Benjamin Kololli évolue à Shizuoka
«Depuis la Suisse, on n’imagine pas le niveau au Japon»

En juillet 2021, Benjamin Kololli a décidé de quitter la Suisse pour tenter sa chance au Japon. Un pays qui l'a toujours fait rêver. Interview du joueur vaudois de Shimizu S-Pulse.
Publié: 31.07.2023 à 16:10 heures
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Dernière mise à jour: 31.07.2023 à 16:48 heures
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Benjamin Kololli évolue depuis 2021 au Japon, avec le Shimizu S-Pulse.
Photo: imago/AFLOSPORT
Bastien Feller

En juillet 2021, Benjamin Kololli a décidé de faire ses valises et d'exporter ses talents de footballeur à l'autre bout de la planète. Direction le Japon, un pays qui a toujours su faire de l'œil au natif d'Aigle dans le canton de Vaud.

Après Sion, Le Mont, Bienne, Bienne, Berne, Lausanne et Zurich, un nouveau chapitre de sa vie est en train de s'écrire au pays du soleil levant, avec le club de Shimizu S-Pulse. Interview.

Tu vis au Japon depuis 2021, comment se passe cette expérience?
Bien, je m’y suis fait. Cela fait exactement deux ans que je suis ici. Les débuts ont été compliqués, car je pensais que les gens parlaient anglais mais, finalement, je me suis retrouvé sur une autre planète. Je ne comprenais pas la langue, ce qui est écrit et les gens ne font pas d’effort. En plus, c’était la période Covid. Mais maintenant cela va mieux, je me suis intégré.

Mais donc maintenant, tu parles japonais?
Parler est un grand mot, mais je me débrouille. Je connais quelques mots, je sais donner des adresses si je suis dans le taxi, des choses toutes bêtes. Je pense que très peu de gens peuvent parler cette langue sans suivre de cours.

Le club ne vous aide pas pour cela?
Oui, mais différemment. Nous avons chacun un traducteur qui nous suit. Au foot, mais aussi en dehors. Il est toujours là si on a besoin de quelque chose. Mais je trouve dommage, on devrait nous imposer des cours, car en tant que joueurs de foot, nous sommes assez flemmards (rires).

Tu es fan de nourriture japonaise et de manga. As-tu pu assouvir tes désirs de découvertes?
Oui, comme je le dis toujours, je suis resté scotché par la nourriture. Ici, on la respecte et c’est la meilleure. Pour les mangas, j’en regarde de plus en plus et j'adore ça.

Tu as eu le temps de découvrir le pays?
Oui, je suis allé à Osaka, Tokyo ou Hiroshima. D’ailleurs, je vais souvent à Tokyo dès que j’ai un ou deux jours «off», c’est à une heure de chez moi. C'est un pays extraordinaire.

Comment ta famille vit-elle la situation?
Elle m’a beaucoup aidé. Même si la première année a été compliquée. Nous étions à l’autre bout du monde, sans expérience avec un enfant. Ma femme a donc fait plusieurs allers-retours, car c’était compliqué de rester tout le temps ici. Mais cette année tout va pour le mieux.

Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté jusqu'ici sur le plan humain?
Je dirais le fait de me débrouiller. C’était la première fois que j’arrivais dans un pays dans lequel je ne comprenais pas la langue, j’étais seul à l’autre bout de la planète. Et c’est compliqué de se faire des amis ici. Même entre eux, les Japonais ont de la peine. Cela m’a forgé, même si je suis quelqu’un d’assez débrouillard de base.

Et sur le plan footballistique?
Beaucoup d’expérience je dirais. Je ne me rendais pas compte du niveau. Depuis la Suisse, on n’imagine pas le niveau qu’il y a ici. Le championnat japonais est le meilleur en Asie. Même si la Saudi League prend des joueurs de partout maintenant. J’ai pris une claque à mon arrivée. Les Japonais sont très vifs et techniques. Cela m'a permis de prendre conscience de ce qu’est le haut niveau et qu’en Suisse, nous sommes très petits.

As-tu su t’adapter rapidement à ce nouveau style de jeu?
C’était compliqué au début. Je n’ai pas tellement joué et lorsque je jouais bien, je me blessais par la suite. Les pépins physiques m’ont freiné. Mais ça fait un moment que tout va bien. On dit qu’en Europe, tu as besoin de six mois d’adaptation. Ici, c’est bien plus.

