privée. Mais c’était aussi très difficile. À Naples par exemple, on était suivi à la trace.