Est-ce que tu aurais une anecdote à raconter sur le foot là-bas?
J’ai beau avoir joué l’Europa League avec le FC Zurich, j'ai reçu une claque en jouant contre les premiers du classement ici.

Et sur le plan personnel…
En deux ans, jamais un coéquipier ne m’a proposé d’aller manger ou de me faire découvrir quelque chose. J’ai eu de la peine avec ça, d’autant plus que je suis un bon vivant. Les mentalités sont très différentes.

En tant qu’Européen, est-ce que les attentes autour de toi sont plus élevées? Est-ce qu’on attend de toi que tu fasses la différence?
D’un côté, ils attendent beaucoup de toi. Mais d’un autre, tu as l’impression que quand tu parles, on ne te comprend pas. On en revient à la langue. Quand tu veux élever la voix pour je ne sais quoi et que ça passe par le traducteur, ça n’a pas le même impact que si tu le dis directement toi. Parfois, on a l’impression de parler dans le vide. C’est très paradoxal.

Comment est l’engouement pour le football là-bas?
Incroyable. En Suisse, on s’en fout un peu des footballeurs. Mais ici, tu as l’impression d’être une star. Les gens sont vraiment derrière le foot, ils suivent beaucoup ce qu’il se passe. Nous avons joué pour l’anniversaire de notre club dans le stade national qui compte 70’000 places. Nos supporters – qui sont supers – ont presque rempli le stade. 50’000 des nôtres et 10’000 du club adverse, alors que nous n’étions pas dans notre ville.

Tu ne regrettes donc pas ton choix?
Clairement pas, c’est une expérience magnifique.

Vous avez connu la relégation il y a un an. As-tu songé à quitter ton club ou le Japon?
Non. Nos infrastructures sont tops, j’étais encore sous contrat et je me suis engagé avec le club. Nous voulons remonter tout de suite, même si nous avons mal débuté la saison.

D'ailleurs, comment se déroule cette saison pour toi?
Je n'ai pas tellement joué, car j’avais un coach qui ne me faisait pas trop confiance. C’était compliqué. Mais un nouvel entraîneur vient d’arriver et cela se passe mieux. J’ai pu évoluer lors de tous les matches de Coupe. J’ai super bien joué et cela s’est bien passé. Mais au Japon, nous avons un autre problème. Le club n’a le droit d’inscrire sur la feuille de matches que cinq étrangers en première division et quatre en seconde. Et vu que nous sommes six, deux restent à la maison lors de chaque rencontre.

La fin de saison s’annonce donc prometteuse…
Je viens de marquer lors de notre gros match au stade national, j’ai fait une belle entrée. J’ai ensuite été titulaire lors du match d’après et je le serai encore demain (ndlr: samedi, victoire 1-0). J’espère que ça se passera bien.

D’autant plus que tu seras en fin de contrat en janvier 2024…
Oui, je suis dans un bon timing. Si je veux un nouveau contrat, il faut que je commence à jouer maintenant. C’est le plus important.

Ton objectif est-il de rester dans ce club? Ou plus largement au Japon?
Dans ce club, je ne sais pas. Je n’ai pas tellement joué. Mais rester au Japon oui, si c’est possible. Mais je ne ferme la porte à personne.

Même un retour sur les pelouses suisses?
Cela dépend des conditions et d’où. Mais je reste ouvert.

Ta dernière sélection avec le Kosovo date de juin 2022. Est-ce toujours un objectif pour toi?
C’est toujours dans ma tête, mais depuis que j’ai signé au Japon, c’est compliqué. Le sélectionneur ne m’a pas tellement convoqué. Je suis à l’autre bout de la planète, on commence à m’oublier et ne valorise pas le championnat local. Et en plus nous sommes descendus en deuxième division.

Surtout que tu aurais certainement voulu disputer les rencontres contre la Suisse…
Clairement. Je suis très déçu, car cela m’aurait fait très plaisir. J’ai des amis dans ces deux équipes.

Un petit pronostic?
Match gagné à Pristina et perdu à l’extérieur. Comme ça tout le monde est content! (rires)

Que peut-on te souhaiter pour la suite?
De cartonner ces quatre prochains mois, de marquer des buts et de signer un nouveau contrat en janvier (rires).

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